Éric Mouzin, père d’Estelle, disparue le 9 janvier 2003 alors qu’elle se rendait à l’école, poursuit son combat afin de faire reconnaître les insuffisances de l’État dans la gestion de l’enquête. Il critique vivement le « retard » et le « manque d’efficacité » des investigations, qui, selon lui, auraient pu permettre de retrouver le corps de la petite fille.
Le 19 décembre 2023, après trois semaines harassantes de procès à la cour d’assises des Hauts-de-Seine à Nanterre, Monique Olivier a été déclarée coupable de complicité dans les enlèvements et meurtres de Marie-Angèle Domèce, Johanna Parrish et Estelle Mouzin. À la fin du procès, Éric Mouzin, père d’Estelle, enlevée à Guermantes le 9 janvier 2003, a qualifié cette confrontation avec l’ancienne épouse de Michel Fourniret de la manière suivante : « Je n’ai observé aucune émotion sur le visage de l’accusée. C’était particulièrement difficile de faire face à cette absence d’humanité. On ne se souvient plus des noms, on ne se souvient plus des endroits. On mélange les victimes… »
Monique Olivier a écopé d’une peine de réclusion criminelle à perpétuité avec une période de sûreté de 20 ans. Bien qu’elle ait révélé des détails horribles sur les conditions de l’enlèvement de la petite fille, elle est restée évasive sur l’emplacement de son corps, ce que la famille d’Estelle attendait désespérément. Éric Mouzin, qui se bat sans relâche depuis plus de deux décennies, reste engagé dans sa quête de justice, poursuivant aujourd’hui une plainte pour faute lourde contre l’État.
Lutter pour que cet acte ne ruine pas nos vies
« Il est évident que ce n’est pas terminé. Les questions que nous avons sont toujours très présentes dans notre mémoire, confie-t-il, mais en même temps, elles sont mises de côté pour nous permettre de vivre au mieux, afin que l’enlèvement et l’assassinat d’Estelle ne détruisent pas nos vies. Nous nous sommes vraiment efforcés, durant toutes ces années, de ne pas laisser la mort s’installer en nous. Cela a été un combat constant, mais je pense que nous y sommes parvenus. » Avec sa femme Dominique, qu’il a épousée en 2008, « véritable pilier de la famille », ainsi que les frères et sœurs d’Estelle, ils ont réussi à maintenir une certaine normalité et à « profiter de tout ce que nous pouvions. Mais cela ne signifie pas qu’Estelle n’est pas dans nos pensées et notre affection, bien qu’elle ne soit pas là, bien sûr. »
Éric Mouzin indique que la plainte contre l’État, initiée en 2018, avance bien. Les avocats de la famille, issus du cabinet Seban, ont récemment fait parvenir leurs conclusions au représentant de l’État. Ce recours, « c’était un mouvement de ras-le-bol face aux nombreux dysfonctionnements des services d’enquête et de justice que nous avons constatés avec les avocats au fil des ans. Le procès nous a révélé un grand nombre d’informations qui justifient encore plus notre démarche. »
« Quand Michel Fourniret avoue, il est déjà mentalement diminué »
Il reconnaît avoir réalisé que « pendant toutes ces années, nous aurions pu aller beaucoup plus vite. Les juges d’instruction et les services d’enquête ont ignoré des éléments cruciaux, ce qui a prolongé l’instruction. Quand Michel Fourniret finit par avouer, il est déjà mentalement affaibli et ses déclarations sont très vagues. Il meurt pendant l’instruction, ce qui éteint l’action, et sa complice, dans une position ambigüe, ne répond pas à toutes les questions. Le délai de l’instruction et l’absence d’une enquête efficiente ont conduit à ce fiasco et à cette absence de réponse. »
À la question de savoir s’il espère encore retrouver le corps de sa fille après deux décennies de luttes, de procédures judiciaires et de manifestations avec l’association Estelle, il répond : « L’idée de retrouver le corps d’Estelle est une illustration du poison que l’on peut se créer soi-même. Je ne suis pas en mesure de rechercher le corps d’Estelle, ce n’est pas à moi de le faire. La personne qui sait ne peut, ou ne veut, indiquer où il est. Après 20 ans, elle peut avoir oublié ou confondu des crimes. Je ne veux pas me retrouver en totale dépendance de Monique Olivier. Il faut donc accepter l’idée que nous ne trouverons peut-être jamais son corps. Mais il ne faut pas que cette impossibilité devienne un voile recouvrant tout. »
Éric Mouzin, expert en assurances, n’a jamais cessé de travailler. « Un excellent moyen de détourner son esprit des autres problèmes. » Il espère obtenir le jugement de sa plainte contre l’État à la rentrée. Il a également engagé une autre procédure devant la Cour européenne des droits de l’homme pour, dit-il, « souligner l’inefficacité de la France à rendre justice. »