L’arrivée mercredi de « Dans la peau de Blanche Houellebecq » met en avant la connexion de Michel Houellebecq avec l’industrie du film.
Michel Houellebecq est souvent catégorisé, à tort ou à raison, comme une version contemporaine de Balzac grâce à sa prose saisissante et en phase avec l’air du temps. Avec un flocon d’une vingtaine de films, que ce soit en tant qu’acteur, réalisateur ou scénariste, on peut se demander si l’écrivain cherche à illustrer le dicton affirmant que le cinéma est le fruit d’une union entre la littérature et la peinture, conçu sur une table de montage.
Avant d’être un auteur reconnu, Michel Houellebecq a d’abord été fasciné par le 7e art, une passion que le cinéma lui rend bien. Sa participation dans « Dans la peau de Blanche Houellebecq« , un film réalisé par Guillaume Nicloux sorti le 13 mars, en est une nouvelle illustration de son lien avec le monde du cinéma.
Origine de l’amour du cinéma
Après Alain Robbe-Grillet, Michel Houellebecq est probablement l’écrivain qui cultive le plus de connexions avec le monde cinématographique. Que ce soit en tant qu’auteur, scénariste, réalisateur ou acteur, son rapprochement avec le cinéma est indéniable, bien que leur sphère artistique soit distincte. Leur point commun se trouve dans leur intérêt pour le genre fantastique. Robbe-Grillet avec des films comme « L’année dernière à Marienbad » (1961) et « Je t’aime, je t’aime » (1968), et Houellebecq avec son dévouement pour l’écrivain américain Howard Philips Lovecraft à qui il a dédié un magnifique essai, son tout premier livre publié.
En ayant réalisé trois courts-métrages et un long, joué dans onze films et écrit pour d’autres, Michel Houellebecq insère fréquemment des éléments liés au cinéma dans ses romans. Que ce soit des sorties, des rencontres, des affiches, des projections, ou des références cinématographiques, son œuvre en est parsemée. Il est aussi conscient des distinctions entre l’écriture de roman et celle de scénario, comme en témoigne l’adaptation qu’il a lui-même réalisée de son roman « La Possibilité d’une île » pour le grand écran. Malgré la présence de Benoît Magimel et une projection au Festival de Cannes en 2008, le film a été fortement critiqué.
Réalisateur avant d’être écrivain
En effet, la première aventure de Michel Houellebecq dans le cinéma remonte à 1978, avec son court-métrage de 30 minutes « Cristal de souffrance ». Il est donc réalisateur avant de devenir un romancier célèbre. Après avoir fait ses premiers pas dans le cinéma, l’adaptation de son premier roman « Extension du domaine de la lutte » (1994) est réalisée par Philippe Harel en 1999. Michel Houellebecq est alors déjà un phénomène littéraire et voir son roman adapté à l’écran, cinq ans après sa publication, est probablement une consécration pour l’amoureux du cinéma qu’il est.
C’est toutefois sa collaboration avec Guillaume Nicloux, réalisateur de « L’Enlèvement de Michel Houellebecq » diffusé sur Arte en 2014, qui révèle l’écrivain en tant qu’acteur. Ce film qui parle de l’enlèvement d’un écrivain qui se retrouve chez un couple de retraités, réussit brillamment à capter l’atmosphère et l’air du temps, qui sont si typiques de ses œuvres littéraires.
Un visage fait pour le cinéma
Le film de Philippe Harel met en lumière un physique et un visage singuliers que le cinéma apprécie. Reconnaissable entre tous, Michel Houellebecq, devenu une personnalité très sollicitée par les médias, apporte aussi son aura d’écrivain au 7e art. C’est alors qu’il tient le premier rôle de Near Death Experience (2014) de Gustave Kerven et Benoît Delépine, où il incarne un employé en burn-out qui abandonne tout pour fuir à la montagne à vélo.
En tant que musicien, Michel Houellebecq marque sa présence aux côtés d’Iggy Pop dans le documentaire qui lui est dédié, Rester vivant – Méthode. Il fait ensuite une apparition dans Saint-Amour (2016) toujours réalisé par Kerven et Delépine, où il donne la réplique à Gérard Depardieu, Benoît Poelvoorde et Vincent Lacoste. En 2019, il retrouve Guillaume Nicloux qui réalise Le film « Thalasso« , avec Gérard Depardieux et lui-même jouant leur propre rôle. Le film succède à « L’Enlèvement de Michel Houellebecq », et dépeint les aventures des deux personnalités médiatiques qui protestent contre la diète de l’établissement.
Réalisateur fidéliques
Gustave Kerven et Benoît Delépine ont une grande fidélité envers Michel Houellebecq, et lui offrent le rôle d’un client suicidaire dans leur film « Effacez l’historique », il y croise Blanche Gardin avec qui il a aujourd’hui renoué les liens dans « Dans la peau de Blanche Houellebecq« . Au fur et à mesure de ses apparitions dans différents films, l’écrivain semble être une sorte de caméo de luxe, invité à faire un petit « coucou » comme s’il faisait partie du décor de ses réalisateurs préférés. Mais l’auteur ne se laisse pas catégoriser. Connu pour son image « décalée », Houellebecq aime surprendre et apparaitre là où on ne l’attend pas, comme dans « Rumba, la vie » (2022), une comédie de Franck Dubosc, où il incarne un médecin. La même année, son roman « Les Particules élémentaires » (1998) est adapté à la télévision, mais pas avec sa participation, que ce soit en tant que scénariste/adaptateur ou acteur.
Néanmoins, il revient sur le devant de la scène là où on l’attend le plus, dans le nouveau film de Guillaume Nicloux « Dans la peau de Blanche Houellebecq« , où le réalisateur le met en scène pour la troisième fois. Il est surprenant de voir comment l’écrivain se confond avec l’acteur, oscillant entre la solitude de l’écriture et l’exposition publique au cinéma, en incarnant « lui-même ». Ironie du sort pour celui qui aspirait avant tout à être cinéaste, son nom est inclus dans les titres des films où il joue. Houellebecq est devenu un personnage de conte. Une ironie de la vie qui mériterait bien une place dans l’un de ses romans.