Six organisations de défense des droits LGBT+ déclarent avoir porté plainte pour « insulte transphobe » contre la personnalité politique française d'extrême droite Marion Maréchal, après des propos visant l'actrice transgenre lauréate de Cannes.
L'actrice transgenre Karla Sofia Gascon a reçu samedi, aux côtés des Américaines Selena Gomez et Zoe Saldana ainsi que de la Mexicaine Adriana Paz, le prix conjoint de la meilleure actrice au 77e Festival de Cannes pour le film Émilie Pérez du réalisateur français Jacques Audiard.
Gascon – la première femme trans à remporter ce prix à Cannes – joue le rôle-titre de l'impitoyable baron de la drogue mexicain Manitas, qui engage un avocat pour l'aider à devenir une femme.
Émilie Pérez – qui voit les actrices principales et les acteurs chanter et danser tout au long de l'histoire – a également remporté le prix du jury du festival.
Marion Maréchal, tête de liste européenne du parti d'extrême droite La Reconquête, a réagi dimanche sur le réseau social X.
« C'est donc un homme qui reçoit le prix… d'interprétation féminine à Cannes. Le progrès de la gauche, c'est l'effacement des femmes et des mères. »
Insulte basée sur l'identité de genre
Dans un communiqué commun transmis à l'AFP, les associations Mousse, Stop Homophobie, Familles LGBT, Adheos, Quazar et Fédération LBGTI+ ont annoncé avoir porté plainte lundi à Paris pour « injures fondées sur l'identité de genre ».
Selon Étienne Deshoulières, avocat des associations, « les propos de Marion Maréchal nient l'existence même des personnes transgenres, ainsi que les violences et les discriminations dont ces personnes sont victimes au quotidien ».
Interrogée mardi sur sa position sur France Inter, Maréchal a répondu en affirmant qu'elle ne se laisserait pas intimider par des menaces judiciaires.
« On ne me empêchera pas de continuer à dire la vérité. Être une femme ou un homme est une réalité biologique, que cela vous plaise ou non. Les chromosomes XX ou XY ne peuvent être surpassés », a-t-elle déclaré.
Un voyage difficile
Lors de la cérémonie de clôture du festival samedi, Gascon a dédié son prix à « toutes les personnes trans qui souffrent ». Elle a déclaré à la presse à Cannes qu'elle voulait être une fille depuis l'âge de quatre ans.
La femme de 52 ans a écrit un livre sur le fait d'avoir subi une opération de transition de genre à l'âge de 46 ans, alors qu'elle avait déjà une carrière d'actrice, une épouse et une fille.
« Ça a été un voyage très dur », a-t-elle déclaré à l'AFP, saluant le courage de sa famille. « Nous sommes des gens normaux qui peuvent faire la carrière qu'ils souhaitent », a déclaré Gascon.
« Être trans n'a pas d'importance. Une personne trans est quelqu'un qui traverse une transition. Une fois la transition terminée, c'est tout. Elle est ce qu'elle est », a-t-elle déclaré.
Selon les ONG à l'origine de la plainte, « 85 pour cent des personnes transgenres ont déjà été victimes de discriminations, de discours de haine ou de violences physiques ou verbales en France ».
En 2023, 2.870 crimes ou délits (agressions, menaces, harcèlement, etc.) contre les lesbiennes, les gays, les personnes bi et trans ont été enregistrés, soit un bond de 19 pour cent par rapport à 2022, une année déjà marquée par une augmentation de 13 pour cent, selon à une étude du service statistique du ministère de l'Intérieur publiée mi-mai.
Débat au Sénat sur les mineurs transgenres
La plainte judiciaire intervient alors que le Sénat français commence à débattre d'un projet de loi présenté par le parti conservateur Les Républicains (LR) qui restreint la capacité des mineurs transgenres (dont le sexe de naissance et le genre perçu ne coïncident pas) à une transition médicale.
Le texte prévoit notamment d'interdire la prescription de traitements hormonaux avant 18 ans et de limiter l'accès aux bloqueurs de puberté. Il introduit également une obligation de réexamen dans les cinq ans suivant sa promulgation, « pour tenir compte des éventuelles avancées des connaissances scientifiques ».
Des milliers de manifestants ont protesté contre le projet de loi au début du mois avec le soutien du parti de gauche France Insoumise et des Socialistes.
« Aujourd'hui, il est urgent de défendre les droits de tous, à un moment où des politiciens de droite et d'extrême droite s'attaquent aux droits des personnes trans et diffusent de fausses informations sur l'identification d'enfants trans », a déclaré l'un des organisateurs. AFP.