Il s’exprime peu souvent. « Notre mission est de débusquer la criminalité économique et financière là où elle se manifeste », déclare le chef du Parquet National Financier face aux attaques récurrentes dirigées contre son organisme. « Je comprends que notre intervention puisse troubler ».
« Le parquet national financier n’a aucune ambition politique », déclare Jean-François Bohnert
Mercredi 22 mai, Jean-François Bohnert, procureur de la République financier, affirme sur 42mag.fr que le PNF ne fait pas de politique. Depuis sa fondation il y a dix ans, le Parquet National Financier est souvent la cible de critiques virulentes venant notamment de figures politiques.
Son responsable réaffirme sur 42mag.fr que la « ligne directrice » des magistrats du PNF reste « le code pénal et l’application de la loi ».
Des critiques omniprésentes, une institution qui remplit son rôle
franceinfo : Depuis sa création il y a dix ans, votre institution est régulièrement l’objet de vives attaques. Est-ce un signe que le PNF remplit pleinement ses fonctions ?
Jean-François Bohnert : D’une certaine façon, oui. Nous ne cherchons ni à être aimés, ni à être détestés, mais il est certain que notre travail peut en agacer certains. La mission du PNF est de traquer la délinquance économique et financière partout où elle se trouve. Notre travail est minutieux, persistant, et nous allons jusqu’au bout des choses.
Des fonds conséquents récupérés pour l’État
En dix ans, vous avez récupéré douze milliards d’euros pour l’État à travers des amendes et des dommages et intérêts. Où vont ces fonds ?
Ces fonds alimentent le budget général de l’État. Le PNF ne reçoit aucun pourcentage de ces sommes. Notre travail se traduit par des amendes et des confiscations qui reviennent directement dans les caisses de l’État.
Les conventions judiciaires d’intérêt public
Vous négociez avec les entreprises qui souhaitent éviter un procès, à travers les conventions judiciaires d’intérêt public. Sur quels critères basez-vous vos décisions ?
Le critère principal est la bonne foi de l’entreprise ou de la personne morale en question. Si elle est prête à coopérer pleinement et à faciliter notre enquête, nous considérons une convention judiciaire d’intérêt public. Cette coopération est évaluée avec soin. Bien que nous puissions accorder notre confiance, cela n’exclut jamais un contrôle, donc des enquêtes parallèles sont toujours menées.
Des effectifs en baisse et leurs conséquences
La baisse des effectifs dans la police a-t-elle un impact sur le PNF ?
Pour le moment, certains indices pointent dans cette direction. Je reste cependant prudent. La situation en France est observée de près par l’OCDE, notamment concernant les tendances affectant la lutte contre la délinquance économique et financière. La conférence nationale des procureurs de la République a récemment signalé cette problématique. Au PNF, nous avons vu certains refus de saisines sans explications claires.
« Nous attendons encore pour affiner notre analyse, mais nous sommes préoccupés par la trajectoire en cours. »
Jean-François Bohnert, procureur de la République financiersur 42mag.fr
Il est probable qu’avec des moyens constants, des conséquences se manifestent.
Accusations de faire de la politique, une réponse ferme
Un reproche souvent adressé aux magistrats du PNF est qu’ils font de la politique.
Le PNF ne s’engage pas en politique. Nos décisions peuvent avoir des répercussions politiques, mais cela ne guide pas notre action. Nos repères restent le code pénal et la loi. Le calendrier judiciaire ne coïncide pas facilement avec le calendrier politique. Notre mission est de garder un œil sur ces dimensions pour éviter toute manipulation. Nos décisions prennent du temps, car elles nécessitent une analyse minutieuse, technique et juridique avant d’être prises.
L’affaire Rachida Dati
Parmi les affaires sensibles que traite le PNF, il y a celle impliquant la ministre de la Culture Rachida Dati, mise en examen depuis 2021 pour corruption et trafic d’influence passif. Pensez-vous à l’impact éventuel sur l’élection municipale de 2026 et sa candidature à Paris ?
Ce sont des éléments que nous gardons à l’esprit. Cependant, prétendre que nous les intégrons pleinement dans nos décisions serait erroné. Ces facteurs sont présents dans notre processus décisionnel, mais ils ne déterminent pas nos actions.