Durant toute la semaine, six prévenus, âgés entre 26 et 43 ans, ont été longuement interrogés au sujet des accusations portées contre eux. Chacun d’eux a présenté une version cohérente avec celle des autres, affirmant qu’ils étaient convaincus de se rendre chez les Pelicot pour participer à une « rencontre échangiste à trois ».
Jeudi 26 septembre marque la fin de la quatrième semaine de procès pour les viols de Mazan. Depuis lundi, six accusés ont été entendus. Comme la majorité des 51 personnes jugées dans ce procès tentaculaire, Husamettin D., Mathieu D., Joan K., Andy R. et Fabien S. sont accusés de « viols aggravés ». Toutefois, Hugues M., un cas particulier dans cette affaire, est poursuivi pour « tentatives de viol ». Tous risquent jusqu’à vingt ans de prison.
À la cour criminelle du Vaucluse, ces six hommes ont présenté des versions similaires de l’événement, affirmant qu’ils pensaient se rendre chez Dominique et Gisèle Pelicot pour une soirée impliquant des échanges sexuels, selon les termes d’Hugues M. Ce qui était perçu comme une invitation s’est en fait révélé être un cauchemar pour la victime, droguée par son mari. Lorsque la question du consentement a été abordée, il est apparu que chacun d’eux avait une compréhension très vague ou nulle de la notion.
« Je ne peux pas nier que c’est un viol »
Andy R., alors âgé de 31 ans, a déclaré n’avoir « pas été au courant » des agissements lorsqu’il est allé à Mazan le 31 décembre 2018. Cet ouvrier agricole de Carpentras, qui n’avait « rien d’autre à faire ce soir-là », car ignoré par ses frères pour le Nouvel An, a ironisé devant la cour criminelle du Vaucluse, déclarant qu’il était « l’évité, pas l’invité ». Alcoolique depuis son adolescence et consommateur régulier de cocaïne, il avait trouvé la proposition de Dominique Pelicot sur le site Coco.fr attrayante et l’avait interprétée comme un « délire de couple ». Stéphane Babonneau, l’avocat de Gisèle Pelicot, lui a rappelé qu’il aurait pu rebrousser chemin en découvrant que la victime « ronflait ». Cependant, Andy R., marié et père de deux enfants, n’a pas jugé nécessaire d’arrêter, car il avait reçu « la permission » du mari.
« Pour moi, elle était d’accord. »
Andy R.devant la cour criminelle du Vaucluse
Mathieu D., impliqué dans plusieurs actes de pénétrations sur la victime inconsciente, selon 16 vidéos retrouvées sur le disque dur de Dominique Pelicot, partage le même sentiment. Cet ex-boulanger de 53 ans a interprété la demande de Dominique pour une photo de son visage comme une approbation de la part de Gisèle. Finalement, il a reconnu la vérité : « Je ne peux pas nier que c’est un viol ». Mathieu D. est l’un des 14 accusés ayant reconnu les faits.
« Est-ce qu’un mari peut consentir à la place de sa femme ? »
Pour Joan K., l’avis de Gisèle Pelicot n’a jamais semblé être une préoccupation. Ce militaire, âgé de 22 ans lors de sa première visite chez les Pelicot en novembre 2019, puis de nouveau en janvier 2020, n’a jamais envisagé de vérifier le consentement de Gisèle.
« Je ne me suis pas posé la question une seule fois »
Joan K.devant la cour criminelle du Vaucluse
Le président de la cour, Roger Arata, a tenté de creuser davantage : « Quand vous avez eu des relations dans le cadre normal, avez-vous respecté les volontés de votre partenaire ? » Joan K. a répondu par l’affirmative, bien que l’expert-psychiatre le décrive comme « une personnalité immature, anxieuse et dépressive ». Étant issu d’un milieu défavorisé avec trois frères décédés jeune, Joan K. a finalement admis : « Logiquement non », lorsqu’on lui a demandé si un mari pouvait consentir pour sa femme.
« Vous savez que le consentement peut être retiré au cours de l’acte sexuel ? »
Antoine Camus, avocat de la partie civiledevant la cour criminelle du Vaucluse
Il a admis faiblement : « C’est possible, oui », précisant qu’il avait appris ce concept en prison grâce à une psychologue.
« On dirait que ta femme est morte »
Le témoignage d’Husamettin D., 43 ans, a été plus bavard mais pas plus éclairé en matière de consentement. Il a raconté que Dominique Pelicot l’avait contacté avant sa visite pour lui assurer que sa femme était consentante pour une soirée échangiste. Cependant, Husamettin n’a pas jugé bon de vérifier cela auprès de Gisèle.
« On dirait que ta femme est morte ! »
Husamettin D.devant la cour criminelle du Vaucluse
Malgré les signes évidents du contraire, Dominique Pelicot l’a rassuré en lui disant : « Tu te fais des films », avant de lui-même la pénétrer. Sur les nombreuses images retrouvées, plusieurs montrent Husamettin D’imposant des fellations à la victime inerte.
« Qui donne l’accord ? C’est monsieur ou madame ? »
Roger Arata, président de la cour criminelle du Vaucluseau procès des viols de Mazan
Husamettin a tenté de se défendre en affirmant : « Je n’ai pas été loin à l’école, je ne savais pas ce que ‘à son insu’ voulait dire ». Et d’ajouter, indigné : « On me traite de violeur, mais je ne suis pas un violeur ! C’est trop lourd à porter pour moi. »
« Ce que vous décrivez, c’est un viol par surprise »
Hugues M., âgé de 39 ans et adepte du libertinage, semble plus tranquille. Bien qu’il n’ait pas imposé de pénétrations à Gisèle Pelicot, n’ayant pas eu d’érection la nuit des faits en octobre 2019, il a tout de même été filmé en train d’essayer à plusieurs reprises. Il a expliqué ceci par une atmosphère inhabituellement froide.
« Donc c’est l’ambiance qui fait l’absence d’érection ? Pas le fait que cette dame dormait la bouche ouverte ? »
un assesseurdevant la cour criminelle du Vaucluse
Hugues M. a admis qu’il avait parfois pénétré ses compagnes dans leur sommeil, en prétendant qu’elles lui en avaient donné la permission. Antoine Camus, avocat de la partie civile, a alors souligné : « Le scénario que vous décrivez là, c’est un viol par surprise ».
Son ancienne compagne, Emilie O., a rappelé une nuit en 2019 où elle s’était réveillée dans une situation similaire. Hugues M. avait prétexté ne pas s’en être rendu compte, disant qu’il était en train de rêver. Interrogée par les enquêteurs, Emilie O. s’est souvenu d’avoir ressenti des vertiges entre septembre 2019 et mars 2020. Sa plainte, faute de preuves matérielles, a été classée sans suite. Cependant, elle vit avec le doute d’avoir elle-même été victime du procédé de soumission chimique utilisé par Dominique Pelicot.