Aux Jeux de Paris 2024, 37 prétendants réaliseront leur rêve olympique au sein de l’équipe internationale des réfugiés, qui rassemble des athlètes issus des 120 millions de personnes déplacées de force dans le monde. 42mag.fr les a rencontrés lors de leur entraînement pré-compétition dans le nord de la France.
« Faire partie de cette équipe de réfugiés montre que vous pouvez réaliser votre rêve », déclare Omid Ahmadisafa.
Kickboxer et boxeur ayant remporté des médailles pour son Iran natal, il vit désormais en Allemagne.
« J’ai quitté mon pays pour espérer un avenir meilleur et m’éloigner de tous les problèmes là-bas », a-t-il déclaré à 42mag.fr dans un centre d’entraînement de Bayeux, près de la côte nord de la France, où lui et ses nouveaux coéquipiers s’étaient réunis avant de se rendre à Paris pour les Jeux d’été de 2024.
Ils viennent de pays différents et se spécialisent dans des sports différents. Mais lors de ces Jeux olympiques, ils concourront sous le même drapeau : non pas celui d’une nation, mais celui de l’équipe olympique des réfugiés.
Symbole de résilience
C’est la troisième fois qu’une équipe de réfugiés participera aux Jeux olympiques et la première fois qu’elle aura son propre drapeau.
Le drapeau blanc avec un cœur rouge entouré d’un cercle de flèches noires, présenté pour la première fois à Paris, est décrit par les responsables olympiques comme des balises. Il est censé symboliser le voyage, l’unité et le refuge.
Lors de la cérémonie d’ouverture vendredi, l’équipe était la deuxième à apparaître dans le cortège flottant, après celle de la Grèce.
« La famille s’est agrandie depuis les dernières éditions, c’est fantastique », a déclaré la cheffe de mission Masomah Ali Zada, une ancienne cycliste afghane qui a elle-même concouru pour l’équipe des réfugiés à Tokyo 2020, lorsqu’elle comprenait 29 athlètes.
Cette fois-ci, ils sont 37, venus de 11 pays et spécialisés dans 12 sports, du judo à la natation, du badminton au breakdance.
« Ils ont certes des origines différentes, mais ils ont tous en commun la résilience », a déclaré Ali Zada. « Ils n’ont jamais abandonné, malgré les difficultés. »
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Solidarité en exil
Certains coéquipiers partagent plus que cela. Les événements mondiaux font que certains pays sont plus présents que d’autres, notamment l’Afghanistan, l’Iran et la Syrie.
« Je suis content qu’il y ait beaucoup de Syriens ici », a déclaré Yahya al Ghotany, un taekwondoïste. « Nous avons la même histoire. Nous avons vécu les mêmes problèmes ».
Il a commencé ce sport dans un camp de réfugiés en Jordanie, où il vit depuis qu’il a fui la guerre en Syrie.
Il était l’un des deux porte-drapeaux de l’équipe lors de la cérémonie d’ouverture des JO sur la Seine, aux côtés de la boxeuse camerounaise Cindy Ngamba.
Le sprinteur Dorian Keletela, originaire du Congo-Brazzaville, sait que les gens de son pays le regarderont.
« Ma famille et mes supporters me suivent et m’encouragent depuis le Congo et ailleurs », explique le spécialiste du 100 mètres, désormais installé en France après être arrivé au Portugal à l’adolescence.
« C’est un énorme encouragement et ça me donne envie de tout donner à Paris, encore plus qu’aux JO de Tokyo 2020. »
Keletela a établi son meilleur temps personnel lors de ces Jeux : 10,33 secondes. Il espère se surpasser cette fois-ci.
Sa compatriote coureuse Farida Abaroge a également un souvenir de chez elle.
« Je suis dans une chambre avec une autre femme éthiopienne, c’est génial, nous partageons tout », a-t-elle déclaré.
Abaroge participera au 1 500 mètres, tandis que sa colocataire Eyeru Gebru est une cycliste sur route qui a remporté plusieurs médailles aux championnats africains.
Les deux femmes vivent désormais en France. Abaroge a poliment refusé de discuter des raisons qui l’ont poussée à quitter l’Ethiopie ou du long voyage qui l’a amenée en Europe : « Je suis juste ici pour parler de sport, s’il vous plaît. »
Les sportifs avant tout
Il n’est pas surprenant que certains athlètes préfèrent ne pas parler du passé.
« Cela peut rouvrir des plaies, et certains athlètes ont du mal à récupérer », a déclaré à 42mag.fr un membre du staff de l’équipe.
« Les gens posent beaucoup de questions sur leur vie, souvent bien plus que sur leurs résultats sportifs. C’est logique d’une certaine manière, mais pour beaucoup d’entre eux, c’est douloureux. »
Les responsables ont organisé une formation aux médias pour les membres de l’équipe afin de les préparer à répondre à des questions auxquelles leurs camarades olympiens n’auront pas à faire face.
« Ils sont considérés avant tout comme des réfugiés, mais ce sont avant tout des athlètes », explique Anne-Sophie Thilo, ancienne navigatrice olympique suisse aujourd’hui responsable de la communication de l’équipe des réfugiés.
Les organisateurs ont réuni en Normandie les 37 athlètes et la cinquantaine de membres du personnel qui les accompagneront à Paris pour un dernier travail d’équipe avant le début des Jeux.
« Tout le monde est de bonne humeur, on rit beaucoup et on plaisante », a déclaré Thilo. « C’est la première fois que nous nous retrouvons tous ensemble, c’est un moment unique et très spécial. »
Entre deux séances d’entraînement, la délégation s’est retrouvée sur la plage d’Arromanches-les-Bains pour jouer au ballon et prendre des photos de groupe.
Le moral est au beau fixe, tout comme les espoirs de médaille, ce qu’aucun athlète olympique réfugié n’a encore remporté. Le boxeur britannique Ngamba est pressenti pour être le premier.
Bien qu’il soit gratifiant de voir l’équipe gagner en force, le chef de la délégation, Ali Zada, estime que la mission est douce-amère.
« Mon rêve est qu’un jour cette équipe n’existe plus, qu’il n’y ait plus de réfugiés dans le monde, dit-elle. Que chacun puisse vivre en paix dans son pays. »
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