Le réalisateur de documentaires conclut son trilogie sur le secteur psychiatrique du centre de Paris par une dernière perspective, davantage personnelle et émouvante, des individus auxquels il a eu l’occasion de s’intéresser durant cette extraordinaire aventure au cœur de l’univers de la démence.
Le troisième volet de la trilogie de Nicolas Philibert consacrée à la psychiatrie, intitulé La Machine à écrire et autres sources de tracas, fait suite à Sur l’Adamant et Averroès et Rosa Parks. Le film, qui sera sur les écrans le 17 avril 2024, nous fait découvrir l’intimité des patients dans leur cadre de vie quotidien.
Le récit commence chez Patrice, un patient que nous avions rencontré dans Sur l’Adamant. Nous l’avions observé tous les jours rédiger des vers en alexandrins sur la péniche. Nous le retrouvons dans l’inconfort de son domicile, face à sa machine à écrire en panne. Deux soignants, Walid et Goulven, sont venus lui prêter main forte pour réparer l’appareil.
Le film nous fait ensuite pénétrer dans l’intimité d’autres patients confrontés à divers petits problèmes du quotidien. Ainsi, les soignants bricoleurs volent au secours de Muriel ayant un souci avec son lecteur de CD, d’Yvan et Gad aux prises avec une imprimante défectueuse en colocation, ou encore de Frédéric à qui ils viennent en aide pour ranger son appartement rempli à ras bord de livres, de vinyles, de magazines, de bandes dessinées et de ses propres œuvres d’art foisonnantes.
« Un stratagème pour prendre des nouvelles »
Alors que Nicolas Philibert tournait Sur l’Adamant, il apprend l’existence d’un petit groupe de soignants bricoleurs, surnommé « l’orchestre », qui va régulièrement chez les patients pour les aider à résoudre leurs problèmes domestiques. Il décide de les filmer dans leur action.
Le documentariste confie à 42mag.fr à l’occasion de la sortie d’Averroès et Rosa Parks que les soignants, munis de leur boîte à outils, tentent d’aider le patient à réparer ce qui est à réparer. Il souligne que ces petites interventions ont aussi pour finalité de prendre des nouvelles des patients et de les soutenir pour leur rendre un peu d’entrain.
Muriel, plongée dans l’angoisse suite à la panne de son lecteur de CD, déclare : « Ça frappe la tête, le silence. Quand tu es seule, tu penses à la mort. À la mort noire, pas à la blanche ». Elle est évidemment ravie de profiter de la visite des soignants, de leur offrir un café et de partager ces quelques moments avec eux.
Nous en apprenons aussi beaucoup sur Frédéric en pénétrant dans son univers désordonné, qui fait office tout à la fois de médiathèque, de bibliothèque, de galerie d’art et de salle de musique. C’est un lieu chargé d’histoire et de culture, qui témoigne de sa personnalité singulière. On doit y slalomer pour se déplacer.
Frédéric nous présente ses jouets d’enfance, qu’il a précieusement gardés, ainsi que ses œuvres, de grands tableaux colorés, sans oublier ses disques. Il résume avec humour la vie dans cet espace encombré en disant, par exemple, qu’il utilise l’Odyssée pour caler la chute d’une œuvre de Jean Cocteau : « Je l’ai remis à sa place, il était un peu envahissant ».
« Une psychiatrie à visage humain »
Avec ce nouveau volet, Nicolas Philibert nous ouvre une autre dimension, encore plus intime, qui offre un aperçu encore différent de ce que l’on avait déjà découvert dans Sur l’Adamant, notamment lors des entretiens à l’hôpital avec les soignants.
La trilogie, qui sillonne de l’Adamant à l’intérieur des domiciles des patients, en passant par l’hôpital, nous a familiarisés avec la problématique de la folie et du monde complexe de la psychiatrie. Ce dernier épisode offre aussi une nouvelle grille de lecture sur le travail des soignants, filmés ici hors de leur cadre habituel, et qui se dévoilent sous un jour plus humain, plus attentionnés, se montrant particulièrement préoccupés par le désir de rompre l’isolement des patients, de réparer aussi bien les objets du quotidien que les âmes blessées.
Avec La Machine à écrire et autres sources de tracas, Nicolas Philibert jette un éclairage sur une autre facette de cette « psychiatrie humaine, qui repose en grande partie encore, sur la parole » et la considération que « les médicaments, ça ne suffit pas ». Dans cet espace intime, plus qu’ailleurs, la parole a le pouvoir de soigner, de soulager et témoigne des bienfaits d’un langage riche de doubles sens, de métaphores, permettant aux patients d’exprimer leurs joies, leurs angoisses et leur souffrance, et aux soignants de les écouter dans un moment partagé.
Le réalisateur, tout en demeurant discret et bienveillant, laisse les scènes se dérouler sans déranger, à sa manière habituelle. Ainsi, cette trilogie se conclut sur une proximité émouvante avec des individus d’une sensibilité exceptionnelle, qui, au fil des trois films, sont devenus des êtres proches, comme des amis, nous rappelant notre propre humanité, des amis dont on a du mal à se détacher.
Les informations clés
Type : Documentaire
Réalisation : Nicolas Philibert
Acteurs : Patrice d’Hont, Walid Benziane, Goulven Cancouët, Muriel Thouron, Jérôme Délia, Ivan Vdovine, Gad Abécassis, Frédéric Prieur, Bruno Voillot, Céline Fogler
Pays : France
Durée :1h12
Date de sortie : 17 avril 2024
Distributeurs : Les Films du Losange
Synopsis : Dernière partie de la trilogie débutée avec Sur l’Adamant et Averroès & Rosa Parks, ce film propose une plongée dans l’univers du pôle psychiatrique à Paris. Le documentariste suit des soignants bricoleurs qui se rendent au domicile de certains patients incapacités à résoudre des problèmes domestiques, tels qu’un appareil en panne, et autres…