Le 28 septembre 1934 marquait la naissance de Brigitte Bardot. Qu’est-il advenu des icônes de cette époque ? Quelles figures captivent aujourd’hui notre société ? Exploration avec le sociologue Jean Viard.
Aujourd’hui marque le 90e anniversaire de Brigitte Bardot. Actrice légendaire et icône incontestée, elle est également devenue une figure mythique à l’échelle mondiale avant de se consacrer à la défense des animaux. 42mag.fr a sollicité l’avis du sociologue Jean Viard pour comprendre l’importance, au sein de notre société, de telles figures starifiées, souvent perçues comme inaccessibles et presque intouchables dans notre imaginaire collectif.
Pourquoi avons-nous besoin d’idoles, de stars, d’icônes ?
42mag.fr : On se demande de nos jours qui sont les nouvelles figures emblématiques, comme Bardot l’a été dans les années 60. Tout d’abord, pourquoi ressentons-nous le besoin de ces icônes, de ces étoiles dignes d’admiration ?
Jean Viard : Depuis toujours, les sociétés ont créé des images, que ce soient les statues des îles grecques, la Vierge ou les saints. Les protestants eux-mêmes avaient leurs propres représentations. Mais pourquoi avons-nous besoin de ces images ? Fondamentalement, c’est une manière de s’identifier. Durant la jeunesse, on se construit en connaissant ses parents, puis on élargit son cercle d’influence en s’identifiant peut-être à un chanteur, une personnalité politique, etc. Ces influences varient selon les époques, permettant ainsi de découvrir et d’affirmer ses valeurs et son esthétique.
C’est un lien avec le monde qui se construit, et ce qui est remarquable avec Brigitte Bardot, c’est qu’avec son rôle dans Et Dieu… créa la femme en 1956, elle a initié un mouvement de libération féminine. Elle a montré que les femmes ont autant de désirs sexuels et de positions à défendre que les hommes. C’était un acte de libération extraordinaire, deux ans avant que de Gaulle ne revienne au pouvoir, dans une Cinquième République qui n’était pas particulièrement avant-gardiste sur le plan culturel, et douze ans avant les événements de 1968.
Les époques changent, et avec elles, les modes de représentation. Le cinéma d’après-guerre a été une révolution, notamment avec l’avènement des films en couleur. Les acteurs et actrices de cette époque sont devenus des icônes. Aujourd’hui, ce phénomène est différent. Les icônes de notre époque incluent certainement les influenceurs et les sportifs…
Les influenceurs : nouvelles icônes de notre temps
Les influenceurs, qui aujourd’hui peuvent lancer des tendances. Ont-ils un impact sur la société aussi fort que les idoles des cinémas ou les sportifs ?
Je ne pense pas que l’impact soit différent. Les images ont toujours été nécessaires. Elles servent à se motiver, à défendre des valeurs. Par exemple, regardez les figures que nous célébrons au Panthéon ; chaque société a ses propres icônes. Aux États-Unis, ce sont les Pères fondateurs, immortalisés sur une montagne. En France, nous avons des figures intemporelles comme Louis XIV, Napoléon, de Gaulle, et Jeanne d’Arc.
Nous ajoutons également de nouvelles icônes avec le temps, comme Brigitte Bardot, et aujourd’hui, ce sont les influenceurs, les grands artistes et groupes musicaux, comme les Beatles qui ont eu un impact culturel immense. C’est une manière de défendre des valeurs et de faire évoluer la société. Chaque génération se construit souvent en opposition à la précédente ; votre mère adorait peut-être Brigitte Bardot, vous préférez peut-être une influenceuse d’aujourd’hui.
Mass médias et célébrité : une redéfinition du succès
Est-ce que les médias de masse n’ont finalement pas à la fois démythifié les idoles et permis à n’importe qui de devenir célèbre ?
Si, ils ont démultiplié les canaux d’accès à la célébrité. Autrefois, Bernard Pivot pouvait faire vendre énormément de livres grâce à son émission. Aujourd’hui, même avec une émission littéraire de renom, un succès se chiffrerait à quelques centaines de milliers d’exemplaires, tout au plus.
Et qu’en est-il de TikTok aujourd’hui ?
Exactement, notre société est aujourd’hui beaucoup plus diversifiée et je trouve cela extrêmement positif. Nous trouvons des gens très différents, de cultures et de religions variées, de la ville ou de la campagne. Cette diversité est une richesse. La question demeure de savoir comment rassembler cette mosaïque de cultures en une société nationale cohérente.
Cette diversité fait le charme des sociétés modernes, mais il est parfois nécessaire de les rassembler autour de grands événements. Les Jeux Olympiques, par exemple, offrent un souffle de cohésion nationale qui, bien que temporaire, permet à cette diversité de se manifester de manière collective. C’est ce que l’on appelle « faire nation ».