Le cinéaste américain, Francis Ford Coppola, fait son grand retour au festival de Cannes, avec son film de science-fiction intitulé « Megalopolis », en lice pour la compétition, avec Adam Driver dans le rôle principal. Coppola, déjà récipiendaire de deux Palmes d’or, mise énormément sur ce nouveau film, pour lequel il a investi ses propres fonds.
George Lucas, Richard Gere, Meryl Streep, Kevin Costner… Le Festival de Cannes a l’honneur de recevoir ces éminents piliers du cinéma américain, toutefois, la présence tant attendue de l’un d’eux suscite la curiosité de tous. Francis Ford Coppola, réalisateur emblématique de la Nouvelle Vague Hollywoodienne, période florissante des studios américains des années 60 à 80, revient faire sensation sur la Croisette avec son dernier film, Megalopolis, en compétition ce jeudi 16 mai.
Franceinfo vous explique en quoi la projection de ce film de science-fiction qui imagine la renaissance d’un New York de fiction est un événement majeur de cette 77e édition de la manifestation.
Un des rares lauréats de deux Palmes d’or
Connu pour sa carrière prolifique, Francis Ford Coppola a noué des liens étroits avec le festival de Cannes. Sa première apparition date de 1967, à l’âge de 28 ans, lorsqu’il était en lice avec You’re a Big Boy, Now. Par la suite, il a présenté Conversation Secrète en 1974, Apocalypse Now en 1979, puis New York Stories en 1989, une comédie d’épisodes réalisée avec Martin Scorsese et Woody Allen, et finalement Tetro qui a ouvert la Quinzaine des réalisateurs, une compétition parallèle, en 2009. Sa dernière apparition sur la Croisette.
En outre, le réalisateur a présidé le jury en 1996, attribuant la Palme d’or à Secrets et Mensonges de Mike Leigh et offrant un souvenir mémorable à Gilles Jacob, directeur de la manifestation à l’époque. « Son approche très démocratique a fait l’unanimité, peut-être la meilleure que j’ai connue », se souvient-il dans Les Echos. Le premier jour, il a proposé une liste de questions pour le jury à répondre à la fin. La coopération de tous a donné un excellent résultat final. »
À 85 ans, il revient en force avec Megalopolis, son premier long-métrage depuis la sortie de Twixt en 2011. Pour Thierry Frémaux, le délégué général du Festival, ce retour tant attendu est un moment fort d’émotion. « Quoi qu’il arrive, son retour est un régal intégral », se réjouit-il dans Les Echos.
« Coppola a fait de Cannes une légende, et Cannes a fait de Coppola une légende. »
Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannesiris dans « Echos »
Thierry Frémaux explique que pour Coppola, « c’est la compétition ou rien ». Malgré un premier voyage infructueux en 1968, Coppola a su renverser la vapeur. En effet, il a remporté la compétition en 1974 avec Conversation secrète, qui a remporté le Grand Prix international du Festival, la récompense la plus prestigieuse avant l’adoption de la Palme d’or comme trophée officiel du Festival en 1975. À l’époque, Coppola ne prévoyait pas un grand succès pour son film, qu’il qualifie de « petit », « modeste » et « très personnel », dans ses propres termes dans Les Echos.
De remarquables moments de gloire
Cinq ans après ce premier triomphe, soit en 1979, Coppola reçoit une deuxième Palme d’or avec Apocalypse Now. Cette année-là, fort du succès de Conversation secrète et des deux premiers épisodes du Parrain, Coppola a fait un retour grandiose en dictant ses conditions à Gilles Jacob. Il a demandé que le film soit nominé même si il avait deux versions possibles, que sa famille soit hébergée pendant le festival, et qu’une conférence de presse soit organisée. Lors de cette conférence, il s’en prend violemment à la presse américaine qu’il accuse de diffuser de fausses nouvelles concernant le tournage infernal de son film sur la guerre du Vietnam. « La presse américaine est la plus décadente au monde, elle manque d’éthique. Au cours des cinq années de tournage, je n’ai pas lu une seule phrase qui n’était pas un mensonge », a-t-il déclaré.
En 1979, le film est doublement récompensé lors du Festival de Cannes avec la Palme d’or qu’il partage ex æquo avec Le Tambour de Volker Schlöndorff. Pour satisfaire Françoise Sagan, la présidente du jury de l’époque, qui avait préféré cette adaptation du roman de Günter Grass à l’épopée de guerre de Coppola, le film n’a reçu, en quelque sorte, « qu’une demi-palme ». Cette situation a fortement irrité Coppola, qui a plaidé pour que le jury fasse un choix entre les deux films. En fin de compte, il a accepté le prix. En 2001, il est revenu pour présenter la version « Redux » de son chef-d’œuvre, un nouveau montage attendu avec impatience par ses fans. En comptant deux Palmes d’or dans son escarcelle, Coppola fait partie d’un club très sélect de huit autres lauréats de deux Palmes d’or. Il pourrait être le premier à en remporter trois, lors de la clôture du Festival, samedi 25 mai.
Un nouveau défi audacieux
Coppola a prouvé avec Apocalypse Now qu’il n’a pas peur des défis. Selon le journaliste américain Tim Gray, qui travaille maintenant pour les Golden Globes, « Coppola est un casse-cou », soulignant qu’au cours de sa carrière, il a toujours pris des risques majeurs, voire défié l’ordre établi. Megalopolis, le futur projet du cinéaste, est en gestation depuis plus de quarante ans. Dans un entretien accordé au Point, Coppola souligne son souhait ardent de réaliser ce film avant de mourir. L’histoire se penche sur un architecte, César Catilina, joué par Adam Driver, qui aspire à reconstruire une métropole à l’image de New York ravagée par un cataclysme. Son idée utopique se heurte cependant à celle du maire de la ville, Franklyn Cicero, joué par Giancarlo Esposito. Ce dernier défend une vision plus régressive, propice à la cupidité, aux privilèges et aux milices privées, d’après le synopsis officiel. Julia Cicero, la fille du maire incarnée par Nathalie Emmanuel, se trouve au milieu de cette confrontation, partagée entre son amour pour Catilina et la loyauté envers son père. César, Cicero, Julia… Autant de références à l’Empire romain pour mieux refléter le monde actuel. « Le scénario décrit une société dans un avenir utopique qui deviendra réalité (…) Megalopolis symbolisera ma croyance en un avenir plus prometteur pour l’humanité », promet-il dans son interview accordée au Point.
Une plateforme idéale pour attirer les distributeurs et le public
Pour réaliser ce film, le cinéaste a dû attendre le déroulement du 11 septembre afin de ne pas porter un regard sinistre sur un New York en ruines. Ayant fait l’amère expérience des grandes maisons de production hollywoodiennes, Coppola entendait financer le film de sa propre poche, explique Thierry Frémaux. Pour bénéficier d’une totale liberté artistique, Coppola a puisé principalement dans les ressources de ses vignobles californiens, qu’il a partiellement vendus, comme en atteste Le Monde. Selon le magazine spécialisé The Hollywood Reporter, le tournage aurait été tumultueux, et la projection du film à Los Angeles n’a pas réussi à emporter l’adhésion de tous. En conséquence, Megalopolis n’a pas encore trouvé de distributeur aux États-Unis. En France, le Pacte, dirigé par Jean Labadie, assurera la distribution du film et Goodfellas, sous la direction de Vincent Maraval, sera en charge des ventes internationales, comme le précise Le Monde. Un succès à Cannes pourrait convaincre les distributeurs américains de se lancer. Cannes offre à Coppola une vitrine inégalable pour promouvoir son film. Néanmoins, l’enjeu est de taille pour le réalisateur.