Chaque mois d’août, la passion pour le cinéma s’associe couramment à la ville d’Angoulême. Et pour cause, depuis plus de quinze années, cette ville est le théâtre d’un festival de films en langue française. Ce festival a pour objectif de lancer « en français la saison cinéma ». Ainsi, Angoulême devient le rendez-vous incontournable des amoureux du septième art.
C’est un festival qui, à ses 17 ans, marque la rentrée du cinéma français. Fondé en 2008 par Marie-France Brière et Dominique Besnehard, le Festival du film francophone d’Angoulême (FFA) s’enorgueillit d’une programmation riche et d’un public fidèle. Depuis le 27 août, cinéphiles, acteurs, et réalisateurs se retrouvent pour l’édition 2024 du FFA. Les tout nouveaux talents du cinéma français, comme ce fut le cas pour Un P’tit truc en plus ou Le Comte de Monte Christophe, se manifestent peut-être dans des lieux comme le Nil, le Cinéma de la Cité, les salles CGR ou l’espace Franquin où ont lieu les projections. Angoulême attire toujours autant ses spectateurs.
Lors de son inauguration, le festival avait déjà écoulé 3 600 pass de 10 places à 25 euros, soit une petite centaine de plus que l’édition précédente. Agathe, 70 ans, en a acheté trois. Résidente d’Angoulême pendant 23 ans, elle a quitté la ville pour sa retraite mais n’a jamais manqué ce rendez-vous cinéphile qu’elle célèbre chaque été avec son compagnon et ses amis. Céline, elle, vient de Bretagne depuis 2016, séduite par la programmation locale. « C’est pour ce type d’émotion qu’on est là », confie Agathe après la deuxième projection, le mercredi 28 août, du film Barbès, little Alger de Hassan Guerrar, qu’elle a « adoré ». Elle n’a pas hésité à le dire aux créateurs du film présents pour une discussion avec le public à la Cité internationale de la bande dessinée d’Angoulême.
Ce film, réalisé par Hassan Guerrar, comportant Sofiane Zermani (Fianso) dans le rôle de Malek, raconte les semaines de confinement de ce jeune Franco-Algérien qui accueille son neveu dans son appartement parisien. Tissée de joies et de moments plus durs, cette histoire met en lumière la vie d’un quartier où se croisent des gens ayant pour point commun leurs origines algériennes.
Cette chronique des liens familiaux, qu’ils soient de sang ou de cœur, trouve tout son sens au FFA, un festival à « échelle humaine » et à l’ambiance intimiste et familiale, observe Sofiane Zermani. Ému et fier de son « premier premier rôle au cinéma », il partage ce moment avec le réalisateur Hassan Guerrar, autrefois attaché de presse.
« Banc d’essai » de la rentrée cinéma
« Je suis très ému car j’ai été parmi les premiers à fréquenter ce festival. Au début, il n’y avait pas grand monde, mais grâce à la générosité de Dominique et Marie-France, il est devenu un succès. J’ai 57 ans, et je connais Dominique depuis mes 16 ans. Qu’il ait pris ce film sous son aile et qu’on ait ce passé commun me procure fierté et émotion », a confié un participant.
Olivier Henrard, président par intérim du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), a souligné l’importance d’Angoulême pour le cinéma français à la cérémonie d’ouverture. « Depuis 16 ans, ce festival est devenu un moment clé pour la présentation de la création francophone. C’est aussi un banc d’essai pour les films de la rentrée », a-t-il déclaré.
C’est là où les professionnels inquiets viennent tester sur le public les films qui vont sortir dans les prochaines semaines. »
Olivier HenrardCérémonie d’ouverture du Festival d’Angoulême
Sarah Chazelle, cofondatrice de la maison de distribution Jour2Fête, mise en avant cette année, partage cet avis. « C’est un formidable festival de pré-rentrée. Pour nous, professionnels, c’est l’opportunité de montrer nos films à un public large et varié », a-t-elle affirmé.
Le festival qui tombe à pic
Un facteur important pour le succès du FFA réside dans son timing. Il se déroule à la « fin des vacances », comme l’explique malicieusement Marie-France Brière. « Notre but à l’époque était de contrer Deauville qui ne diffusait que des films américains. Nous voulions lancer la saison avec un festival francophone ». Pour elle, le fait que tant de pays parlent français est un atout majeur.
« Marie-France souhaitait vraiment organiser un festival », raconte Dominique Besnehard à Franceinfo Culture. « Je venais de quitter mon métier d’agent et j’étais disponible. J’ai toujours voulu partager ce qu’on m’a donné au cours de ma carrière. Au début, on craignait de ne pas attirer de monde. Dès la première année, les acteurs et les films ont répondu présents. J’avais des amis fidèles. Mais beaucoup hésitaient à cause de notre lien avec Ségolène Royal à l’époque. Une fois ça résolu, le festival a évolué et gagné en importance chaque année ».
Accessible pour un public cinéphile
Et les chiffres parlent : « L’année dernière, on a vendu 58 000 places », annonce Dominique Besnehard. « Cette année, on vise les 70 000 ». Ce dynamisme reflète la bonne santé du cinéma français et, selon Philippe Bouty, président du département de la Charente, des records de fréquentation seront battus à Angoulême. « Cette réussite est notamment due à une programmation de qualité dans nos salles, rurales ou non, rendant cet amour pour le cinéma unique en Charente ».
Le public fidèle du festival, souvent en groupe, illustre cette passion collective. Comme Elise, 17 ans, qui profite de l’évènement avec ses cousines parisiennes. Chez elle, le cinéma est une affaire de famille. « On regarde tous des films différents et on partage nos avis. C’est une fête le FFA et j’adore », dit-elle. Murielle, 67 ans, partage cette tradition avec sa copine Véronique. « Je viens depuis le début. Avant, on faisait des files d’attente de deux à trois heures pour entendre que c’était complet. Aujourd’hui, c’est bien mieux organisé », commente-t-elle avec un grand sourire.
Le festival bénéficie aussi de nouveaux systèmes de réservation, facilitant l’accès à diverses projections. Murielle a par exemple pu voir En tongs aux pieds de l’Himalaya grâce à ce système de cartes en ligne. Elle qualifie ce film d’ « émouvant » et plein d’humour.
Depuis 2011, avec la présentation d’Intouchables, Angoulême a su anticiper les succès nationaux. « À la fin de la projection d’Intouchables en 2011, toute la salle s’était levée pour une standing ovation de dix minutes », se souvient Marie-France Brière. Ce film est par la suite devenu un énorme succès, traversant la barre des 17 millions d’entrées. Le FFA continue de signaler les films qui marcheront, comme ce fut le cas pour La Guerre est déclarée de Valérie Donzelli.
« Nous avons vu l’ampleur du public d’Angoulême dès que nous avons montré « Intouchables »
Marie-France BrièreFranceinfo Culture
Angoulême est décrit comme « un festival populaire de qualité » par Marie Carrot, coordinatrice des équipes et de la programmation. La plupart des spectateurs sont cinéphiles, ce qui distingue nettement le FFA des autres festivals. Le prix des billets, fixé à 2,5 euros grâce au soutien du CNC, est un autre atout. Selon Marie-France Brière, « Sans le soutien financier du CNC, ce tarif ne serait pas possible. Les exploitants de cinéma ont essayé de hausser les prix, mais nous nous sommes battus pour les garder accessibles ».
Là où « les films du milieu » se font une place
« Nous ne voulons pas augmenter les prix, car nous souhaitons garder ce festival populaire et élégant », insiste Dominique Besnehard. Pour lui, le public d’Angoulême reflète les goûts de la France entière. Cet équilibre entre diverses catégories de films – comédies, films d’auteur et films du milieu – permet de prédire quels films plairont au public.
La programmation du FFA résulte d’un mélange d’intuition et d’une collecte minutieuse d’informations. Marie Carrot joue un rôle clé dans la sélection des films. « C’est important d’être déstabilisés par de nouvelles perspectives », explique Besnehard. Le festival repose sur la découverte de jeunes réalisateurs pour refléter notre société et ses préoccupations.
« Le festival respire notre société, nos angoisses »
Dominique BesnehardFranceinfo Culture
Les choix des films reflètent une recherche importante. « Nous regardons énormément de films pour notre sélection. Entre Cannes et début juillet, plus de 100 longs métrages ont été visionnés », déclare Marie-France Brière. « Nous organisons tout pour découvrir de nouveaux talents », ajoute Marie Carrot.
La logique du coup de cœur
Les critères de sélection des films par Besnehard et Brière sont simples : « On aime ou on n’aime pas ». Leur approche du choix des films repose souvent sur le coup de cœur. « Nous n’avons pas de logique précise », affirme Marie Carrot. La diversité de leurs goûts contribue au succès et à la magie d’Angoulême. « Si on ne se renouvelle pas, on stagne », commente Marie-France Brière.
Pour cette 17e édition, la programmation du festival inclut 38 films répartis en sept sections inédites. « Ce qui m’a frappée cette année », confie Marie-France Brière, « c’est la jeunesse de tous les réalisateurs et la forte proportion de réalisatrices dans la compétition ». Le Valois de diamant sera remis par un jury présidé par la comédienne Kristin Scott Thomas.
Liste non exhaustive de la sélection de la 17e édition du FFA
La Compétition
À Bicyclette ! de Mathias Mlekuz
Barbès, little Algérie de Hassan Guerrar
Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles de Lyne Charlebois
L’Effacement de Karim Moussaoui
En tongs au pied de l’Himalaya de John Wax
Lads de Julien Menanteau
Le Procès du chien de Laetitia Dosch
Rabia de Mareike Engelhardt
Une vie rêvée de Morgan Simon
Vingt Dieux de Louise Courvoisier
Les avant-premières
Les Barbares de Julie Delpy (film d’ouverture)
À L’ancienne de Hervé Mimran
À toute allure de Lucas Bernard
Drone de Simon Bouisson
Everybody loves Touda de Nabil Ayouch
Fêlés de Christophe Duthuron
Hôtel Silence de Léa Pool
La Vallée des fous de Xavier Beauvois
Le Choix du pianiste de Jacques Otmezguine
Le Système Victoria de Sylvain Desclous
Magma de Cyprien Vial
Mikado de Baya Kasmi
Nos Belles-soeurs de René Richard Cyr
Prodigieuses de Frédéric et Valentin Potier
Vivre, Mourir, Renaître de Gaël Morel
Sarah Bernhardt, la Divine de Guillaume Nicloux (film de clôture)
Challenger de Varante Soudjian (Méga-séance à Carat)
Ciné & Concerts
En Fanfare d’Emmanuel Courcol
Les Flamboyants
L’Histoire de Souleymane de Boris Lojkine
Le Quatrième mur de David Oelhoffen
Les Enfants de Rodolphe Marconi
Les Premiers rendez-vous
Erratum de Giulio Gallegari (court métrage)
Fario de Lucie Prost
Jus d’orange