Chaque jour, Élodie Suigo accueille une personnalité dans son univers. Le mercredi 24 avril 2024 ne fait pas exception à la règle avec la présence de l’éminent réalisateur, mais aussi scénariste et auteur, Ivan Calbérac. Son oeuvre cinématographique la plus récente, intitulée « N’avoue jamais », est lancée ce jour même. Le casting prestigieux comprend André Dussollier, Sabine Azéma et Thierry Lhermitte.
Le talent polymorphe d’Ivan Calbérac prend diverses formes : réalisateur, scénariste, producteur et écrivain. La rencontre avec des médiums tels que la télévision, le théâtre et le cinéma provient de son amour pour l’écriture et son désir de raconter des histoires. Son premier long-métrage, « Irène », a vu le jour en 2002, mettant en lumière le talent de Cécile de France et a été salué par le public et la critique. Par la suite, il dirigea une comédie musicale en 2006 intitulée On va s’aimer, avec des acteurs tels que Julien Boisselier, Alexandra Lamy, Mélanie Doutey et Gilles Lellouche. En 2015, il met en scène L’étudiante et Monsieur Henri, qui part d’une pièce de théâtre pour devenir un film. Puis plus récemment, il réalise La dégustation en 2022. Aujourd’hui, son nouveau film, N’avoue jamais est sur le point de sortir, avec à l’affiche André Dussollier, Sabine Azéma et Thierry Lhermitte. Le film raconte l’histoire d’un couple, François et Annie. François est à la retraite après avoir été général dans l’armée. De son côté, Annie s’est consacrée à l’éducation de leurs enfants. François découvre un jour des lettres qui indiquent qu’Annie l’a trompé il y a quarante ans.
franceinfo : N’avoue jamais est-il une fois de plus un regard posé sur le couple, ce qui vous touche particulièrement ?
Ivan Calbérac : Assurément. Il faut reconnaître que c’est une préoccupation majeure pour moi. Dans ce cas précis, ce qui me touche est qu’il s’agit d’un homme de plus de 70 ans qui reste profondément amoureux de sa femme cinquante ans plus tard, ce que je trouve magnifique. Lorsqu’il découvre des lettres datant de quarante ans, c’est un coup à son orgueil, mais aussi un coup au coeur. Néanmoins, comme il aime toujours sa femme, il ne va pas se venger contre elle, mais il va chercher l’amant d’avant, qui était un de ses amis, pour lui donner une raclée avec quarante ans de retard.
Le film démontre également notre rapport à la routine, les habitudes, les émotions répétées et la peur de perdre les sentiments que nous éprouvons pour l’autre. Était-ce là un autre aspect que vous souhaitiez examiner de près ?
« J’ai envie de montrer que notre cœur ne vieillit pas. Même si notre corps vieillit, on a toujours un cœur d’adolescent. »
Ivan Calbéracà 42mag.fr
Nous pouvons ressentir de la jalousie à tout âge, tomber à nouveau amoureux à n’importe quel âge, et aussi aimer à n’importe quel âge. Le film montre tout cela, que malgré le passage du temps, nous demeurons des adolescents en matières de sentiments. La sensation de jalousie, souvent refoulée, est ici pleinement vécue par le personnage principal. C’est donc un plaisir de voir une personne jalouse, devenir complètement fou à cause de cela, car cela nous déride un peu. Et bien sûr, il va vivre des cauchemars à répétition, ce qui est le principe de la comédie. Néanmoins, toute cette aventure va en même temps lui permettre de s’humaniser, de faire des progrès personnels. C’est également cela qui rend l’histoire puissante.
Enfant, vous aviez pour ambition de devenir astronaute. Cependant, un tournant a eu lieu lorsque, étant issu d’une famille bohème, vous avez vu vos parents jouer dans Le Bourgeois gentilhomme. Après avoir obtenu une maîtrise en mathématiques et un DESS en gestion de la communication, qu’est-ce qui vous a poussé vers la télévision et le cinéma ?
Depuis mon plus jeune âge, j’écrivais sans cesse et j’étais un fervent passionné de cinéma. Je dévorais toutes les revues, je collectionnais les fiches de films, je regardais tous les films qui sortaient. Mes parents m’ont transmis un amour du théâtre en m’amenant souvent voir des pièces, ils ont même animé un petit club de théâtre dans mon collège, ce qui a été un élément déclencheur. En licence de mathématiques, j’ai rencontré quelqu’un qui préparait une licence de cinéma, ce qui a été une révélation pour moi. Je me suis inscrit simultanément, et de fil en aiguille, j’ai osé. Puisque j’écrivais déjà beaucoup, j’ai commencé par réaliser mes premiers courts-métrages, puis Irène, qui a été nominé aux Césars, ce qui a véritablement lancé ma carrière.
Vos œuvres sont toujours empreintes d’espoir. Cela semble beaucoup en dire sur vous-même. Aujourd’hui, êtes-vous satisfait de l’homme que vous êtes devenu, avec cette enfance dont vous n’avez gardé que le meilleur, en particulier l’éducation ?
J’en suis satisfait. Le bonheur est, bien sûr, quelque chose de fluctuant. Je ne suis pas heureux tous les jours, mais je suis heureux de faire un métier que j’adore.
« J’ai envie de transmettre de l’espoir parce qu’on vit dans un monde qui en manque beaucoup. »
Ivan Calbéracà 42mag.fr
Les nouvelles du monde peuvent être dures à recevoir. Si on peut offrir aux gens une parenthèse de rires, de légèreté et d’espoir pour une heure et demie, c’est déjà un bon début. Les personnages de mes films s’améliorent souvent, ils évoluent, ils se humanisent. Même si cela peut sembler difficile dans la vraie vie, cela peut nous inspirer à tous. Si les gens sortent de la salle plus légers, je considère que j’ai accompli mon travail. Voir les salles rire beaucoup et les spectateurs sortir avec un énorme sourire est une grande satisfaction pour moi.
Vous tenez en quelque sorte le rôle d’un funambule, c’est-à-dire qu’il y a toujours cet équilibre entre la gravité et l’humour chez vous. C’est grâce à l’humour que vous avez réussi à rester debout et à affronter la vie ? Cela vous a-t-il permis de continuer à avancer, à croire ?
L’humour est une arme formidable, cela permet de prendre du recul. En réalité, l’humour c’est du drame vu avec du recul. Et quand on prend du recul, tout nous semble immédiatement plus gérable. Avoir la capacité de rire de ce qui nous arrive apporte un certain soulagement. Comme le disait Spinoza : « Depuis que tu ris de moi, je ne m’ennuie jamais ». J’essaye de suivre ce principe et rire de moi-même, et des péripéties qui jalonnent ma vie. Je n’y parviens pas tous les jours, mais c’est presque un mode de vie pour moi, et en outre c’est mon métier. Mon travail consiste aussi à dénicher des situations qui feront rire les gens. Et pas uniquement pour cela car il y a un autre aspect dans le film, car vers la fin celui-ci prend une tournure plus profonde. Toutefois, le principal objectif reste avant tout le rire, et autant que possible.
Il est donc clair que vous êtes un passionné de l’écriture, une « obsession textuelle » que vous assumez complètement. Actuellement, il y a aussi le théâtre dans votre vie.
Oui, c’est exact. Je suis en plein préparatif pour une pièce nommée Like qui sera présentée à Avignon au sein du festival et qui sera jouée en janvier à Paris. En outre, ma pièce Glenn, naissance d’un prodige sera de nouveau à l’affiche à partir de septembre au Théâtre Montparnasse.