Une association française du patrimoine a lancé un appel aux autorités pour la restitution de six vitraux qui auraient été volés dans la cathédrale de Rouen il y a plus d'un siècle et qui sont désormais conservés dans trois musées aux États-Unis.
Le président de l'association parisienne Lumière sur le Patrimoine, Philippe Machicote, a déposé plainte mi-décembre auprès du procureur de la République de Rouen, qui a désormais deux mois pour se prononcer.
La plainte pour « recel de vol » concerne le Glencairn Museum de Bryn Athyn (Pennsylvanie), le Worcester Art Museum (Massachusetts) et le Metropolitan Museum of Art (New York).
Machicote a déclaré au journal régional Ouest-France les vitraux, qu'il qualifie de « trésors nationaux imprescriptibles et inaliénables », devraient être restitués à la France.
Prouver la provenance
La cathédrale millénaire de Rouen est la plus haute de ce type en France. Parmi ses précieuses reliques, les fenêtres manquantes réalisées entre 1200 et 1210 illustrent les Sept Dormants d'Éphèse, une légende de soldats chrétiens persécutés qui s'endormirent dans une grotte et se réveillèrent deux siècles plus tard.
Selon Machicote, les panneaux ont été volés entre la fin du 19e et le début du 20e siècle. Il raconte qu'ils ont transité clandestinement par le marché parisien, « passés entre les mains de collectionneurs américains et, après leur mort, ont fini dans les musées ».
Pour preuve, Machicote cite un article de 1972 de l'historien de l'art Jean Lafond, qui remarquait en 1931 que les fenêtres qu'il avait inventoriées 20 ans plus tôt ne faisaient plus partie de la collection de la cathédrale.
« Les musées américains savent depuis 1972 qu'il s'agit de vitraux volés », affirme Machicote.
Les archives en ligne du Met indiquent que les vitraux aujourd'hui présents dans sa collection provenaient à l'origine de la cathédrale de Rouen avant d'être vendus par un marchand français dans les années 1920 au riche collectionneur américain Raymond Pitcairn.
Le musée de Glencairn a également publié un essai en 2019 détaillant les mouvements antérieurs des fenêtres, dans lequel il affirme que plusieurs panneaux ont été sortis clandestinement de la cathédrale et placés sur le marché de l'art français – dont au moins un maintenant au Met.
Le musée d'art de Worcester a déclaré au Globe de Boston qu'il prend très au sérieux « les responsabilités de conservation et éthiques envers sa collection » mais qu'il n'a « jamais été contacté au sujet de cette œuvre d'art ».
Il indique avoir acquis les vitrines lors d'une vente publique en 1921, ajoutant : « Si le Musée reçoit des informations ou une réclamation, nous l'examinerons attentivement et dans le respect des meilleures pratiques. »
Efforts de restitution
Dans une autre affaire, en septembre dernier, Machicote avait affirmé que la maison de ventes Sotheby's avait vendu deux vitraux de la cathédrale Notre-Dame de Paris en 1862, mais le parquet n'a pas reconnu l'appel.
Quant aux vitrines de Rouen, Machicote a dit espérer voir les musées accepter de les restituer « de la même manière que l'Egypte a déjà pu récupérer 29 000 objets volés, que le Getty Museum de Los Angeles a restitué des pièces à la Grèce ».
Ces dernières années, le Met et d'autres musées prestigieux ont accepté de restituer les œuvres pillées dans le cadre de la lutte contre le trafic international d'antiquités.
Les musées français sont également sous pression pour réexaminer leurs collections.
En juillet dernier, la France a adopté une loi permettant aux musées publics de restituer plus facilement les œuvres d'art saisies par l'Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale à leurs propriétaires ou héritiers juifs.
Et des dizaines d’objets pillés par les forces coloniales françaises en Afrique de l’Ouest ont déjà été restitués à des pays comme le Bénin et le Sénégal.
La France et l'Allemagne ont récemment annoncé la création d'un fonds commun pour rechercher la provenance des objets africains dans les musées nationaux, ouvrant ainsi la porte à leur restitution.
En décembre, le Parlement a également adopté une loi facilitant la restitution des restes humains aux musées français.
(avec fils de presse)