À cette période, Michel n’est âgé que de 4 ans tandis que son frère aîné Patrice en a 6. Leur mère les a laissés à leur sort et les deux frères ont passé 7 années isolés dans la forêt. Le récit de leur expérience unique est aujourd’hui présenté au grand écran sous le titre « Frères », un film dirigé par Olivier Casas. Le média en ligne Brut a saisi l’opportunité de la sortie du film pour s’entretenir avec l’un des deux protagonistes de cette incroyable histoire.
« Nous avons eu une joie immense en tant qu’enfants, grâce à la liberté sans entrave dont nous jouissions. Bien sûr, nous avons enduré le froid, entre autres, mais visualisez un enfant libre de grimper aux arbres, de pêcher à sa guise, de chasser des lapins, de courir dans les champs de blé. Notre bonheur était sans égal, se remémore Michel de Robert. En 1949, lui et son frère Patrice se trouvent dans une maison pour enfants de l’ouest de la France. En fin d’été, leur mère ne se présente pas pour les récupérer. Quelques semaines plus tard, le propriétaire du foyer se suicide dans le garage. Les jeunes frères tombent sur le corps, tentent de le décrocher, mais le corps chute. Ils décident alors de fuir dans la forêt où ils s’établiront pour 7 ans. Michel se souvient vivement avoir su se « adapter rapidement à l’environnement environnant « .
« Personne ne nous recherchait. Nous n’étions l’objet d’aucune pensée pour personne »
Lors de leur premier soir à l’extérieur, ils trouvent abri sous un buisson épineux. Michel raconte « Cela crée une sorte de dôme, c’est très fourni, c’est très épais, ce qui fait que la pluie ne tombe pas facilement. Tout de suite, j’ai décidé de construire une cabane. Puis peu de temps après, nous avons commencé à chercher et récupérer tout ce qui était possible. Quand on me questionne sur le fait qu’on ne nous ait pas recherchés, je réponds simplement : ‘Parce que personne ne nous recherchait. Nous n’étions l’objet d’aucune pensée pour personne’« .
Interrogé à propos de la peur, Michel répond : « La peur, c’est quelque chose que l’on parvient à surmonter même étant enfant. On peut avoir peur trois jours. Ensuite, c’est terminé. Le fait est qu’encore aujourd’hui, quand vous m’interrogez à ce sujet, vous projetez votre propre peur. En réalité, en tant qu’enfants, nous n’avons pas eu le temps de ressentir la peur. La peur est relative à l’environnement, lorsque l’on est surpris par quelque chose, cela génère de la peur. Mais dans notre situation, de quoi pouvions-nous avoir peur ?« .
« Il me dit : ‘Michel, nous avons commencé par la fin, nous étions si heureux' »
Après 7 ans, les deux frères sont repérés par leur grand-mère sur une plage. Leur mère finit par venir les récupérer. Michel raconte : « J’avais 18 ans quand j’ai vu ma mère, je l’ai regardée et lui ai demandé : ‘Pourquoi nous as-tu fait ça, à Patrice et moi ? Pourquoi ?’ Et sa réponse a été: ‘Michel, je ne vous ai jamais désirés. Lorsque j’étais avec un homme, je tombais enceinte une fois sur deux. J’ai avorté trois, quatre fois, il fallait bien qu’il y ait des naissances de temps en temps. Mais je ne vous ai jamais désirés ». On doit faire face à la vie avec ça.
De son enfance, Michel n’a gardé « que l’amour, rien de plus« , partagé avec son frère Patrice. « La connexion intense entre nous, qui persiste encore aujourd’hui, même s’il n’est plus là. Quand il a dû partir, il avait 49 ans. Il m’a dit, ‘Michel, nous avons commencé par la fin, nous étions si heureux’« , confie Michel. Le parcours de Michel et Patrice est retracé dans le film « Frères », réalisé par Olivier Casas.