La visite d’État de Joe Biden a pris fin : en quoi la culture des États-Unis influe-t-elle en France ? C’est le sujet de conversation que nous soumettons aujourd’hui à l’expert en sociologie, Jean Viard.
Le président Joe Biden termine sa visite d’État en France et retourne aux États-Unis après avoir participé aux célébrations du débarquement allié. Sa présence est l’occasion ultime pour évaluer l’impact de la culture américaine en France.
franceinfo : Jean Viard, le septième art a-t-il joué un rôle majeur dans ce domaine ?
Jean Viard : Incontestablement, l’influence du cinéma américain est palpable. Pour beaucoup, le débarquement de Normandie est synonyme du film Le jour le plus long. Bien sûr, dans la réalité, les Britanniques étaient également présents, mais l’histoire telle qu’elle nous est contée est presque entièrement américaine. Les films américains sont à ce point convaincants qu’ils réussissent à nous faire croire que nous avons vécu ces événements. Un autre exemple est Ben-Hur, qui a créé une perception hollywoodienne de l’histoire de Jérusalem et du Christ.
Les Américains ont prouvé leur astuce stratégique en utilisant le cinéma à leur avantage. À travers le grand écran, ils se sont penchés sur leur propre histoire, comme dans les nombreux films réalisés sur la guerre du Vietnam. Ils ont réussi à transformer le cinéma en une extension de leur puissance, leur culture et leur mode de vie dominent le box-office mondial.
Ce phénomène est aujourd’hui observable en Inde et en Égypte. En Inde, notamment, le cinéma est devenu un outil de nationalisme et de promotion de l’hindouisme, une stratégie clairement influencée par les États-Unis.
On attribue souvent ce type d’influence à ce qu’on appelle le ‘soft power’. Le cinéma a-t-il joué un rôle primordial dans la transformation de notre perception de la femme et de nos habitudes de consommation ?
Absolument, l’image de la femme à l’écran a beaucoup évolué à cause de l’influence américaine. La femme hypersexualisée, souvent réduite à des rôles de prostituée, a été une constante dans de nombreux films, y compris les westerns. En revanche, l’homme est généralement représenté comme courageux et héroïque. Ces standards sont en train de changer, comme le démontrent les mouvements comme #MeToo, qui dénoncent l’objectification des femmes à Hollywood.
Pour certains, l’américanisation de la société est critiquable, en particulier lorsqu’elle impose des débats sur le genre ou le racisme. Ces critiques ont-elles toujours existé ?
En effet, ces critiques ont toujours existé. Cependant, il faut noter que l’influence culturelle est bidirectionnelle. Nombre de nos penseurs, comme Derrida et Lévi-Strauss, ont été largement lus aux États-Unis, bien avant qu’ils trouvent un public en France.
En particulier, les universités américaines ont beaucoup réfléchi à la relation entre Blancs et Noirs sur la base de l’expérience de l’esclavage. C’est cette réflexion qui a conduit à l’apparition de termes comme Afro-américain. Cela dit, la question de la colonisation reste un sujet brûlant en France, comme en témoigne la situation en Nouvelle-Calédonie. Ces discussions peuvent nous sembler importées des États-Unis, mais elles ont leur place dans notre société et engagent une réflexion essentielle.