Le chef de l’État n’a pas encore annoncé qui remplacera Gabriel Attal à la tête de Matignon. Après la conclusion des Jeux Olympiques, les partis de gauche souhaitent intensifier leurs efforts, nourrissant l’espoir de voir Lucie Castets recevoir la nomination tant attendue.
En politique, l’unité est souvent éphémère. À peine quelques heures après la cérémonie de clôture des JO à Paris, qui s’est tenue le dimanche 11 août, la « trêve olympique » proclamée par Emmanuel Macron a rapidement été mise à mal. Un peu plus d’un mois après le second tour des élections législatives du 7 juillet, le président de la République reste sans Premier ministre. Suite à des résultats décevants aux élections, les députés de la majorité présidentielle ne comptent plus que comme le deuxième groupe de l’Assemblée nationale, derrière les 193 membres du Nouveau Front populaire (NFP).
Des enjeux budgétaires imminent
Cinq semaines après son appel aux partis politiques, la stratégie du président n’a pas abouti et il ne lui reste plus qu’à espérer une ambiance de coopération nationale parmi les acteurs politiques. « Les JO illustrent que la France, lorsqu’elle s’unit, peut accomplir de grandes choses », a-t-il souligné dans un entretien avec L’Equipe publié lundi. « Il y a trois ans, Anne Hidalgo, présidente de la région Île-de-France Valérie Pécresse et moi-même étions des adversaires à l’élection présidentielle. Et pourtant, nous avons collaboré », a-t-il insisté.
Alors que certains dans son entourage espèrent une décision rapide, dès la semaine du 19 août, d’autres estiment qu’il serait sage de prendre un peu plus de temps. « Nous entrons dans une nouvelle ère politique où nous devons apprendre à travailler ensemble », souligne la porte-parole du gouvernement sortant, Prisca Thevenot, sur 42mag.fr. « C’est légitime que cela prenne un certain temps, même si nous sommes habitués à un rythme politique rapide dicté par l’urgence », a-t-elle ajouté, rappelant que « dans d’autres pays européens, comme l’Allemagne ou l’Espagne, la formation de coalitions est un processus long ».
Le président de la République, qui a agi comme « maître des horloges » depuis plusieurs semaines, ne peut toutefois pas laisser la situation perdurer, préviennent certains de ses proches. Le futur gouvernement devra rapidement se pencher sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, à présenter avant le 1er octobre, tout en soumettant à la Commission européenne, avant le 20 septembre, un plan suite à l’ouverture d’une procédure pour déficit public excessif.
« Nous ne devons pas faire traîner les choses, ce serait incompréhensible pour les Français », estime le sénateur macroniste François Patriat dans le Parisien mardi. « Chaque jour où l’on cherche un accord entre les partis est une occasion perdue », ajoute le leader du MoDem, François Bayrou, dans une déclaration auprès du Monde. Le maire de Pau appelle à la création d’un gouvernement « représentatif des diverses nuances de l’Assemblée ».
La gauche maintient la pression
Dans ce jeu d’attente à l’Elysée, la gauche espère toujours voir Lucie Castets accéder à Matignon. La fonctionnaire de 37 ans a même adressé lundi une lettre à tous les députés, « sauf au Rassemblement national », précise son équipe à 42mag.fr, pour exposer les priorités de son éventuel mandat. Ce geste vise à démontrer qu’« une fois la parenthèse des JO refermée », l’économiste « se met au travail pour élaborer un plan qui répond aux urgences », ajoute la même source.
Lucie Castets, dont le nom a su rassembler les quatre branches du NFP, notamment le PS et La France insoumise, bénéficie du soutien de plusieurs élus de gauche. Des députés comme Alexis Corbière ont même exigé qu’Emmanuel Macron nomme Lucie Castets, arguant que « il n’a plus le prétexte » des JO, comme il l’a mentionné lundi sur le réseau social X. « Emmanuel Macron est contraint, nous vivons une situation de cohabitation inédite », juge le député Génération.s Benjamin Lucas. Le porte-parole du groupe écologiste à l’Assemblée soutient que la gauche est en position légitime pour former un nouveau gouvernement.
« Dans un contexte de confusion politique, face à une situation sans précédent, il est crucial de respecter certains principes : c’est la force arrivée en tête qui doit former un gouvernement et s’efforcer, texte après texte, de créer des majorités. »
Benjamin Lucas, député écologisteà 42mag.fr
Alors que le président semble inflexible quant à sa position affirmant qu’aucune majorité ne se dessine, la gauche apparaît limitée dans ses capacités à maintenir la pression. Lucie Castets prépare plusieurs interventions médiatiques dans les jours à venir et participera aux universités d’été des principales composantes du NFP.
Appel à un « pacte d’action » et possibilité de censure
Alors que la reprise parlementaire est prévue pour septembre (au plus tard le 1er octobre), les élus de gauche comptent sur les réseaux sociaux et les médias pour « maintenir la pression et refuser à Emmanuel Macron le droit de choisir un Premier ministre comme s’il disposait d’une majorité absolue », avertit Benjamin Lucas. Certains, comme la députée LFI Gabrielle Cathala, n’hésitent pas à traiter le président de « d’autocrate » sur X. Toutefois, le cercle de Lucie Castets évite d’employer ce terme, durant qu’ils soulignent que « si Emmanuel Macron persiste à ignorer la situation, cela soulèvera la question du respect du vote citoyen ».
Les macronistes rejettent cet argument en rappelant que, selon la Constitution, le président est le seul habilité à désigner le nouveau Premier ministre. « Respecter le vote, c’est l’écouter et le comprendre répond Prisca Thevenot. « Aucune force n’a gagné cette élection, il y a trois blocs à l’Assemblée et aucun n’a la majorité. À présent, il faut bâtir des alliances politiques pour avancer. » De son côté, la droite, par la voix de Laurent Wauquiez, a suggéré un « pacte législatif » à la majorité présidentielle en juillet. Cependant, même unissant leurs forces, les deux groupes resteront éloignés d’une majorité absolue à l’Assemblée.
Conscient de cette réalité, le Premier ministre démissionnaire, Gabriel Attal, a adressé mardi un courrier aux leaders de différentes forces politiques, excepté le RN et LFI, proposant un « pacte d’action » axé sur quelques mesures essentielles. Le nouveau chef du groupe Renaissance à l’Assemblée a ouvert la voie à une collaboration tout en précisant qu’il n’était pas question de « gommer nos différences et désaccords », mais de « les dépasser ». Cette demande est également soutenue depuis longtemps par Edouard Philippe et son groupe Horizons. Cependant, cette proposition a peu de chances de succès.
Sans la perspective d’une coalition, le futur Premier ministre risque rapidement de faire face à une motion de censure de la majorité des députés. « Nous devrons explorer tous les leviers légaux à notre disposition, estime Benjamin Lucas. Dans une démocratie mature, la question de la destitution du président devrait être soulevée, car il entrave les institutions au profit d’un pouvoir personnel ».