Le dépôt du projet de loi des finances pour l’année prochaine est requis au Parlement avant le 1er octobre. Cependant, il semble improbable de respecter cette échéance, surtout qu’un nouveau Premier ministre n’a toujours pas été nommé.
Environ deux mois après les élections législatives, la France est toujours sans nouveau Premier ministre ni budget pour l’année prochaine. Le calendrier habituel pour l’élaboration du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 est dramatiquement chamboulé par l’instabilité politique. Tandis qu’Emmanuel Macron tarde à désigner le successeur de Gabriel Attal, les rumeurs persistent et, à compter du mardi 3 septembre, les délais légaux deviennent de plus en plus serrés pour le prochain exécutif.
Le gouvernement sortant dirigé par Gabriel Attal s’est efforcé de baliser le terrain afin de garantir que l’État aura les moyens financiers nécessaires dès le 1er janvier. Le ministère des Finances a élaboré un budget prévisionnel et, avec une semaine de retard sur le calendrier traditionnel, a envoyé des lettres plafonds le 20 août, établissant les crédits alloués à chaque ministère.
Néanmoins, une autre étape cruciale manque à l’appel : l’envoi aux parlementaires « d’un rapport spécifiant les plafonds de crédits envisagés pour chaque mission du budget général », qui devrait normalement avoir lieu le 15 juillet, d’après l’Assemblée nationale. Ce retard a incité les députés Eric Coquerel (LFI) et Charles de Courson (Liot), président et rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée, à demander des documents synthétiques sur le budget en cours de préparation. La commission des finances doit se réunir pour la première fois mercredi, mais elle n’a, pour l’instant, aucune base de travail.
Pour Matignon, le PLF peut attendre « jusqu’à la mi-octobre »
Bien que le ministre du Budget, Thomas Cazenave, ait répondu favorablement aux sollicitations des députés, c’est au futur gouvernement qu’incombera la responsabilité de discuter avec les parlementaires. Une fois nommé, le nouvel exécutif disposera de très peu de temps pour finaliser le budget. Conformément à la loi, le PLF doit être déposé au Parlement « au plus tard le premier mardi d’octobre de l’année précédant celle de la mise en œuvre du budget », soit cette année le 1er octobre. La loi doit ensuite être adoptée par l’Assemblée et le Sénat et publiée avant le 1er janvier. Toutefois, le projet de loi est un document volumineux – 416 pages pour la version de 2024 – et nécessite la contribution de tous les ministères, ce qui requiert un temps considérable pour être élaboré.
La situation pourrait donc devenir très critique pour le futur gouvernement, qui pourrait se demander s’il sera autorisé à déposer le PLF plus tard. Selon Matignon, confirmant des informations du Monde, le Secrétariat général du gouvernement a examiné la légalité de cette possibilité. Toutefois, il est précisé que « seul le prochain gouvernement (…) arbitrera et déposera le budget 2025 ». Matignon ajoute que « la Constitution prévoit un examen de 70 jours du PLF par le Parlement », ce qui permettrait « théoriquement au prochain gouvernement, s’il le souhaite, de déposer le budget jusqu’à la mi-octobre au Parlement ».
En 1962, un retard sans conséquences
Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste et maîtresse de conférences en droit public à l’université de Rouen, n’est pas de cet avis. Elle explique à franceinfo que « l’article 47 de la Constitution renvoie à la loi organique relative aux lois de finances, et c’est donc cette loi qu’il faut consulter ». Selon elle, cette loi « ne prévoit pas explicitement le cas d’un retard dans la présentation ». Les parlementaires pourraient donc saisir le Conseil constitutionnel s’ils estiment que le gouvernement manque à ses obligations légales.
En juillet 2001, les Sages du Conseil constitutionnel avaient déjà eu à se prononcer sur un délai non respecté par le gouvernement au sujet d’un texte budgétaire. Ils avaient estimé que « si un retard devait intervenir, celui-ci devrait être examiné au regard du ‘principe de continuité de la nation' », ce qui, selon Anne-Charlène Bezzina, signifie qu’à moins d’une opposition forte et si cela ne perturbe pas le fonctionnement de l’État, le retard peut être toléré.
Le seul précédent en matière de retard depuis le début de la Ve République remonte à 1962, lorsque le projet de loi de finances avait été présenté et voté en retard. Anne-Charlène Bezzina note que « le budget n’avait été présenté qu’en novembre. La France venait de connaître une dissolution et un référendum orchestrés par le Général de Gaulle ». Le budget a finalement été adopté en février, sans causer de perturbations significatives.