Serait-ce le point d’orgue de Cannes 2024 ? Après un long projet de rénovation qui s’est étalé sur seize ans, le mythique « Napoléon vu par Abel Gance » (1927) commence enfin à être diffusé au grand public. Le début du film, d’une durée de 3 heures et 40 minutes (sur un total de plus de 7 heures), a été présenté à Cannes. Tout simplement éblouissant et époustouflant.
« Je me sentais comme si mon père était avec moi. » Ces mots ont été prononcés par Clarisse Gance, la fille du célèbre réalisateur Abel Gance, après la présentation du premier volet du film presque centenaire, intitulé Napoléon vu par Abel Gance. Ce fut un moment historique le mardi 14 mai 2024, dans le contexte de Cannes Classics. La projection d’un film muet à l’ouverture du festival de Cannes est plutôt rare. Mais ce film, qui retrace la vie de Napoléon Bonaparte depuis l’école militaire de Brienne jusqu’à sa campagne en Italie, est en fait une exception. Il est innovant, impressionniste, et regorge de techniques et d’idées cinématographiques innovantes. C’est un chef-d’œuvre légendaire du cinéma mondial qui a déjà fait l’objet de cinq restaurations et dont il existe plus de vingt-deux versions. La Cinémathèque française a finalement présenté la « Grande version », qui est considérée comme étant la plus fidèle au film original. Cette version a été reconstituée, reconstruite et restaurée sous la direction du chercheur et réalisateur Georges Mourier, qui a été l’architecte clé de cette remarquable résurgence.
La vie de Bonaparte avant l’Empire
La première partie de Napoléon vu par Abel Gance, présentée à Cannes, retrace un jeune Napoléon (superbement interprété par Vladimir Roudenko) en tant que stratège militaire précoce dans l’école de Brienne, maltraité par ses camarades de classe. Ensuite, un jeune Napoléon adulte (étonnant Albert Dieudonné) sans le sou dans un Paris en pleine Révolution. En parallèle, Rouget de Lisle présente sa célèbre Marseillaise à Danton, sous le regard sévère de Robespierre et de Marat (ce dernier étant incarné par un Antonin Artaud très inquiétant). Plus tard, Napoléon retourne dans sa Corse natale où il retrouve sa famille et profite d’un bonheur éphémère… Forcé de prendre la mer à cause de ses convictions politiques, il affronte une tempête terrifiante. Le jeune officier finit par retrouver un poste dans l’armée française et se distingue lors du siège de Toulon.
Abel Gance a filmé chaque scène comme des peintures, des fresques d’une beauté renversante et d’une immense poésie, qui touchent le spectateur en plein cœur. Il prend son temps pour dépeindre ces moments d’apprentissage, ces états d’âme, ces tourments, ces exaltations, qui reflètent à la fois l’expérience d’un homme et celle d’un peuple en pleine transformation. Gance avait prévu de réaliser plusieurs volets qui suivraient Napoléon jusqu’à son dernier refuge à Sainte-Hélène. Malheureusement, faute de moyens, il ne put jamais aller au-delà de la camp