L’Assemblée nationale, chambre basse du Parlement, nouvellement élue, se réunit jeudi pour la première fois. Le pays peine toujours à former un gouvernement après l’échec des élections anticipées qui n’ont pas permis de dégager une majorité, mais les députés ont un délai à respecter pour pourvoir les postes clés du Parlement.
Comme l’exige la Constitution française, le nouveau Parlement tiendra sa séance d’ouverture le deuxième jeudi après la fin des élections, soit le 18 juillet.
L’assemblée entrante sera officiellement ouverte lors d’une séance présidée par son membre le plus âgé, José Gonzalez, 81 ans, du parti Rassemblement national, assisté des six députés les plus jeunes.
Mais au-delà de la tradition, la première séance est loin d’être une formalité.
Les législateurs y éliront le président de l’Assemblée, l’équivalent d’un président de la Chambre, qui sera chargé de fixer l’ordre du jour et de diriger les débats.
C’est un rôle important dans tout parlement, et c’est particulièrement vrai aujourd’hui : alors que la Chambre est divisée, qu’un gouvernement intérimaire est aux commandes et que le président Emmanuel Macron se trouve affaibli.
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Course ouverte
Le vote pour élire un président de la Chambre des députés est « la première occasion de mettre à l’épreuve grandeur nature l’unité – ou non – des différentes formations politiques », estime le politologue Bernard Sananès, directeur de l’institut de sondage Elabe.
Il mesurera l’équilibre des forces entre les quatre principaux blocs issus des élections anticipées : le Nouveau Front populaire (gauche), l’alliance centriste d’Emmanuel Macron, le Rassemblement national (extrême droite) et les Républicains (droite). Aucun des deux camps ne dispose de suffisamment de sièges pour former une majorité.
Les candidats à la présidence de la Chambre des représentants doivent toutefois être soutenus par une majorité absolue des députés lors des deux premiers tours d’un scrutin secret. À défaut, le vainqueur est celui qui obtient le plus de voix lors d’un troisième tour.
Aucun favori n’a encore émergé pour occuper le poste, occupé jusqu’ici par Yaël Braun-Pivet, de la coalition centriste du président.

On s’attend à ce qu’elle se présente pour conserver ce poste, mais le camp de Macron n’étant désormais que le deuxième plus grand bloc au sein du nouveau parlement, elle est loin d’être assurée d’obtenir les voix.
Alors que le Nouveau Front populaire, la large alliance de gauche qui a remporté le plus de sièges lors des élections de ce mois-ci, a fait part de son intention de présenter un candidat unique, jusqu’à présent, ses différentes factions n’ont pas réussi à s’entendre sur un nom.
Cela est dû en grande partie aux désaccords entre la France Insoumise, parti d’extrême gauche le plus important du bloc, et le Parti socialiste de centre-gauche, sa deuxième plus grande faction.
« On verra s’ils se mettent d’accord sur une candidature commune, qui a été évoquée mais qui ne s’est pas concrétisée pour l’instant », a déclaré Sananès à 42mag.fr.
« Tout le monde comptera ses troupes et les choses pourraient sembler un peu plus claires, espérons-le, d’ici la fin de la semaine. »
D’autres postes de haut niveau sont à pourvoir
Le siège du président n’est pas le seul à attendre d’être pourvu.
Le président de l’assemblée partage les fonctions de direction avec six vice-présidents, 12 secrétaires et trois administrateurs financiers, qui doivent tous être élus le 19 juillet.
Chaque groupe parlementaire est habilité à proposer des candidats pour les différents postes, ainsi que pour les présidents de huit commissions parlementaires permanentes allant des finances aux affaires étrangères, de la défense à la culture.
Ces postes seront pourvus le 20 juillet, et une bataille fait déjà rage pour déterminer quels groupes se partageront les rôles de choix.

Les dirigeants de gauche ont demandé que l’extrême droite soit exclue de tout poste de pouvoir au sein du Parlement, tandis que certains centristes affirment qu’ils chercheront à bloquer les candidats du Rassemblement national ou de La France insoumise.
Cela est contraire à la convention selon laquelle la direction de l’Assemblée nationale est généralement issue d’un mélange de groupes parlementaires.
Traditionnellement, la première vice-présidence et au moins un poste d’administrateur financier reviennent à des membres de l’opposition, tandis que le règlement exige expressément que l’opposition préside la commission des finances. Les sièges au sein de ces commissions sont répartis proportionnellement entre les groupes.
Avec plus de 140 sièges, le Rassemblement national est à la tête du troisième groupe parlementaire et a déjà fait savoir qu’il souhaitait occuper le poste le plus important au sein de la commission des finances.
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Les limbes du leadership
La lutte pour pourvoir les postes parlementaires devrait cristalliser les différentes allégeances qui pourraient finir par déterminer qui formera le prochain gouvernement français.
Le choix d’un nouveau Premier ministre revient au président Macron, qui a indiqué vouloir résoudre l’incertitude le plus rapidement possible.
Mais alors que les Jeux olympiques de Paris commencent dans un peu plus d’une semaine, d’autres estiment que ce n’est pas le moment de précipiter la passation des pouvoirs.
La Constitution prévoit que le Parlement siège pendant 15 jours, la première session devant se tenir le 2 août. Elle ne devrait ensuite se réunir à nouveau qu’au début du mois d’octobre, ce qui laisse craindre que la France reste dans l’incertitude pendant tout l’été.
« Les Français ne sont pas habitués à attendre aussi longtemps pour avoir un gouvernement », affirme l’institut de sondage Sananès.
« Leurs votes ont envoyé un message : il y a des choses urgentes à régler, des choses qui les mettent en colère. Et donc si on se retrouve à ne pas nommer de gouvernement avant la fin de l’été comme certains le suggèrent, même si on peut le comprendre compte tenu des Jeux olympiques, les Français risquent de s’impatienter de plus en plus. »