L’entreprise Tesla, en Europe, traverse actuellement une phase tumultueuse. Les défenseurs de l’environnement se sont attaqués mardi à l’unité de production située en Allemagne, tandis que les activités en Suède sont à l’arrêt depuis plusieurs mois en raison d’un mouvement de grève.
Elon Musk avait décidé d’installer sa gigafactory « Europe », une usine Tesla, en Allemagne. Cette usine, qui a ouvert ses portes en 2022 près de Berlin, a boosté les ventes de voitures et les objectifs de production sont constamment rehaussés. La firme Tesla, qui se place en deuxième position mondiale parmi les constructeurs de véhicules électriques derrière BYD, une entreprise chinoise, projette d’étendre son site et de doubler sa production. Cependant, elle fait face à l’opposition catégorique d’écologistes locaux qui ont provoqué l’arrêt de l’usine depuis le mardi 5 mars suite à la destruction d’un pylône électrique.
D’un autre côté, les employés de la firme en Suède sont en grève depuis le 27 octobre dernière. En déclinant de signer une convention collective qui fixe notamment un salaire minimum pour les travailleurs, Elon Musk voit le mouvement gagner l’ensemble du territoire suédois depuis quatre mois. Ce pays, qui accorde une importance particulière aux syndicats, voit d’autres secteurs manifester leur solidarité en boycottant la marque. Le boycott s’étend même au-delà des frontières suédoises et atteints la Norvège, la Finlande et le Danemark.
Le camp d’écologistes opposants planté dans la forêt avoisinante l’usine en Allemagne
En Allemagne, la seule gigafactory de Tesla dans toute l’Europe est actuellement à l’arrêt. Un pylône électrique crucial a été incendié intentionnellement. En s’attribuant cette action, le groupe d’extrême gauche nommé Vulkangruppe, accuse la firme Tesla d’employer des ressources humaines, de la terre et d’autres ressources pour produire chaque semaine, « 6000 SUV, véhicules meurtriers et monster trucks ». La situation est plus compliquée alors que la firme veut élargir son usine pour doubler sa production en vue d’atteindre le chiffre d’un million de véhicules par an. Pourtant, cela impliquerait la destruction d’une centaine d’hectares de forêt de pins. Les opposants voient en cela une menace pour la nappe phréatique et craignent que cela ne compromette l’approvisionnement de la région en eau potable.
Cela constitue un coup dur pour la firme. Les 12 000 employés de l’usine à Grünheide sont en chômage technique. La production du Model Y, le populaire SUV électrique qui fait un tabac en Europe, ne reprendra pas de sitôt. La firme estime que le préjudice subi équivaut à plusieurs centaines de millions d’euros.
Néanmoins, l’usine allemande de Tesla a connu récemment des moments difficiles. Suite à des attaques contre des cargos en mer Rouge qui ont ralenti l’approvisionnement en matières premières, le groupe a dû suspendre ses activités pour 15 jours au début du mois de février. De plus, les habitants de Grünheide, la commune où est installée l’usine, ont voté contre l’extension de l’usine il y a deux semaines. Et depuis jeudi dernier, une centaine de militants écologistes leur ont apporté leur soutien en installant un campement à une distance de 300 mètres de l’usine. Ils ont érigé des cabanes dans la forêt de pins afin d’empêcher le déboisement.
En Suède, Tesla parvient à surmonter les obstacles malgré un mouvement qui commence à faiblir
La grève en Suède dure maintenant depuis quatre mois, ce qui représente le plus long conflit social enregistré en 80 ans dans le pays. Aujourd’hui, seulement un tiers des mécaniciens impliqués dans la grève sont encore en arrêt de travail. Les tactiques de boycott touchant d’autres secteurs comme ceux des électriciens, de la collecte des ordures, de la distribution du courrier etc., n’ont pas réussi à atteindre leurs objectifs.
Tesla arrive à surmonter tous ces obstacles en élargissant ses ateliers de réparation et en recrutant de nouveaux mécaniciens. Alors que les docker danois, finlandais et norvégiens ne déchargent plus les Teslas dans les ports, la firme a décidé de dérouter ses conteneurs pour acheminer les véhicules par voie routière. Elle cherche aussi d’autres sources d’approvisionnement pour ses composants en aluminium fabriqués en Suède.
Le modèle social suédois remis en question
Certains garages ne réparant plus les Tesla en signe de solidarité affirment avoir perdu 50% de leurs revenus. Néanmoins, le mouvement commence à perdre de sa vigueur et même si ces actions de boycott coûtent cher à Tesla et nuisent à son image, la firme continue son extension. D’ailleurs, les ventes de Tesla augmentent toujours.
Cependant, les grévistes pensent que d’autres actions sont possibles et que le boycott pourrait prendre de l’ampleur. Le syndicat If Metall affirme posséder les moyens financiers de continuer la grève pendant « des années ». Le conflit est exacerbé car Tesla refuse en principe les accords de branche et ne veut pas établir de précédent. Alors que pour le syndicat, laisser Tesla agir à sa guise pourrait mettre en danger le modèle social suédois. Ce dernier, fondé sur les négociations collectives, jouit toujours de popularité, la grève bénéficie encore d’un taux d’opinion très favorable : entre 60 à 70% des Suédois la soutiennent. Mais pour amener le géant américain à la table des négociations, il faudrait peut-être un bouleversement européen, voire mondial. Visiblement, Tesla a les moyens d’ignorer les revendications des employés.