Les responsables de La France insoumise ont évoqué la possibilité de lancer une procédure de destitution à l’encontre du président de la République si Lucie Castets, représentante de la gauche, n’est pas désignée au poste de Premier ministre. Bien que l’aspect légal d’une telle action suscite des interrogations, il apparaît que le manque d’appui de la part des alliés de LFI pourrait compromettre cette option.
Un ultimatum qui pourrait avoir des conséquences ? La mise en garde concernant la destitution d’Emmanuel Macron, jugée « réaliste », a été affirmée par Manuel Bompard, coordinateur de La France insoumise (LFI), lors d’une intervention sur RTL, le lundi 19 août. Si Emmanuel Macron refuse de désigner Lucie Castets, la candidate du Nouveau Front populaire (NFP) pour le poste de Premier ministre, « nous userons des moyens constitutionnels à notre disposition pour vous destituer », a-t-il ajouté. Ce dernier doit s’entretenir avec Emmanuel Macron le 23 août, en compagnie des autres dirigeants du NFP.
« C’est un acte d’avertissement », a précisé le député des Bouches-du-Rhône, soulignant qu’ils préféreraient [qu’Emmanuel Macron] nomme Lucie Castets à la direction du gouvernement ». Il s’agit d’un « avertissement solennel » concernant la « tendance autocratique du président », a ajouté Aurélie Trouvé, une autre membre de LFI, sur TF1 dans la matinée de lundi, alors qu’Alma Dufour, une autre insoumise, a plaidé sur LCI en faveur d’une « menace claire » pour « secouer les choses ».
Le samedi précédent, les responsables de LFI avaient amorcé le débat en publiant un article dans La Tribune Dimanche. Ils exigeaient que le président prenne en compte les résultats des élections législatives qu’il avait lui-même convoquées, en nommant la candidate du bloc de gauche, qui avait remporté le scrutin – bien qu’elle ne dispose pas d’une majorité absolue. À défaut de quoi, ils envisageraient de lancer une procédure de destitution contre lui.
Un processus long et compliqué
Cependant, cette procédure n’est pas gagnée d’avance pour les forces de gauche. « Le président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses obligations manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat », stipule l’article 68 de la Constitution. « Le ‘manquement’ évoqué peut concerner aussi bien la conduite politique que personnelle, tant que les actes aient porté atteinte à la dignité de sa fonction », précise le site Vie publique.
Cette situation s’applique-t-elle dans le cas présent ? « Il est clair que le refus d’accepter le résultat d’une élection législative et le choix de faire abstraction de celui-ci constituent un manquement inacceptable aux exigences fondamentales d’un mandat présidentiel », jugent les dirigeants de LFI dans leur déclaration commune. La réponse de l’Élysée est claire : « Le chef de l’État agit en accord avec son rôle constitutionnel. Sans majorité, il doit consulter les partis politiques pour choisir un Premier ministre. » Cette déclaration a été faite au Monde, affirmant que cette agitation n’est pas en accord avec l’esprit de la République ni avec la lettre de la Constitution.
Pour qu’une procédure de destitution soit engagée, elle doit être demandée par au moins un dixième des députés ou des sénateurs. Les membres signataires doivent ensuite persuader l’Assemblée nationale et le Sénat de s’ériger en Haute Cour, via un vote à la majorité des deux tiers dans chacune des chambres. En cas de succès, la Haute Cour procédant à un vote sur la destitution devra également obtenir une majorité des deux tiers.
Les autres formations de gauche se distancient
Avec 72 députés à l’Assemblée, « nous avons un dixième des voix » et même davantage, a souligné Manuel Bompard, tout en notant que les députés « qui soutiennent le président de la République ne représentent pas un tiers des élus à l’Assemblée. » Néanmoins, au regard des rapports de force dans les deux assemblées, ainsi que des réactions des autres formations à gauche, la proposition de LFI a en vérité peu de chances d’aboutir.
« Peu de personnes en dehors de LFI se sont manifestées pour soutenir cette initiative », a remarqué Marine Tondelier, la dirigeante des Écologistes, lors d’une interview sur 42mag.fr, lundi . Les Écologistes ne « partagent pas » la position de La France insoumise concernant la pertinence de la destitution, a-t-elle souligné. Bien que Marine Tondelier critique « l’obstination » du président, elle perçoit tout de même un « geste positif » de sa part, indiquant qu’Emmanuel Macron a accepté de rencontrer la candidate du NFP et les responsables des partis de la coalition de gauche vendredi dernier. « Il nous invite en premier selon l’ordre protocolaire. Cela indique, d’une certaine façon, qu’il reconnait notre position suite aux législatives. Il était temps ! », a-t-elle commenté.
La suggestion de lancer une procédure de destitution contre Emmanuel Macron « n’engage que » LFI et ne représente pas l’ensemble de l’opposition de gauche au sein du Nouveau Front populaire, a réagi le dirigeant du Parti socialiste, Olivier Faure, sur X dès dimanche, précisant que « face à une nomination d’un Premier ministre qui ne respecterait pas la tradition républicaine, notre réponse devrait être la [motion de] censure. »
Le Parti communiste s’est également distancé, ayant observé auprès de l’AFP que « LFI opte pour se projeter dans une logique présidentielle dès à présent. C’est leur choix. » « Pour nous, cela n’est pas la priorité. Avant de penser à une élection présidentielle, défendons le résultat des législatives », a déclaré le PCF.