En se trouvant en retrait dans les enquêtes d’opinion, Valérie Hayer, qui mène la liste Renaissance, a visé le Rassemblement national lors de son tout premier rassemblement à Lille le samedi, en prenant le risque potentiel de renforcer la position de leader de Jordan Bardella.
Valérie Hayer a brillamment prouvé son engagement en politique lors de sa première grande manifestation à Lille, le samedi 9 mars. En tant que principale candidate du parti présidentiel pour les prochaines élections européennes, elle ne s’est pas retenue de critiquer le parti d’extrême droite qu’elle accuse d’être à la merci de la Russie. Elle est allée jusqu’à faire renaitre les souvenirs des années 30 et des pactes de Munich en blâmant Marine Le Pen pour sa complaisance face à Vladimir Poutine, équivalente selon elle à celle de Daladier vis-à-vis d’Adolf Hitler à l’époque. Exagérant la situation, également soulignée par Gabriel Attal, qui mettait en lumière le danger de la « dislocation » de l’Europe, la majeure partie du parti présidentiel reprend le refrain ancien du « moi ou le désordre ». Ici, le désordre faisant référence à l’instabilité en Europe qui pourrait découler de la montée des partis d’extrême droite amenant à une minorité de blocage.
En s’exposant à un combat aussi intense avec le Rassemblement national, le parti présidentiel renforce involontairement la popularité de Jordan Bardella. Selon François Bayrou, cela reviendrait à « offrir un cadeau au RN » en en faisant « le principal sujet de la campagne ». Néanmoins, si cette stratégie a été adoptée par le parti présidentiel et approuvée par l’Élysée, c’est parce qu’ils n’ont pas d’autre option, le RN menant la course avec plus de dix points d’avance.
Un plan qui a déjà été efficace
Le but de cette attaque en règle contre le RN n’est pas de reconquérir leurs électeurs. En effet, les transferts de voix entre le RN et Renaissance sont minimes. L’objectif est plutôt de motiver les sympathisants de Macron qui pourraient penser à s’abstenir et de détourner les votes en faveur du Parti socialiste, Les Républicains et les Verts en affirmant que face à la menace de l’extrême droite, le seul vote qui compte est celui de Renaissance. Cette dramatisation a déjà été effective à deux reprises, lors des élections européennes de 2019 où Nathalie Loiseau avait comblé son retard sur Jordan Bardella et lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2022.
Marine Le Pen est agacée d’être sans cesse renvoyée à ses liens avec la Russie. Cependant, elle peine à se débarrasser de cette image liée à Poutine. Les votes prévus à l’Assemblée et au Sénat les 12 et 13 mars, concernant le soutien de la France à l’Ukraine, seront révélateurs. Jordan Bardella prétend ne pas s’opposer au « principe », mais le RN a déjà trouvé une raison pour ne pas approuver l’accord de sécurité franco-ukrainien. Des « lignes rouges » à ne pas franchir sont établies, notamment une éventuelle adhésion future de l’Ukraine à l’Union européenne et à l’OTAN, ce qui correspond exactement à la position du Kremlin. Ces éléments justifient encore plus la stratégie de campagne adoptée par les partisans de Macron.