L’artiste, décédé dimanche à l’âge de 88 ans, a formulé des propos au cours de la dernière décennie qui lui ont valu d’être désigné comme « raciste, sexiste et homophobe » par diverses organisations.
Le décès d’Alain Delon, survenu le dimanche 18 août, a provoqué une immense vague d’hommages, tant de la part de figures du cinéma que de milliers de citoyens ordinaires. Néanmoins, les médias, ainsi que certains analystes, ont rapidement mis en lumière les nombreuses déclarations controversées de l’acteur, qui s’est fait entendre à travers des propos considérés comme racistes, homophobes et sexistes. Par exemple, Libération le décrit comme un « mythe rêvé par tous les conservateurs de l’Hexagone, leur version de Clint Eastwood », le qualifiant de « indépendant, macho, sauvage, farouchement individualiste (…) mais ‘patriote avant tout’. »
Ces remarques ravivent les controverses survenues en 2019, lors du Festival de Cannes, où il a reçu une Palme d’or d’honneur. À cette occasion, des organisations féministes s’étaient opposées à cette distinction, provoquant une pétition qui a recueilli près de 30 000 signatures. Le collectif « Osez le féminisme » avait alerté : « Pas d’honneur pour les agresseurs. » Une autre phrase marquante du texte était : « Aucun talent d’acteur ne peut compenser une vision du monde aussi étroite. Un événement de cette ampleur ne devrait pas accueillir des racistes, des sexistes et des homophobes. » Le délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, avait réagi en affirmant : « Nous ne remettons pas le prix Nobel à Delon, il s’agit d’une Palme d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Le Festival ne cautionne pas certains de ses propos, mais la liberté d’expression doit être respectée. » Mais pourquoi, au moment des hommages, la presse a-t-elle aussi rappelé qu’Alain Delon était aussi « un grand acteur » que « un grand réactionnaire » ?
« Si vous le souhaitez, je suis fasciste »
Lors d’une interview pour le magazine L’Express en 1977, le journaliste caractérise Alain Delon comme un « homme d’ordre », ce à quoi l’acteur répond : « Fasciste, disons le mot. Je suis un fervent anticommuniste, c’est tout. Dès qu’on prononce quelque chose, on vous colle une étiquette. Donc voilà, je suis fasciste, si vous le souhaitez, tant pis. »
Au fil des ans, Alain Delon a exprimé à de nombreuses reprises son amitié pour Jean-Marie Le Pen, qu’il voyait comme un ami, même s’il n’a jamais explicitement appelé à voter pour le Front national ou le Rassemblement national. Cependant, en 1984, dans Paris Match, il déclarait : « C’est un ami. (…) Il exprime tout haut ce que beaucoup de gens pensent tout bas. » En 1987, sur Antenne 2, il a affirmé : « L’extrême droite, c’est tout de même la droite. » Il a ajouté qu’il était « très sympathisant de M. Le Pen ». L’acteur, qui a souvent déclaré avoir « toujours été gaulliste », a soutenu des candidats comme Valéry Giscard d’Estaing, Raymond Barre ou Nicolas Sarkozy lors des élections présidentielles, comme le précise Libération.
En octobre 2013, dans un entretien accordé au journal suisse Le Matin, Alain Delon a comparé l’essor du MCG, un parti d’extrême droite suisse, avec celui du Front national. « Le Front national, à l’instar du MCG à Genève, prend une place essentielle et j’approuve cela, je le soutiens et je comprends tout à fait. » Ses commentaires ont conduit à un avertissement de l’organisation Miss France, dont il présidait le jury depuis 2011. Dans un communiqué en 2013, la directrice du concours, Sylvie Tellier, a écrit : « Nous demandons aux membres du jury, ainsi qu’aux candidates, de ne pas exprimer de pensées politiques, religieuses ou idéologiques. » Après cette déclaration, Alain Delon a volontairement quitté ses fonctions au sein du jury.
En revenant sur ses positions politiques, il a conclu : « On a voulu me coller l’étiquette d’extrême droite simplement parce que j’ai dit que j’étais ami avec Le Pen depuis l’époque militaire. Non, je suis de droite, c’est tout. » C’était dans une interview au JDD en 2019.
L’homosexualité, « c’est contre-nature »
Lors de la première de la saison pour « C à vous » sur France 5, en septembre 2013, la nouvelle présentatrice, Anne-Sophie Lapix, a confronté Alain Delon à des propos qu’il avait tenus auparavant dans Le Figaro Magazine. Dans cet article, il regrettait la perte des « modèles masculins » dans le milieu du cinéma et dans la société française. Il a affirmé : « Je ne suis pas opposé au mariage homosexuel, cela m’indiffère complètement, mais je m’oppose à l’adoption d’enfants. On va encore me dire que je dois m’adapter et vivre avec mon temps… Eh bien, je vis très mal cette époque qui banalise ce que je considère comme contre-nature. Quoi qu’il en soit, je respecte ! »
Face à Anne-Sophie Lapix, il ne se dérobe pas à ses déclarations : « Il n’y a plus de distinction, moins de respect de nos jours. Je suis navré de le dire. Je n’ai rien contre les couples de même sexe, mais, pour moi, cela reste contre-nature. Nous sommes ici pour aimer et courtiser des femmes, non pour séduire d’autres hommes. »
Ces propos homophobes ont pris sa propre fille, Anouchka, au dépourvu. Elle avait tenté de le contredire en disant : « Tu ne peux pas dire que l’homosexualité est contre-nature, peut-être le mariage ? » Après cela, elle a pris ses distances, affirmant sur Twitter : « Les propos de mon père ne s’appliquent qu’à lui et n’ont aucun lien avec les causes que je défends. »
« De plus en plus de femmes se comportent comme des hommes »
Dans la même interview avec Figaro Magazine en 2013, Alain Delon a proféré d’autres déclarations sexistes. « Je connais des gens qui prétendent qu’il n’existe plus de véritables hommes… Il y en a moins car de plus en plus de femmes cherchent à s’identifier aux hommes. Les femmes ont lutté pour leurs droits, elles ont obtenu ce qu’elles voulaient, c’est très bien… Mais pourquoi doivent-elles agir comme des hommes, pourquoi vouloir leur ressembler ? », a-t-il réagi.
« Il est essentiel de prêter attention aux distinctions, à l’équilibre entre hommes et femmes. », a ajouté l’acteur. Selon lui, les femmes doivent préserver et valoriser leurs « caractéristiques féminines ». « Il fut un temps où, dans les rues, on pouvait différencier les hommes et les femmes, mais désormais, il devient difficile de les discerner. Les genres sont devenus flous, et parfois même inversés, comme avec le congé paternité, » a-t-il analysé. Selon lui, les femmes qui incarnent « l’essence même de la féminité » incluent des personnalités telles que Brigitte Auber, Michèle Cordoue, Romy Schneider, Mireille Darc, ou encore les Miss France. « Une véritable femme qui dégage de la féminité… », a conclu Delon.
« Le Kenya, quel est son groupe ethnique ? »
En novembre 2015, alors que la chaîne France 3 diffusait un documentaire intitulé Alain Delon, cet inconnu, l’acteur a donné une interview à TV Magazine . Un journaliste lui a demandé de réagir à la controverse actuelle concernant Nadine Morano, candidate à la primaire des Républicains. Lors d’un débat sur l’immigration dans l’émission « On n’est pas couché » sur France 2, elle avait déclaré que la France était un « pays de race blanche ». Cette affirmation lui avait valu d’être critiquée par Nicolas Sarkozy, alors président du parti, allant jusqu’à l’en priver de son investiture pour les élections régionales.
« Je n’ai pas l’intention de juger ou de débattre là-dessus. Juste une question : le Kenya, quel est son groupe ethnique ? Les gens là-bas sont noirs. C’est une polémique insensée, ridicule, qui n’a aucune valeur. Elle a eu le courage de tenir ses propos et de déclarer : ‘Je m’en fiche de ce que vous en pensez, j’exprimerai toujours mes opinions.’ Chapeau à elle ! », a alors défendu Alain Delon.
« Si une gifle est perçue comme machiste, alors oui, j’ai pu agir avec machisme »
En 2013, son fils, Alain-Fabien Delon, a déclaré dans les colonnes de Vanity Fair Italia qu’il avait été témoin de violences physiques subies par sa mère, Rosalie van Breemen, lorsqu’il était enfant et vivait à Douchy, dans le Loiret. « Elle a souffert de huit côtes fracturées et d’un nez cassé à deux reprises. Méritait-elle cela ? », s’interrogeait-il. Alain Delon a ensuite nié ces déclarations dans Le Parisien : « C’est des absurdités. Mon fils est complètement perdu et il donne des interviews sensationnalistes uniquement pour l’argent. »
En novembre 2018, la présentatrice Catherine Ceylac recevait Alain Delon pour l’une de ses dernières émissions de « Thé ou café ». Lorsqu’on lui demandait de s’exprimer sur ses rapports avec les femmes et sur d’éventuels comportements machistes, Alain Delon a rétorqué : « Machiste ? Ça dépend de votre interprétation. Si une gifle équivaut à du machisme, alors oui, j’ai pu agir avec machisme. Mais moi aussi, j’ai reçu des gifles, même de femmes ! »
Rosalie van Breemen n’a jamais pris publiquement position sur ce sujet. Cependant, d’autres membres de la famille ont attesté d’actes de violence. En 2022, le fils aîné d’Alain Delon, Anthony, a partagé dans son autobiographie, Entre chien et loup, qu’il avait été frappé pour une simple mauvaise tenue à table à seulement 10 ans.
