La gigantesque compensation financière du PDG de Stellantis, qui a été approuvée mardi dernier par les actionnaires de l’entreprise, provoque un scandale politique et place la majorité dans une situation délicate. Cela nous amène de nouveau à nous interroger : est-il nécessaire d’établir des lois afin de plafonner les gains des dirigeants d’entreprise ?
Carlos Tavares, le PDG du fabricant de voitures Stellantis, pourrait toucher jusqu’à 36,5 millions d’euros pour l’année 2023, une somme remarquable principalement due aux résultats exceptionnels de l’entreprise. Cette décision a été entérinée par 70,2% des actionnaires, le mardi 16 avril, lors de l’assemblée générale.
Cette compensation a immédiatement déclenché une tempête de protestations parmi la gauche qui demande une législation pour limiter les salaires les plus élevés. La majorité se trouve dans une position délicate. Carlos Tavares a lui-même provoqué cette réaction en déclarant: « Si vous pensez que ce n’est pas correct, faites une loi, je me conformerai ».
La France Insoumise n’a pas tardé à réagir et a annoncé déposer un projet de loi pour mettre un plafond à l’échelle des salaires de 1 à 20 dans les entreprises. Olivier Faure a appelé Yaël Braun-Pivet à inscrire à l’agenda de l’Assemblée une proposition de loi du PS déjà soumise. Il faut se souvenir qu’en 2012, François Hollande avait envisagé de réglementer les salaires dans le secteur privé, mais a finalement abandonné l’idée. Du temps où la gauche était au pouvoir, elle s’était contentée de limiter les salaires des dirigeants d’entreprises publiques à un maximum de 450 000 euros par an, soit 80 fois moins que Carlos Tavares.
Le problème collant d’Emmanuel Macron
L’exécutif se trouve mal à l’aise avec cette situation car le salaire du PDG de Stellantis est un vrai problème pour Emmanuel Macron. En 2022, ce salaire devait déjà atteindre 66 millions d’euros, une somme que le président de la République avait jugé « scandaleuse » et « exorbitante ». Il avait promis de « lutter » pour instaurer un plafond des revenus des dirigeants au niveau européen. Deux ans plus tard, rien n’a bougé. Carlos Tavares est devenu le cauchemar du gouvernement, symbolisant l’incapacité de l’État à contrôler les grandes entreprises privées.
Pour essayer de calmer la controverse, le gouvernement penche pour l’utilisation d’un outil fiscal, mais à l’échelle internationale et non nationale. En visite à Washington, Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des Finances, demandera à nouveau une taxe minimale sur les plus grandes fortunes au niveau mondial. Sur le plan national, Gabriel Attal s’est pour le moment contenté de mettre en place un groupe de travail pour réfléchir à la taxation des rentes. Il n’est donc pas question de réglementer les revenus les plus élevés dans le secteur privé. Faut-il d’ailleurs se limiter aux dirigeants ? Après tout, 36,5 millions d’euros pour Carlos Tavares est bien inférieur aux 56 millions d’euros que reçoit chaque année Kylian Mbappé du PSG.