La cour de Nuuk, située au Groenland, a rendu sa décision jeudi concernant la prolongation de la détention d’un militant écologiste d’origine américano-canadienne, qui avait été appréhendé le 21 juillet. Sa détention va donc se poursuivre jusqu’au début du mois de septembre, alors qu’il pourrait être envoyé au Japon dans le cadre d’une procédure d’extradition.
Lamya Essemlali, la fondatrice et présidente de l’ONG Sea Shepherd France, a exprimé sa réaction le jeudi 15 août suite à la décision du système judiciaire groenlandais de maintenir Paul Watson en détention. « Le Japon est en train de pourchasser Paul Watson dans un esprit de vengeance », a-t-elle déclaré, alors que le créateur de Sea Shepherd et ardent défenseur des cétacés a été arrêté au Groenland (Danemark) le 21 juillet. Son extradition au Japon est en jeu. En attendant, il est placé en détention provisoire au moins jusqu’au 5 septembre. Ce militant écologiste et antispéciste, originaire du Canada, est sous le coup d’une notice rouge d’Interpol depuis 2012. Le Japon l’accuse d’avoir joué un rôle dans des dommages et des blessures sur un navire baleinier japonais en 2010.
franceinfo : Paul Watson a déclaré aux journalistes présents à la sortie du tribunal de Nuuk, au Groenland, que cette situation pourrait accroître la pression sur le Japon concernant ses activités illégales de chasse à la baleine. Partagez-vous cet optimisme ?
Lamya Essemlali : Ce n’est pas tant un acte d’optimisme qu’une prise de conscience de la réalité actuelle. Le comportement du Japon attire l’attention sur la chasse aux baleines d’une manière qui n’a pas été observée depuis longtemps. Au-delà de la situation de Paul Watson, il est essentiel de noter que le Japon a, durant des années, violé illégalement le sanctuaire international dédié aux baleines et a exterminé de nombreuses baleines, enfreignant ainsi le moratoire international sur le commerce de la viande de baleine. Le Japon agit comme s’il était au-dessus des lois. Le travail de Paul Watson a été de préserver l’intégrité du sanctuaire de l’océan Austral autour de l’Antarctique en 2010. Le fait que le Japon soit à présent à sa poursuite démontre une logique vengeresse clairement établie.
Pourtant, c’est lui qui se trouve sur le banc des accusés et qui rencontre d’importantes difficultés pour se défendre dans cette affaire qui parait complexe…
Cela est tout à fait vrai et cela en dit long sur la dynamique actuelle sur la scène internationale, ainsi que sur l’hypocrisie qui entoure nos accords de conservation des espèces protégées. Cela soulève également des questions sur l’efficacité des dispositifs de protection des animaux et celle des défenseurs de ces causes qui milite pour un avenir durable pour notre planète.
Le déroulement du procès vous a-t-il aussi inquiété ?
Ce qui nous a profondément choqués, c’est l’absence d’interprète durant le procès. C’est, il me semble, un droit fondamental qu’on ne peut négliger. Nous n’avons rien compris à ce qui se disait durant l’audience, notamment le réquisitoire de la procureure. C’est inacceptable. De plus, il est extrêmement dérangeant de constater que le juge n’a pas montré le moindre intérêt aux preuves vidéo présentées par nos avocats, qui démontrent que les Japonais ont manipulé des éléments de preuve pour accuser Paul Watson de faits de violence. Nous sommes en mesure d’établir que ces accusations sont infondées, et le juge n’a pas tenu compte de ces éléments. Nous prévoyons donc de rendre ces preuves accessibles au public, afin d’informer l’opinion sur la situation réelle.
Il vous appartient désormais de mobiliser davantage l’opinion publique ?
Tout à fait, le rôle de l’opinion publique et le soutien des médias sont cruciaux. Nous sommes clairement dans un dossier à caractère politique. Juridiquement, Paul Watson n’aurait même pas dû être détenu ne serait-ce qu’un seul jour. Je tiens à souligner que jusqu’à présent, la France a été le seul pays à s’exprimer clairement à un haut niveau pour exiger la libération de Paul Watson. C’est tout de même choquant que d’autres gouvernements ne prennent pas position, alors qu’ils ont tous adhéré au sanctuaire baleinier en Antarctique et au moratoire international impliquant le commerce de la viande de baleine. Ils ont donc la responsabilité de faire respecter ces interdictions. Paul Watson a agi à leur place ; ils devraient se rassembler pour soutenir sa cause aujourd’hui.
Êtes-vous préoccupée par la perspective d’une extradition pour un procès au Japon, sachant que la justice là-bas est réputée très sévère ?
La situation est bien plus que préoccupante. Paul Watson ne pourra pas espérer bénéficier d’un procès équitable au Japon. Actuellement, nous ne savons pas quand le ministère de la Justice danois prendra une décision concernant son éventuelle extradition. Cependant, il est évident que si Paul Watson est remis aux autorités japonaises, il ne survivra pas à cette expérience, car il n’y aura aucune forme de justice. Ce qu’ils recherchent, ce sont des excuses, et leur recours à la torture est reconnu, comme l’indique la condamnation de leur pays par la Cour européenne des droits de l’homme. À 74 ans, Paul Watson ne pourra pas résister longtemps à des traitements aussi durs. En outre, il ne s’excusera jamais d’avoir sauvé des baleines. Nous redoutons donc sérieusement pour sa vie s’il est condamné à aller là-bas.