L’artiste de la sculpture a utilisé un engin de levage pour déplacer la statue de neuf tonnes sur une Tesla 3 bleue, un des véhicules produits par la société de l’homme d’affaires milliardaire américain.
« Mon intention était de créer une œuvre qui interpelle Elon Musk », déclare l’artiste mexicain Chavis Marmol, à propos de son installation : une Tesla, véhicule électrique, sous l’emprise d’une immense tête d’inspiration pré-colombienne, en plein cœur de Mexico.
Âgé de 42 ans, Mármol, qui signifie marbre en Espagnol, n’a jamais été propriétaire d’un véhicule et se déplace à bicyclette. Le message sous-jacent de son œuvre est destiné à Elon Musk : « Observe ce que je peux faire de ton précieux véhicule avec cette tête majestueuse, qui est plus vaste que toi et tes technologies grouillantes », déclare-t-il à l’AFP depuis l’Espagne, où il expose.
Intrusion « extra-terrestre »
L’inspiration de sa sculpture provient des têtes colossales des Olmèques, une civilisation très ancienne du Mexique actuel remontant à 3 000 ans. Des traces de cette civilisation se trouvent dans le sud-est du pays. Une exposition consacrée aux Olmèques s’est tenue à Paris en 2021.
Implantée au cœur du quartier tendance de la Roma, l’œuvre intervient un an après l’annonce par Musk de la construction d’une méga-usine à Monterrey, la capitale industrielle du nord du pays. Certains critiques qualifient l’installation de « surréaliste » ou carrément d’intervention d’ « extra-terrestre ». Colima 71, une structure à mi-chemin entre un hôtel classique et un centre d’art, a accueilli cette installation.
40 000 dollars évaporés
Une vidéo retrace le moment où le toit de la voiture est progressivement écrasé par la tête. Les batteries ont été ôtées pour éviter tout accident. Le premier obstacle a été l’achat du véhicule, estimé à environ 40 000 dollars sur le marché secondaire. L’identité du mécène qui a financé l’installation reste confidentielle. Le deuxième défi a été de trouver le bloc de pierre. Il pesait à l’origine 12 tonnes, mais ne pèse plus que neuf tonnes après que l’artiste a sculpté le crâne, les yeux immenses et les lèvres charnues.
Margarita Ongay, la directrice artistique de Colima 71, avoue avoir eu un coup de cœur pour l’œuvre de l’artiste. « Quelles sensations éprouve-t-on en la regardant ? Que représente Tesla pour moi ? Que signifie la construction d’une usine Tesla à Monterrey ? Que nous inspire Musk ? », se questionne-t-elle.
L’artiste, provocateur, admet sans ambages que la disparition de 40 000 dollars ne le touche pas car « ce n’était pas mon argent ». « C’est ça la beauté de l’art, on peut se permettre ce genre d’excentricités ». Au Mexique, l’art « VIP » (Vidéo, installation, performance) est critiqué comme une imposture par l’observatrice Avelina Lésper, qui a rédigé en 2022 un essai intitulé « l’arnaque de l’art contemporain ». C’est un « art trompeur, soutenu par la médiocrité, la spéculation financière et le favoritisme », souligne-t-elle.
« Si une œuvre parvient à émouvoir ou à faire réfléchir, elle a atteint son but, aucune question à se poser sur son prix ou son coût », rétorque Ongay face à d’éventuelles remontrances concernant l’œuvre de Mármol. Evidemment, l’idée est de parvenir jusqu’à Elon Musk avec l’image provocante de la Tesla en pièces. « Ce serait fantastique qu’il découvre son véhicule » dans cet état, s’exclame la directrice artistique en souriant.