Dans son premier film, Delphine Girard met en scène de manière significative les relations ambivalentes entre hommes et femmes. Y a-t-il une incapacité de communication irréparable ?
Delphine Girard, réalisatrice et scénariste, s’empare d’un format de thriller policier pour aborder une problématique sociale à travers un événement précis : l’appel téléphonique d’une femme à la police. L’hôtesse du standard s’implique personnellement dans l’enquête et se retrouve rapidement impliquée avec les personnes mises en cause, hantée par les événements d’une nuit dont tous essaient de se dépêtrer.
Son premier long-métrage, Quitter la nuit, met en valeur par sa direction artistique soignée, soulève des interrogations sur un thème d’actualité. Il sortira dans les salles de cinéma à compter du mercredi 10 avril.
Une nuit qui hante
Une femme, en voiture sur une route départementale, contacte la police, en faisant croire au conducteur qu’elle s’adresse à sa sœur. Anna (Veerle Baetens), à l’autre bout du fil, perçoit la détresse de celle-ci et orchestre une intervention. Dary (Guillaume Duhesme) est rapidement appréhendé, alors qu’Aly (Selma Alaoui), la requérante, et Anna se sentent débordées par la situation, submergées par l’analyse des événements de cette nuit insaisissable.
Le titre Quitter la nuit reflète parfaitement sa temporalité. Il ne s’agit pas d’un film s’inscrivant essentiellement dans le cadre nocturne, son déroulement est rythmé par le souvenir d’une nuit qui envahit progressivement le jour, jusqu’à ne plus le quitter. Delphine Girard, en examinatrice, suit la chaîne d’événements, plus ou moins banals, sujets à interprétation, voire changeants et complexe à limiter à une solution dichotomique. La réalisatrice adopte la devise des meilleurs films, qui est de ne pas apporter de réponse, mais de susciter les bonnes questions.
Son personnage principal se voit projeté, à la manière hitchcockienne, en tant que figure ordinaire plongée dans une situation extraordinaire. En effet, ce qui est exceptionnel dans les circonstances n’est pas nécessairement spectaculaire. Il suffit que les rebondissements de l’intrigue se démarquent de la situation initiale. Anna, avant standardiste, devient alors enquêtrice, typique des films du maître du suspense, faisant un clin d’œil à Tippi Hedren, Kim Novak et Grace Kelly par sa blondeur.
Quitter la nuit, à l’élégant titre, séduit par sa transition du film de genre vers l’analyse des relations humaines, plus précisément celles liant Anna et Dary, touffus de désirs, de frustrations, de conditionnements, d’influences, de culpabilité et de peurs. Girard capture ces moments avec une esthétique cinématographique travaillée, ses cadrages et ses éclairages très harmonieux. Ses dominantes de bleu nuit restent perceptibles même en plein jour. C’est à la fois intrigant comme un thriller et perspicace comme un documentaire.
Caractéristiques
Genre : Policier/Drame
Réalisation : Delphine Girard
Interprétation : Selma Alaoui, Veerle Baetens, Guillaume Duhesme
Pays d’origine : Canada/Belgique/France
Durée : 1h48
Parution : 10 avril 2024
Distribution : Haut et Court
Résumé : Une nuit, une femme en péril appelle la police. Anna est à l’écoute. Un homme est arrêté. Les semaines s’égrènent, la justice cherche des preuves. Aly, Anna et Dary sont confrontés aux répercussions de cette nuit qu’ils ne parviennent pas à quitter.