Dans le contexte où l’état désire modifier les normes de l’assurance-chômage, surtout pour encourager la reprise du travail, Bruno Coquet, économiste, soutient qu’il est impossible de prouver qu’il existe un souci de réintégration professionnelle concernant les demandeurs d’emploi indemnisés.
Le gouvernement a dans son viseur les modalités actuelles de l’assurance-chômage. Un séminaire gouvernemental dédié à la question du travail a lieu ce mercredi 27 mars à Matignon. Par la suite, le Premier ministre Gabriel Attal prendra la parole dans le JT de TF1 à 20h.
« Si l’indemnisation chômage est bien répartie, par exemple, si elle prend bien en charge les personnes sur des postes à risque, elles sont plus enclines à accepter de tels postes », a annoncé l’économiste Bruno Coquet, spécialiste des politiques du marché du travail sur 42mag.fr, mardi.
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Franceinfo : Qu’en est-il du discours récurrent qui plaide pour un durcissement des conditions de l’assurance-chômage, censé favoriser la réintégration sur le marché du travail ? Que pensez-vous de cela ?
Bruno Coquet : En premier lieu, renforcer les conditions de l’assurance-chômage ne crée pas d’emplois. Nous pouvons déjà affirmer cela. Ensuite, la question de l’assurance-chômage dans le débat public est toujours considérée comme excessive. Dans le domaine de l’économie, ce n’est pas trop, c’est juste ce qu’il faut. En effet, si c’est excessif, cela ralentit effectivement le retour à l’emploi, mais si c’est insuffisant, cela force les personnes à reprendre un emploi de toute urgence. En quelque sorte, le premier qui se présente. Cela leur fait ainsi perdre en capital humain, pour faire simple. Alors, est-ce que cela va favoriser la reprise d’emploi ? Ce qui est sûr, c’est que cela va réduire les dépenses de l’assurance-chômage pour ceux qui ont épuisé leurs droits. Mais cela ne signifie pas qu’ils auront trouvé un travail une fois leurs droits épuisés, surtout dans le contexte actuel.
L’économiste Gilbert Cette mentionne aujourd’hui dans Sud Ouest que le durcissement des règles de l’assurance-chômage est l’une des solutions. « Par rapport aux autres pays de l’OCDE, la France dispose de règles très avantageuses », écrit-il.
Actuellement, on ne peut pas prouver qu’il y a un problème de retour au travail parmi les chômeurs indemnisés. Il n’existe à ce jour aucune preuve de cela, surtout suite aux différentes réformes effectuées ces cinq dernières années.
Sachant que moins d’un chômeur sur deux est indemnisé.
Oui.
Il est primordial de se demander pourquoi les chômeurs non indemnisés ne reprennent pas de travail. Ce n’est pas car ils sont trop indemnisés.
– Bruno Coquet sur 42mag.fr
Deuxièmement, l’assurance-chômage en France est très coûteuse, elle est deux fois plus chère que dans le second pays le plus cher de l’OCDE. C’est presque équivalent à un mois de salaire net par an.
Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, suggère de ramener la période d’indemnisation des seniors de 27 à 18 mois, comme c’est le cas pour les autres demandeurs d’emploi.
Comme pour les autres demandeurs d’emploi, on ne peut pas démontrer qu’actuellement, il y a un problème de seniors qui ne reprennent pas de travail car ils seraient trop indemnisés par l’assurance-chômage. On ne peut pas démontrer cela.
Cela ne favorise pas le retour à l’emploi et n’augmente pas non plus le taux d’activité. Le problème des seniors, c’est leur faible taux d’activité comparé aux autres pays européens.
Avec le durcissement des conditions de l’assurance-chômage, le taux d’activité ne va pas augmenter, il peut même baisser. De nombreux documents économiques montrent que si l’assurance-chômage est bien répartie, par exemple, si elle couvre bien les CDD et les emplois à risques, les personnes sont plus disposées à accepter ce type d’emploi dans des entreprises innovantes qui misent sur de courts contrats, etc. Alors, nous pourrions avoir l’effet inverse. C’est ce que montre la littérature.
On ne peut pas prouver qu’il y a actuellement un aléa moral pour les seniors dans le système français – Bruno Coquet sur 42mag.fr
Il faut également rappeler la règle qui prolonge les droits des seniors jusqu’à leur retraite à un taux plein. Mais l’Unedic forcera également les seniors à prendre leur retraite. Autrement dit, si vous avez 27 mois de droits et que vous êtes à un mois de votre retraite à taux plein, que se passe-t-il après un mois ? L’Unedic vous forcera à prendre votre retraite, c’est-à-dire que vous n’aurez pas ces droits. C’est un point très important à comprendre.
D’après les chiffres de l’Insee publiés ce matin, le déficit pour 2023 atteint 5,5% du PIB. « Nous allons continuer sur le chemin de la rigueur et de la responsabilité, toujours avec un fil rouge, celui du travail », a déclaré Gabriel Attal devant l’Assemblée nationale, citant la réforme de l’assurance-chômage.
On ne voit pas comment cela créerait plus de travail. Et par rapport à l’idée que le travail doit être plus rémunérateur que l’inactivité, je pense que tout le monde est d’accord sur ce point.
Mais avec toutes les réformes qui ont été faites, ce n’est pas que le travail est mieux payé, c’est que l’inactivité est moins rémunérée – Brunot Coquet sur 42mag.fr
Cependant, nous avons un problème de pouvoir vivre de son salaire, même à plein temps. Depuis longtemps, les gouvernements versent des compléments de salaire, sous forme de prime d’activité et plus récemment de chèques, pour ceux qui travaillent à plein temps. Le vrai problème est donc de réduire les assurances sociales. Parce qu’il s’agit bien d’assurances, et non d’aides – qui n’offrent pas plus d’emplois et ne rémunèrent pas mieux le travail.
Le gouvernement veut prendre le contrôle de la gestion de l’Unédic. Qu’en pensez-vous ?
Selon moi, il a fait moins bien que les partenaires sociaux jusqu’à présent. La gestion des partenaires sociaux était certainement critiquable. Jusqu’à présent, l’État n’a fait que prendre dans la caisse. Il pourrait vouloir diminuer les droits pour inciter les chômeurs à reprendre rapidement un emploi, mais il devrait réduire les cotisations. C’est cela une bonne gestion. Alors qu’il s’agissait d’une période plutôt favorable, il a simplement pris les excédents. Des excédents dont on a besoin dans une assurance de ce type pour faire face aux déficits qui ne manqueront pas de survenir si le taux de chômage augmente.