L’Érythréen Biniam Girmay a ouvert la voie à la gloire lors du dernier Tour de France, devenant le premier cycliste noir à remporter une étape de cette course éprouvante, suivie du maillot vert de meilleur sprinteur. Le héros africain relève désormais son prochain défi : le cyclisme sur route olympique aux Jeux de Paris en 2024.
Moins d’une semaine après avoir parcouru le front de mer de Nice lors de l’événement cycliste le plus célèbre, Girmay pédalera à Paris pour lancer sa campagne olympique.
Si l’on en croit le Tour de France, il aura un important contingent érythréen pour l’encourager alors qu’il participera aux contre-la-montre samedi, puis à nouveau à la course sur route une semaine plus tard.
À domicile et tout au long des près de 3 500 kilomètres du parcours du Tour, ses compatriotes ont rugi leur soutien alors qu’il devenait le premier cycliste noir – d’Afrique ou de n’importe quel continent – à remporter une étape de la course, puis une autre, puis une autre.
Les records se succédaient. A la fin de la course dans le sud de la France le week-end dernier, Girmay avait accumulé suffisamment de points pour remporter le maillot vert de sprinteur, l’un des trois prix de la course, ce qu’aucun autre coureur africain n’avait fait auparavant.
« Je n’ai pas les mots pour l’exprimer », a déclaré Girmay à France 24, chaîne sœur de 42mag.fr, lorsqu’on l’a interrogé sur les supporters érythréens alignés le long de la ligne d’arrivée.
« Ils sont venus d’Asmara, des pays voisins. Leur enthousiasme m’a donné beaucoup de force.
« Ce n’est pas la première fois qu’ils font ça, mais aujourd’hui c’était quelque chose de spécial. »

Un cas particulier en Afrique
Comme en témoigne l’engagement de ses fans, Girmay est lui-même quelqu’un de spécial : un pilote africain rare sur la scène internationale, et un pilote noir encore plus rare.
Seul concurrent noir du Tour cette année, il sera l’un des rares cyclistes africains présents aux Jeux olympiques de Paris.
Girmay espère ne plus être une exception. « C’est plus beau de voir dans le peloton des couleurs différentes de différents pays et de différents continents », a-t-il confié à France 24.
« Je suis super heureux de faire partie de cela et de me voir de cette manière historique. »

« Il ne fait aucun doute qu’il peut inspirer des générations de futurs champions, comme nous l’espérons », a déclaré à 42mag.fr Christian Prudhomme, directeur du Tour, saluant « l’incroyable style félin de Girmay, fluide en tous points ».
Pays du vélo
La passion de longue date de l’Érythrée pour le cyclisme, introduite par les Italiens qui l’ont autrefois colonisée, en a fait un pôle majeur du sport en Afrique.
Des dizaines d’athlètes ont grandi en s’entraînant dans ses montagnes et ont connu le succès au niveau national et dans des compétitions panafricaines.
Elle a déjà produit des coureurs de classe mondiale, notamment Daniel Teklehaimanot, le premier cycliste olympique érythréen, qui a représenté le pays aux Jeux de 2012 à Londres.
Avec son compatriote Merhawi Kudus, il est devenu l’un des deux premiers Africains noirs à participer au Tour de France en 2015 et a même gravi les échelons jusqu’au maillot tacheté de « Roi des montagnes » lors d’une des premières étapes.
Mais Girmay, qui a quitté l’Érythrée à l’adolescence pour s’entraîner en Suisse après avoir été repéré par un découvreur de talents de l’instance dirigeante de l’Union cycliste internationale (UCI), a accumulé plus de victoires en dehors du continent que tout autre cycliste africain à ce jour.

Il y a d’abord eu le sprint d’un jour Gand-Wevelgem en Belgique en 2022, puis une étape du Giro d’Italie la même année, une étape du Tour de Suisse en 2023, et maintenant les victoires cet été en France.
« Il reste en Europe pour concourir. Il sait qu’il doit rester en Europe pour devenir professionnel et gagner de l’argent », a déclaré le cinéaste belge Lieven Corthouts, qui a passé plus de six ans à filmer Girmay pour son documentaire. C’est mon moment.
Cela a un coût personnel, selon Corthouts, notamment la séparation d’avec sa femme et sa fille à Asmara.
« C’est très dur », a confié le cinéaste à 42mag.fr. « Ils ne peuvent pas partager la victoire ».
En mission
Les sacrifices de Girmay sont la preuve de son engagement – quelque chose dont le joueur de 24 ans aura besoin s’il veut maintenir sa trajectoire stellaire.
L’année prochaine, le Rwanda accueillera les championnats du monde de cyclisme de l’UCI, une occasion pour Girmay de remporter une victoire mondiale sur le sol africain. La dernière fois qu’il a participé à l’événement en tant que coureur junior, lors de la course des moins de 23 ans en 2021, il avait remporté l’argent.
« Il va devoir assimiler tout ce qu’il a fait, se remettre en question et se remettre au travail cet hiver », a déclaré l’ancien coureur professionnel français Pierre Rolland.
« Il va falloir qu’il évite de trop planer sur son petit nuage car ce sport est ingrat. Il doit continuer à écrire l’histoire de son sport. Je pense que c’est pour ça qu’il est né. »

Avant cela, il y a les Jeux olympiques.
En tant que seul coureur de l’Érythrée, Girmay sera désavantagé sur le plan tactique sans coéquipiers pour l’aider à terminer au sprint – mais ceux qui l’ont vu écrire l’histoire sur le Tour pensent qu’il peut le faire à nouveau à Paris.
« La médaille d’or à Paris, c’est pour accomplir sa mission », a confié un supporter à 42mag.fr. « Maintenant, il est en mission ».
Quels sont les athlètes africains à surveiller aux JO de Paris ?
Cet article présente des interviews de Thomas de Saint Léger et Nicolas Sur de 42mag.fr, et de James Vasina de France 24.