Durant toute la saison estivale, nous avons posé des questions à divers professionnels, incluant des employés, des travailleurs indépendants, des agents de l’État et des entrepreneurs, afin de comprendre comment ils perçoivent et utilisent les intelligences artificielles génératives. Quelles sont les manières dont ces technologies influencent leurs méthodes de travail ? Aujourd’hui, c’est au tour de Laura Ghazal, qui exerce en tant que scénariste, de partager son expérience.
À 41 ans, Laura Ghazal se considère comme un véritable couteau suisse. Elle exerce plusieurs métiers liés à l’écriture : scénariste, réalisatrice de courts-métrages, productrice de films publicitaires et animatrice de podcasts. De plus, elle rédige des chroniques humoristiques pour un magazine et a fait ses débuts sur scène avec son premier one-woman-show en 2021. Ses différentes professions tournent toutes autour de l’écriture.
Elle se remémore la première fois qu’elle a utilisé ChatGPT, au début de l’année 2023 : « J’ai demandé à ChatGPT de me proposer cinq idées de scénario, convaincue qu’il ne pourrait rien générer d’intéressant. À ma grande surprise, j’ai découvert que j’avais un co-auteur, avec cinq suggestions, dont quatre étaient peu convaincantes, mais une se démarquait. »
« À ce moment-là, j’ai réalisé que, dans le futur, lorsque les productions chercheraient des idées, elles pourraient ne pas faire appel à moi. Ma première réaction a été la peur qui m’a envahie. »
Laura Ghazalscénariste, réalisatrice de courts-métrages, de films publicitaires et de podcasts audio
Comprendre et utiliser les intelligences artificielles génératives
Laura Ghazal explique qu’elle a réussi à surmonter cette peur en apprenant à utiliser ces intelligences artificielles capables de générer du texte.« Je suis convaincue que ce n’est pas l’intelligence artificielle qui risque de me prendre mon emploi, mais plutôt ceux qui sauront s’en servir. Ainsi, un an et demi plus tard, cet outil fait désormais partie de ma boîte à outils, qui contient de nombreux autres instruments. Je ne fais pas usage de ChatGPT chaque jour, mais c’est une ressource que j’active lorsque je fais face au syndrome de la page blanche. Souvent, quand je sollicite des idées à ChatGPT, je réalise que ce qu’il me propose représente exactement ce que je ne devrais pas suivre. »
« Étant donné que ChatGPT a été formé sur des textes déjà existants, si je reçois une suggestion de sa part, c’est qu’elle existe sûrement quelque part. Cependant, à partir de ces premières idées, d’autres idées peuvent germer. C’est une sorte d’outil de brainstorming. »
Laura Ghazal
Ce qui réconforte Laura Ghazal, c’est qu’actuellement, ChatGPT ne peut pas transmettre des émotions, selon ses dires, et manque d’humour. Elle illustre son propos avec un exemple.
« J’étais pressée de réaliser une chronique humoristique, alors j’ai décidé de copier-coller un échantillon de mon style dans ChatGPT, en lui fournissant mes anciennes chroniques ainsi qu’un sujet précis. Le résultat était si insatisfaisant, tant en termes de ‘punchlines’ que de blagues, que j’ai utilisé cela à mon avantage en disant : ‘Soyez rassurés, cette blague n’est pas de moi, elle vient de ChatGPT.’
« ChatGPT n’a pas d’expérience, il n’est pas humain. Bien qu’il donne une impression d’intelligence, il n’est en réalité qu’une question de mathématiques. Il excelle dans certains domaines et pas encore dans d’autres, ce qui m’arrange ! Comprendre ses forces et ses lacunes me permet d’être crédible face à des productions qui croient que ChatGPT peut tout accomplir, et je peux leur expliquer ce qui est réalisable ou non. »
La scénariste Laura Ghazal
À l’heure actuelle, Laura Ghazal se dit à la fois intriguée et sceptique envers les intelligences artificielles génératives. Elle estime qu’elles ne sont pas encore capables d’écrire des scénarios avec des dialogues pertinents, mais elle se questionne quant à l’avenir, en raison de la rapidité avec laquelle ces outils évoluent.
Pour approfondir ces réflexions, Laura Ghazal a lancé IAtus, un podcast dédié aux intelligences artificielles génératives, en collaboration avec l’expert Gilles Guerraz.