Chaque jour, une célébrité rejoint l’univers d’Élodie Suigo. Ce vendredi 20 septembre 2024, l’invitée est Agnès Jaoui, connue pour ses multiples talents de comédienne, réalisatrice, écrivaine et chanteuse. Actuellement, elle vient de sortir son nouveau livre intitulé « La taille de nos seins » chez les éditions Grasset. En parallèle, elle propose également un nouvel album nommé « Attendre que le soleil revienne ». En plus de ces projets, elle joue un rôle important dans le dernier film de Sophie Fillières intitulé « Ma vie Ma gueule ».
Les multiples talents d’Agnès Jaoui
Agnès Jaoui fait partie de ces personnes qui aiment explorer différentes disciplines avec passion, minutie et une grande détermination. En tant qu’actrice, elle nous a impressionnés dans des rôles marquants, notamment en 1997 dans On connaît la chanson, performance qui lui a valu le César de la meilleure actrice dans un second rôle. Son influence s’étend également à la réalisation, avec des œuvres comme Le goût des autres, coécrit avec Jean-Pierre Bacri en 2000, et récompensé par le César du meilleur film. De nos jours, elle ajoute deux nouvelles cordes à son arc : celle de chanteuse et d’écrivaine. Son livre, illustré par Cécile Partouche, La taille de nos seins, est sorti chez Grasset, accompagné de son premier album en français, Attendre que le soleil revienne. Par ailleurs, un film intitulé Ma vie, ma gueule, réalisé par Sophie Fillières, est sorti mercredi dernier.
42mag.fr : Ces créations gravitent autour de trois thèmes : les femmes, la vie et les rapports humains.
Agnès Jaoui : Pour moi, les relations humaines sont au cœur de la vie et sont une source majeure d’inspiration. Souvent, lorsque quelqu’un me dit : « Mais vous faites des films sur les relations humaines« , je me demande sur quoi d’autre on pourrait faire des films. Certes, on pourrait parler de la beauté de la nature ou des animaux, mais ce qui me passionne véritablement, ce sont les relations humaines, et cela reste un sujet central pour moi.
Un autre aspect marquant est le lâcher prise. On sent que vous vous êtes entièrement dévoilée dans vos œuvres. Avez-vous trouvé difficile de lâcher prise ?
Oui, cela a pris du temps. La question de la légitimité m’a souvent contrariée, car j’observe que ce sont souvent les femmes qui se sentent illégitimes. Je me disais souvent : « Non, je ne peux pas faire ça en plus. » Même pour le chant classique, je n’en parlais à personne, même si je donnais des concerts sous un pseudonyme. Je m’excusais un peu d’avoir toutes ces passions, mais je m’excuse un peu moins maintenant. Néanmoins, c’est toujours compliqué de savoir jusqu’où on peut se dévoiler, car je tiens à conserver ma liberté.
Dans votre album, votre livre et le film, les femmes ne vont pas bien au début, mais elles finissent par aller mieux. Votre travail met en avant une forme de résilience.
Je trouve que beaucoup de gens, notamment les Français et surtout les Parisiens, ont tendance à se plaindre continuellement. Il y a une sorte de course aux nouvelles les plus catastrophiques.
« Évidemment que le monde ne va pas bien et que beaucoup de choses vont de travers, mais passer son énergie à le constater et à en rajouter, cela ne me semble pas constructif. »
Agnès Jaouià 42mag.fr
Vous faites également un clin d’œil à votre mère dans le livre. Vous mentionnez qu’elle n’a jamais pris de décisions importantes lorsqu’elle était avec votre père, jusqu’au moment où elle a décidé de le quitter. Est-ce un hommage que vous rendez aux femmes en leur conseillant de ne pas subir leur vie ?
Absolument. Et j’encourage aussi les jeunes filles à ne pas trop se focaliser sur l’idée du prince charmant, qui est ancrée dans beaucoup d’esprits, y compris le mien. Ne misez pas trop sur la beauté physique ou d’autres critères superficielles. Cultivez ce qui vous rendra indépendantes et libres, ce qui restera au-delà de vos 35, 45, même 15 ans, car certaines personnes ne vous considèrent comme « consommables » que très jeunes. Faites très attention à vos rêves, car certains peuvent être nuisibles et ne vous apporter que du mal.
Vous allez encore plus loin dans votre livre. Vous partagez un secret que vous avez gardé longtemps : un de vos oncles vous a emmenée derrière une colline et vous a demandé de vous déshabiller. Pendant longtemps, vous avez pensé que c’était une histoire d’amour. Votre livre cherche-t-il à mettre des mots pour aider les autres ?
Oui, j’ai essayé de me protéger en croyant que c’était une histoire d’amour. Je pense que beaucoup de gens ont été dans cette situation. À cet âge, on est souvent très ambivalents. J’avais 11 ans la première fois, mais l’attention d’un adulte vous fait vous sentir spéciale. J’étais jeune et naïve. Je croyais avoir quelque chose de spécial, ce à quoi je rêvais, et cela m’a piégée.
« Le travail artistique des autres m’a toujours réconfortée, apporté du bien et, parfois, sauvé la vie. »
Agnès Jaouià 42mag.fr
Si je peux en retourner ne serait-ce qu’une petite partie, c’est cela qui me touche le plus, ce qui m’émeut le plus.
Pourriez-vous nous parler de la chanson Un taxi pour La Marsa, ce duo remarquable ?
C’est une chanson partagée avec Nawel Ben Kraiem. Elle évoque des trajets que je fais souvent. J’adore deviner d’où viennent les accents, et quand il s’agit de Tunis, particulièrement de La Marsa ou de La Goulette où vivait mon grand-père, je le reconnais instantanément et nous engageons la conversation. Je pense qu’il est important de parler de musulmans et de juifs qui cohabitent pacifiquement, malgré leurs différences religieuses. Comme je le mentionne dans la chanson, malgré les atrocités en Israël et en Palestine, nous avons beaucoup de choses en commun, notamment les juifs du Maghreb. C’était un sujet que je voulais aborder.