Le metteur en scène est en compétition pour obtenir la Palme d’Or avec un dessin animé très intime sur la Shoah. C’est une transposition poignante de la déportation du roman homonyme de Jean-Claude Grumberg.
Sélectionné dans la compétition officielle du Festival de Cannes, le long métrage d’animation La plus précieuse des marchandises marque une première pour le cinéaste Michel Hazanavicius. Le réalisateur connu pour The Artist et OSS 117, se détourne momentanément de l’humour pour explorer les pages sombres de l’histoire humaine à travers l’adaptation du roman de Jean-Claude Grumberg.
Un remarquable et intense film qui apporte une lueur d’espoir pour un monde meilleur.
L’approche du conte
A l’instar des contes traditionnels, La plus précieuse des marchandises débute par la célèbre phrase « Il était une fois… » Narré par la superbe voix de Jean-Louis Trintignant, le film remet en question la crédibilité du Petit Poucet, en se demandant pourquoi des parents, même dans l’impossibilité de subvenir aux besoins de leur progéniture, choisiraient de les abandonner. Le narrateur propose une réponse troublante en suggérant que l’amour peut parfois être la motivation de cet acte apparemment impensable.
Dans le récit, publié en 2019, une « pauvre bûcheronne » qui n’a pas d’enfant décide de prendre soin d’un bébé jeté d’un train de déportation qui traverse la campagne polonaise. Le nourrisson, qualifié de « sans cœur », appartenant à la « race maudite » (expression utilisée par les nazis pour désigner les Juifs), est épargné grâce à la bonté de cette femme, de son époux et d’un soldat au visage défiguré. Tel un conte, l’histoire mêle des figures maléfiques et bienfaisantes, la trahison et l’abnégation, la tragédie et l’espoir.
Se déroulant durant la Seconde Guerre mondiale, au milieu des transports de déportation et de l’atrocité, le film de Michel Hazanavicius s’éloigne des faits historiques pour mettre l’accent sur la fraternité, la solidarité et la résistance de cette famille héroïque. L’histoire n’offre pas de leçon morale, mais souhaite simplement honorer la mémoire de l’une des périodes les plus tragiques de l’histoire de l’humanité.
L’esthétisme: Dessin, musique et doublage
Dès son plus jeune âge, Michel Hazanavicius a cultivé une passion pour le dessin. Il a lui-même dessiné les personnages et les décors du film. Son histoire visuelle traverse les saisons et les paysages et s’inspire de la peinture de Gustave Courbet ou des dessins japonais. Au summum de l’horreur, on peut même y déceler une référence au Cri d’Edvard Munch. Le dessin, assez lourd au départ, devient plus fin à mesure que l’histoire avance. L’animation s’éclaircit pour laisser place à des illustrations épurées, notamment pour représenter les camps de concentration.
Pour incarner les personnages, le réalisateur a sollicité des voix réputées du théâtre, notamment celle de Jean-Louis Trintignant. Ce dernier, décédé en 2022, offre ici sa dernière performance au cinéma. Malgré sa mauvaise santé, il a accepté de prêter sa voix pour ce projet. « Revivre des moments de son enfance à travers ce récit a été un très émouvant moment du tournage », se souvient Michel Hazanavicius. Dominique Blanc, Grégory Gadebois et Denis Podalydès ajoutent leur grain à l’histoire. Malgré la rareté des dialogues, la musique d’Alexandre Desplat occupe une place prépondérante dans le récit et souligne parfois de manière excessive, la dramaturgie.
Les informations clés
Catégorie: Animation / Drame historique
Réalisateur : Michel Hazanavicius
Acteurs (voix) : Jean-Louis Trintignant, Dominique Blanc, Denis Podalydès, Grégory Gadebois
Pays d’origine : France / Belgique
Durée :1h21
Date de sortie : 20 novembre 2024
Distributeur : StudioCanal
Résumé : Dans une forêt, un pauvre bûcheron et une pauvre bûcheronne voient leur quotidien difficile et assombri par la guerre, le froid et la faim. Un jour, ils recueillent un bébé jeté d’un des nombreux trains qui traversent incessamment leur forêt. Protéger coûte que coûte ce bébé, cette « petite marchandise », va bousculer la vie du couple et de toutes les personnes qui croiseront leur chemin, jusqu’à celui qui a jeté le bébé du train. Ce récit dévoilera le meilleur comme le pire de la nature humaine.