Thierry Fiorile et Matteu Maestracci nous présentent les films à l’affiche cette semaine : « Borgo » réalisé par Stéphane Demoustier et « Amal, un esprit libre » dont le metteur en scène est Jawad Rhalib.
La prison de Borgo, située en banlieue de Bastia, offre un lieu de détention pour près de 250 prisonniers, dont une partie jouit d’un régime de semi-liberté. À plusieurs reprises, cette prison a été le théâtre d’incidents plus ou moins graves et significatifs. C’est le cas d’un double meurtre qui s’est produit en décembre 2017 près de l’aéroport, à quelques kilomètres à peine. L’enquête révélera par la suite qu’une gardienne de prison a communiqué des informations au tireur.
Le réalisateur Stéphane Demoustier s’inspire précisément de cet épisode pour son film Borgo, même s’il prend quelques libertés avec les événements réels et le profil des personnages. Il raconte l’histoire de Mélissa, une jeune surveillante de prison transférée à Borgo. Elle s’installe en Corse avec sa famille et est accueillie avec suspicion par un groupe de détenus, tous des hommes corses. Peu à peu, elle gagne leur confiance et réciproquement, ce qui peut la mener vers une possible transgression des règles.
Borgo est un film remarquable, très bien réalisé et particulièrement réaliste. On est impressionné par le souci du détail et l’approche quasi-documentaire du réalisateur, qui n’est pourtant pas corse, pour retranscrire l’atmosphère de tension et les liaisons dangereuses d’un territoire aussi perméable aux infractions.
On voit une ressemblance avec les films de Thierry de Peretti, grâce à leur directrice de casting commune, Julie Allione, qui a su rassembler des visages, majoritairement des acteurs non-professionnels corses. Hafsia Herzi, dans le rôle principal, est à nouveau sensationnelle, bien que dans un registre très différent de Le Ravissement, sorti en 2023.
Amal, une âme audacieuse de Jawad Rhalib
En Belgique, l’enseignement de la religion est obligatoire et chaque élève choisit sa confession. Le professeur qui enseigne l’islam est un islamiste converti, qui mène constamment un double jeu. La professeure de français, Amal, incarnée brillamment par Lubna Azabal, est une belge d’origine marocaine, ardente défenseure de la laïcité, doit résoudre un conflit dans sa classe.
Une étudiante est victime de harcèlement de la part d’autres élèves qui l’accusent d’être lesbienne et donc impure. Amal utilise la littérature pour promouvoir la tolérance, et fait étudier un texte d’Abou Nawas, un poète arabe bisexuel du IXe siècle. Face aux réseaux sociaux, aux parents envahissants, à une institution qui abandonne facilement, en évitant les vagues, la situation dégénère rapidement en spirale mortelle et violente. Cette scène est particulièrement bien capturée dans la salle de classe par Jawad Rhalib.
Jawad Rhalib et Lubna Azabal ont eu le courage de produire un film qui aborde un sujet délicat. Bien que ce soit en France que des enseignants sont tués, c’est en Belgique que cela devient un sujet de cinéma. Il est également regrettable que certaines salles aient refusé de programmer le film Amal, une âme audacieuse.