Âgée de 37 ans, Lucie Castets, une jeune diplômée de l’ENA et porte-parole du collectif Nos services publics, aspire à diriger un gouvernement sous la bannière du Nouveau Front populaire, en dépit de l’opposition d’Emmanuel Macron.
Peu connue du grand public, Lucie Castets a fait irruption sur la scène politique le mardi 23 juillet. Après 16 jours de discussions intenses, le Nouveau Front populaire a officialisé son accord sur sa candidature au poste de Première ministre. Cette proposition a été rejetée sans délai par Emmanuel Macron dans son entretien sur France Télévisions quelques minutes plus tard, mais cela n’a pas diminué la détermination de Lucie Castets.
Invitée du 8h20 de France Inter mercredi matin, Lucie Castets a dénoncé un « déni de démocratie » et a exhorté Emmanuel Macron à « assumer ses responsabilités » en la nommant à Matignon. Franceinfo retrace la carrière de cette personnalité émergente, à qui la gauche souhaite confier la direction du gouvernement.
Formations et débuts professionnels
Diplômée de Sciences Po et de la London School of Economics, Lucie Castets est également issue de la promotion 2013 Jean Zay de l’ENA, comme l’indique son profil LinkedIn. À l’issue de son cursus à l’ENA, elle intègre en 2014 le ministère de l’Économie et des Finances au sein de la Direction générale du Trésor. Elle a d’abord été adjointe, avant d’être nommée cheffe du
Lucie Castets dispose également d’une expertise en matière de répression des fraudes et de lutte contre la criminalité financière. Entre 2018 et 2020, elle travaille pour Tracfin, la cellule de renseignement financier de Bercy, qui s’attaque au blanchiment d’argent, au financement du terrorisme et à la fraude fiscale.
De la ville de Paris aux finances publiques
En septembre 2020, Lucie Castets quitte Tracfin pour devenir conseillère en finances et budget à la ville de Paris. Trois ans plus tard, elle est promue directrice des finances et des achats de la capitale, poste qu’elle occupe actuellement. La maire de Paris, Anne Hidalgo, a qualifié cette dernière de « très bonne directrice des finances », gérant un budget de 10 milliards d’euros avec « sérieux et sans faire sombrer la ville dans la faillite, tout en investissant dans la transition écologique et le social ».
« Une plaisanterie de mauvais goût, j’imagine », a raillé Sébastion Chenu, vice-président du Rassemblement national sur X, critiquant l’« état budgétaire totalement catastrophique » de Paris. « La dette de Paris n’est en rien comparable à celle de l’État français, il est donc ironique d’entendre des leçons de la part de ceux responsables de cette dette nationale », a répondu Lucie Castets sur France Inter mercredi 24 juillet.
Engagement politique : Candidate et militante
Née à Caen, Lucie Castets, alors âgée de 28 ans, était candidate aux élections régionales de 2015 sur la liste du Calvados du Parti socialiste, selon Ouest-France. Interrogée par l’AFP, elle reconnaît avoir été membre du PS entre 2008 et 2011. Proche du courant « besoin de gauche » mené par l’ex-ministre socialiste des Finances Pierre Moscovici, Lucie Castets s’est engagée en faveur du mariage pour tous, de l’égalité hommes-femmes et d’une meilleure répartition des richesses mondiales. Durant les années 2010, elle a aussi participé au think tank Point d’ancrage, reconnu pour sa position « sociale-réformiste ». Aujourd’hui, elle s’affiche sans affiliation partisane.
Activisme et engagement civique
Lucie Castets est également co-fondatrice et porte-parole du collectif Nos services publics, qui milite contre la politique du gouvernement sortant en matière de fonction publique et qui œuvre pour « réhabiliter le sens des missions du service public ». Parallèlement, elle est membre du bureau de l’Observatoire national de l’extrême droite, en compagnie des Insoumis Thomas Portes et Caroline Fiat, et de l’écologiste Marine Tondelier.
« Son parcours professionnel au service de l’État et des collectivités territoriales est remarquable, avec des engagements forts sur la justice fiscale et la lutte contre l’évasion fiscale », a déclaré à l’AFP le cofondateur de Nos services publics, Arnaud Bontemps. « Elle s’investit particulièrement dans l’éducation, la santé publique et la justice sociale », ajoute-t-il.
Un profil technique pour une sortie de crise
Spécialiste de la lutte contre la fraude fiscale, militante pour le service public et engagée contre l’extrême droite, Lucie Castets présente un profil technique et apolitique, ce qui a facilité l’accord entre les dirigeants du Nouveau Front populaire pour sa nomination à Matignon.« Elle remplit de nombreux critères », a affirmé Fabien Roussel, secrétaire du Parti communiste, sur BFMTV, louant également une femme « impliquée dans la lutte contre la criminalité financière ». « Défenseure ardente des services publics, Lucie Castets sera la Première ministre des avancées sociales et écologiques », a réagi de son côté le secrétaire général du PS, Pierre Jouvet.
« C’est une vraie surprise », a commenté le politologue Bruno Cautrès sur franceinfo après l’annonce de l’accord. « On a assisté à un jeu complexe entre le Parti socialiste et La France insoumise, donc la seule solution était de trouver quelqu’un extérieur », analyse-t-il, soulignant que le nom de Lucie Castets ne « circulait pas jusqu’alors ».
Priorités politiques et réformes ambitionnées
Lucie Castets est engagée dans des « luttes associatives pour la défense et la promotion des services publics », ainsi que « dans le combat d’idées contre la retraite à 64 ans », selon le communiqué du Nouveau Front populaire mardi soir. Interrogée par l’AFP, elle a affirmé avoir pour priorités l’« abrogation de la réforme des retraites » de Macron, une « réforme fiscale majeure pour garantir que chacun, individus et multinationales, paie sa juste part », l’« amélioration du pouvoir d’achat » par la revalorisation des salaires et des minima sociaux, ainsi que la « fin de la baisse des services publics ». Elle a accepté la proposition du Nouveau Front populaire « avec humilité mais beaucoup de conviction », se considérant comme une candidate « crédible et sérieuse » pour Matignon.
Lucie Castets souhaite instaurer une ligne politique, à la tête d’un gouvernement de gauche, capable de fédérer toutes les composantes du Nouveau Front populaire : rendre les services publics plus efficaces pour contrer l’extrême droite. « L’effondrement des services publics a contribué à alimenter les votes pour le Rassemblement national », affirme-t-elle sur France Inter, se disant convaincue que « les députés en dehors du Nouveau Front populaire seront responsables lorsqu’ils examineront des projets de loi visant à améliorer le fonctionnement des services publics ».