Mercredi, Emmanuel Macron dirige l’hommage en l’honneur de l’amiral et descendant de Charles de Gaulle. Il s’agit de la 26e cérémonie de ce genre qu’il supervise depuis sa prise de fonction en 2017.
Mercredi, 20 mars, une nouvelle occasion solennelle pour saluer la mémoire d’un grand personnage a eu lieu aux Invalides, où Emmanuel Macron a dirigé une cérémonie d’hommage à Philippe de Gaulle, Amiral et descendant du général de Gaulle, qui a trépassé une semaine plus tôt. L’événement marque l’une des trois cérémonies nationales d’hommage orchestrées par le président de la République depuis le début de l’année 2024. En ayant organisé un total de 26 hommages nationaux en mémoire de personnalités civiles depuis son élection en mai 2017, Emmanuel Macron détient désormais le record en tant que président ayant organisé le plus grand nombre de ce genre de cérémonies.
Contrairement à la panthéonisation, qui peut se dérouler des décennies après le décès d’un individu important, l’hommage national « tend généralement à se tenir peu après le décès de la personne en question », note Sébastien Ledoux, un historien spécialisé sur les enjeux de la mémoire à l’Université de Picardie Jules Verne. Ces cérémonies sont ordonnées par le président en exercice, qu’il est courant de voir prononcer un éloge funèbre.
Jusqu’à la décennie 2010, il était rare d’assister à ce type d’événements pour les personnalités civiles (nous n’avons pas pris en compte les hommages aux militaires tombés en mission durant ce décompte). Entre autres, Jacques Chirac n’en a présidé que cinq pendant ses mandats, et Nicolas Sarkozy, seulement trois. François Mitterrand a pour sa part dirigé deux hommages nationaux durant ses 14 années à la présidence, en l’honneur de Pierre Mendès France et d’Henri Frenay.
La fréquence à laquelle ces hommages sont rendus a fortement augmenté pendant le mandat de François Hollande. Emmanuel Macron n’a pas été la première à solliciter régulièrement les hommages, mais il a certainement renforcé la pratique. En l’espace de presque 7 ans à la présidence, il a organisé un hommage environ tous les trois mois. Il a aussi instauré la journée nationale d’hommage aux victimes du terrorisme, commémorée tous les 11 mars depuis 2020.
Une « militarisation de la mémoire »
Selon Sébastien Ledoux, expert en histoire de la mémoire, « l’augmentation du nombre d’hommages nationaux s’accompagne souvent d’une forme de militarisation de la mémoire nationale ». En effet, la majorité des cérémonies, à quelques exceptions près, concernent des civils et se tiennent dans les Invalides, une structure avec des fonctionnalités militaires encore aujourd’hui. « Rendre des hommages civils dans un cadre militaire traditionnel fait partie d’une tendance plus large du gouvernement qui utilise des symboles militaires », analyse l’enseignant de l’université de Picardie Jules-Verne. Pour lui, ce virage a été pris sous François Hollande, suite aux attentats terroristes de 2015.
Ce mouvement s’est intensifié sous l’administration d’Emmanuel Macron, qui a développé un plan mémoriel propre. « Pour François Hollande, ces nombreux hommages aux victimes étaient plus liés aux attentats. Emmanuel Macron, de son côté, a une manière très personnelle d’aborder la question », précise Sébastien Ledoux. « Sa politique mémorielle a été soigneusement réfléchie bien avant son élection, et s’inscrit dans une tendance plus large qui implique l’utilisation de symboles militaires, comme le SNU [service national universel], l’uniforme ou le concept de ‘réarmement' ».
Une affirmation par le président
Pour ledit historien, ces nombreux hommages permettent également au président de la République d’affirmer son autorité face à l’horizontalité apportée par les réseaux sociaux ces dernières années. Le chef d’État peut ainsi « choisir les personnifications du récit national », tout en se présentant comme un élément de ce récit.
« Le président de la République se donne le privilège de raconter l’histoire. Emmanuel Macron utilise avec force ce pouvoir présidentiel, aspirant à un pouvoir fort, tout à fait dans la tradition gaullienne de la Cinquième République, » a déclaré Sébastien Ledoux à franceinfo.
Pour le gouvernement, ces cérémonies sont également une façon de réaffirmer une emprise sur le cours du temps, dans un monde où tout semble s’accélérer. « En essayant de trouver des rites qui sont des rites de suspension du temps, le président s’affirme également comme maître du temps », note Sébastien Ledoux.
Mais cette fréquence accrue d’hommages ne risque-t-elle pas de les rendre moins significatifs ? « Pour l’instant, l’Élysée ne semble pas percevoir ce danger, puisqu’il continue dans cette voie. Mais dans quelle mesure les gens se sentent-ils toujours concernés par cela ? », se demande Sébastien Ledoux. « C’est difficile à dire. Mais excepté les invités présents aux Invalides pour l’hommage national, on ne peut guère parler d’un enthousiasme populaire. »