Le président français Emmanuel Macron a exhorté l'Europe à se montrer à la hauteur des défis d'un monde changé, avertissant que « notre Europe, aujourd'hui, est mortelle et qu'elle peut mourir ».
Lors d’un discours prononcé jeudi à la Sorbonne Université, Macron a appelé à une défense européenne plus forte et plus intégrée.
Il a déclaré que le continent ne devait pas devenir un vassal des États-Unis, tout en exposant sa vision d'une Union européenne plus affirmée sur la scène mondiale.
« (L'Europe) peut mourir et cela ne dépend que de nos choix », a déclaré Macron, avertissant que l'Europe n'était « pas armée contre les risques auxquels nous sommes confrontés » dans un monde où les règles ont changé.
« Au cours de la prochaine décennie (…) le risque est immense que (l'Europe) soit affaiblie, voire reléguée », ont-il déclaré lors de l'événement, présenté comme la vision du président pour l'avenir de l'Europe.
Macron a déclaré que l’Europe devait sortir d’une « minorité stratégique » qui l’avait laissée trop dépendante de la Russie pour l’énergie et des États-Unis pour la sécurité.
Il a qualifié le comportement de la Russie après son invasion de l'Ukraine de « décomplexé », avertissant qu'il n'était plus clair où se situent les limites de Moscou.
Discours sur l'Europe. https://t.co/WAUhV5ZP5B
-Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 25 avril 2024
« Menace existentielle »
Le chef de l'Etat français a souligné que le sine qua non pour la sécurité européenne, c'était « que la Russie ne gagne pas la guerre d'agression en Ukraine ».
Avertissant que l'Europe était confrontée à une menace existentielle liée à l'agression russe, Macron a appelé le continent à adopter une stratégie de défense « crédible » et moins dépendante des États-Unis, ajoutant que l'Europe ne pouvait pas être « une vassale » des États-Unis.
Il a également tiré la sonnette d'alarme sur ce qu'il a décrit comme un manque de respect des règles commerciales mondiales de la part de la Russie et de la Chine, appelant l'Union européenne à réviser sa politique commerciale.
Macron a également appelé à une « révision » de la politique commerciale de l'UE pour défendre les intérêts européens, accusant tant la Chine que les États-Unis de ne plus respecter les règles du commerce mondial.
Il est revenu sur les mêmes thèmes de son discours de la Sorbonne en septembre 2017, quelques mois après sa prise de fonction. Mais sept ans plus tard, le monde est bouleversé par le Brexit, le Covid-19 et l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Macron a déclaré qu’il demanderait des propositions aux partenaires européens au cours des prochaines semaines et a ajouté que l’Europe devait également renforcer ses propres capacités de cyberdéfense et de cybersécurité.
En revanche, la préférence devrait être accordée aux fournisseurs européens pour l'achat de matériel militaire. Macron a soutenu l’idée d’un emprunt européen pour financer cet effort.
L’accent mis par Macron sur l’Europe ouvrant une nouvelle voie pour s’éloigner de la dépendance excessive à l’égard des États-Unis en matière de sécurité n’a rien de nouveau dans le contexte de l’approche du président français en matière de coopération transatlantique en matière de défense.
« Nous entendons depuis des décennies que l'Europe doit construire sa propre défense, (mais) ce ne sont que des mots », explique l'auteur et stratège politique Gérald Olivier.
Revenant sur le discours de Macron à la Sorbonne en 2017 : « sept ans après, rien n'a changé », a déclaré OIivier à 42mag.fr.
« En 2017, Trump était président et il disait à tout le monde que l’OTAN était morte », donc dans ce contexte, il estime que l’approche de Macron en matière de défense européenne était pertinente.
L’utilisation du mot « vassal » dans le contexte du partenariat transatlantique était cependant sans aucun doute une provocation.
« La France n’a jamais été vassale des États-Unis », dit Olivier, car la France du général De Gaulle a été tenue à l’écart de l’OTAN – même si elle faisait partie de l’alliance.
« La France a toujours conservé une forme d’indépendance par rapport aux États-Unis. Mais le fait est que les Etats-Unis offrent quelque chose (tangible), à savoir la capacité concrète de protéger l'Europe… Que Trump soit élu ou non en novembre, il est grand temps que l'Europe prenne en compte la nouvelle situation géopolitique.»
« Manifeste » sur l'Europe du futur
Après le Brexit et le départ du pouvoir de la chancelière allemande Angela Merkel, le président français de 46 ans est souvent considéré par les commentateurs comme le leader numéro un de l'Europe.
Mais son parti est confronté à l'embarras lors des élections européennes de juin, se classant loin derrière l'extrême droite dans les sondages d'opinion et risquant même de se classer troisième derrière les socialistes.
La tête de liste du parti au pouvoir pour les élections – la méconnue Valérie Hayer – ne parvient pas à s'imposer dans les sondages, notamment face au très médiatisé Jordan Bardella, 28 ans, qui mène le parti d'extrême droite National. Rallye et Raphaël Glucksmann s'imposent comme une nouvelle star à gauche.
Macron n'a fait aucune référence aux élections européennes dans son discours, même si les analystes affirment qu'il cherche clairement à se lancer dans la campagne – son discours étant considéré comme un manifeste pour l'avenir du continent.