Chaque samedi, nous analysons les problématiques climatiques avec François Gemenne, enseignant à HEC, qui est également à la tête du Conseil scientifique de la Fondation pour l’homme et la nature et fait partie du GIEC.
L’entreprise Imerys envisage d’établir une mine de lithium de grande envergure à Échassières, dans l’Allier. Le site industriel projeté couvre un espace de 30 hectares, comprendra des galeries souterraines de 400 mètres de profondeur et diverses infrastructures tels que celles consacrées au fret et au traitement des déchets. La mine consommera beaucoup d’eau, environ 600 000 mètres cubes par an, qui seront pompés de la Sioule, la rivière proche. Le projet a déjà commencé à faire l’objet de discussions publiques sous l’égide de la Commission nationale du débat public le 11 mars, et de nombreuses objections ont été soulevées par ceux qui s’opposent au projet.
Des interrogations légitimes
Il est tout à fait compréhensible que ce projet puisse susciter des interrogations. Si Imerys parvient à ses fins, ce serait la première ouverture d’une mine en France depuis les cinquante dernières années. Le but de l’entreprise est de produire environ 34 000 tonnes d’hydroxyde de lithium chaque année, ce qui suffirait à alimenter environ 700 000 voitures à batterie pendant au moins 25 ans.
À l’heure actuelle, la production mondiale de lithium s’élève à environ 130 000 tonnes. Si la mine d’Échassignières voit le jour, elle pourrait représenter environ un quart de la production mondiale de lithium. Cela permettrait à la France de jouer un rôle important dans la production des terres rares et des minerais critiques, qui sont aujourd’hui principalement produites par l’Australie, le Chili et la Chine.
Est-ce que le lithium devient une denrée rare?
Malgré les spéculations sur le fait que les réserves de lithium s’épuisent, les réserves mondiales de lithium restent abondantes. Le chiffre des réserves avérées de lithium s’élève à environ 26 millions de tonnes en 2022, alors que les estimations de réserves potentielles se situent aux alentours de 100 millions de tonnes.
Pourquoi chercher le lithium en France ?
La production locale du lithium présenterait des avantages, notamment ceux liés à la transition énergétique et à la réduction de l’impact environnemental. Les immenses réserves de lithium se trouvent principalement dans les plaines salines d’Amérique du Sud qui sont des sites naturels d’une grande beauté et qui seraient nécessairement détruits par les activités minières.
Peut-on vraiment parler de mines écologiques ?
Indéniablement, non. Même les précautions les plus rigoureuses ne peuvent empêcher les mines d’avoir un impact sur l’environnement local. Alors que tout le monde désire la transition vers des batteries au lithium, personne ne souhaite vivre à proximité d’une mine de lithium. De même, tout le monde aspire à l’énergie renouvelable, mais personne ne souhaite voir une éolienne dénaturer son paysage.
La contradiction de la transition
Il existe une contradiction inhérente entre les exigences de la transition énergétique et la préservation de la biodiversité. Dans certains cas, les projets destinés à lutter contre le changement climatique peuvent nuire à la biodiversité. Les barrages et d’autres grands projets d’infrastructure peuvent avoir un coût environnemental significatif, même s’ils contribuent à réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Par conséquent, nous devons accepter ce coût tout en s’efforçant de le minimiser au maximum, ou alors nous ne devons rien faire du tout. Les alternatives se présentent sous cette forme.