Près de huit semaines se sont écoulées depuis le second tour des élections législatives, et Emmanuel Macron n’a toujours pas désigné de Premier ministre. La tâche s’avère complexe, car il est ardu de sélectionner une personne qui ne serait pas rapidement contestée par les principales formations politiques au sein de l’Assemblée nationale.
Offre d’emploi : un Premier ministre recherché par le Président de la République
On pourrait résumer la situation en ces termes : « Président de la République cherche Premier ministre ». Le candidat ou la candidate idéale serait une personne qui ne se verrait pas congédiée après quelques jours, qui serait en phase avec le chef de l’État et qui émane néanmoins une ambiance de « cohabitation », comme l’a expliqué à franceinfo Prisca Thevenot, porte-parole du gouvernement sortant. Ce genre de profil est particulièrement rare, ce qui explique en partie pourquoi, près de deux mois après le second tour des élections législatives, Emmanuel Macron n’a toujours pas officiellement nommé de successeur à Gabriel Attal.
Responsable de la dissolution de l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron s’est placé au centre des négociations pour trouver une solution à Matignon. Cette recherche est d’autant plus difficile que les divers partis posent de nombreuses conditions strictes et des exigences spécifiques pour toute éventuelle participation à une coalition gouvernementale.
Chaque parti reste fermement attaché à son programme, rendant tout compromis quasi impossible. L’Assemblée nationale semble plus que jamais fracturée en trois blocs qu’il paraît impossible de concilier. Franceinfo fait le point sur les demandes de chaque camp.
Le NFP privilégie Lucie Castets
La France insoumise (LFI) a refusé de rencontrer à nouveau le président de la République cette semaine. Leur position n’a pas changé : ils exigent toujours que Lucie Castets, candidate du NFP (Nouveau Front populaire), soit nommée Premier ministre, sous peine de voter une motion de censure contre tout autre candidat. Aucune concession ne semble possible pour LFI. « Si Emmanuel Macron pouvait se nommer lui-même et cohabiter avec lui-même, il le ferait », a ironisé Mathilde Panot, cheffe de file des députés LFI.
Les Écologistes ont, quant à eux, rencontré Emmanuel Macron mardi. À la sortie de cette discussion, Marine Tondelier, secrétaire nationale, a fait part de ses inquiétudes : « Il semble vouloir s’appuyer sur la droite avec le soutien tacite du Rassemblement national. » Les Écologistes ont eux aussi maintenu qu’ils censureront tout Premier ministre autre que Lucie Castets. « Bernard Cazeneuve ne semble pas soutenir le Nouveau Front populaire, donc ce n’est pas un Premier ministre adapté », a-t-elle déclaré sur France 2.
Le Parti communiste montre plus de souplesse concernant l’identité du Premier ministre, mais reste inflexible sur les points essentiels du programme. « Nous sommes ouverts au compromis et au dialogue », a affirmé le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, qui a également échangé mardi avec l’Élysée. « Peu importe le nom [du Premier ministre], nous exigeons l’annulation ou un moratoire de la réforme des retraites, une augmentation des salaires et un budget accru pour les services publics. »
Le Parti socialiste, dont le soutien est crucial pour toute coalition, a refusé l’idée de nommer Xavier Bertrand tout en n’accordant qu’un soutien mitigé à Bernard Cazeneuve. Le bureau national du PS a rejeté une proposition de ne pas censurer un gouvernement conduit par l’ancien Premier ministre de François Hollande. « Nous continuons de demander au président de la République de respecter le verdict des urnes et de nommer Lucie Castets comme Première ministre », stipule un communiqué du parti. « Ce serait une anomalie de choisir Bernard Cazeneuve, le seul homme de gauche qui s’est opposé au Front populaire », a ajouté Olivier Faure sur TF1. Le PS réclame une « négociation entre formations politiques (…) pour établir un programme gouvernemental solide », demandant au futur Premier ministre de s’engager sur dix points, dont une « augmentation significative du SMIC » et l’abrogation de la réforme des retraites et de la loi sur l’immigration.
Le camp présidentiel oppose un véto au NFP
Renaissance, le parti d’Emmanuel Macron, a annoncé qu’il censurera tout gouvernement issu du Nouveau Front populaire, même si des ministres LFI n’en font pas partie. Gabriel Attal, Premier ministre sortant et chef de file des députés Ensemble pour la République, critique le programme du NFP qui, selon lui, « mettrait la France à genoux ». Le camp présidentiel se montre toutefois ouvert à un Premier ministre issu de la gauche modérée ou de la droite, à condition qu’il soit en dehors de leur propre rang.
Le MoDem, en accord avec Renaissance, soutient également cette ligne. François Bayrou considère que l’opposition à un gouvernement NFP est justifiée « principalement en raison du programme », qu’il qualifie de « dangereux pour le pays », comme il l’a exprimé sur LCI. « Il n’y a pas de place pour les consultations et les accords, étant donné que le NFP affirme : ‘tout notre programme, rien que notre programme' », plaide le chef du MoDem, qui prône la nomination d’un profil politique à Matignon plutôt qu’un gouvernement technique.
Horizons, le parti d’Édouard Philippe, nouvellement candidat à la présidentielle, ne dévie pas de cette position. Le chef des députés Horizons, Laurent Marcangeli, dans une interview au Figaro, estime que le programme du NFP « provoquerait une crise s’il était mis en œuvre ». « Nous nous y opposerons avec tous les moyens constitutionnels à notre disposition », prévient-il, suggérant notamment le recours à une motion de censure.
Les Républicains soutiennent Xavier Bertrand
Les Républicains ont, depuis plusieurs semaines, déclaré leur intention de déposer « immédiatement une motion de censure » contre tout gouvernement comprenant des membres de LFI, selon Laurent Wauquiez, chef de file des députés LR, après son entretien avec Emmanuel Macron.
Initialement, Les Républicains refusait toute participation gouvernementale. Cependant, ils ont finalement envisagé la possibilité d’une administration dirigée par Xavier Bertrand avec la participation de deux membres des LR. Les Républicains posent néanmoins deux conditions : qu’Emmanuel Macron garantisse la stabilité d’un tel gouvernement et que Xavier Bertrand ait la latitude nécessaire pour mettre en œuvre le pacte législatif proposé par Laurent Wauquiez.
Le RN préconise un gouvernement technique
Le Rassemblement national se montre clair : il se réserve le droit de censurer tout gouvernement, comme l’a rapidement assuré Marine Le Pen. Le RN « censurera tout gouvernement comprenant des ministres LFI ou écologistes », a-t-elle affirmé. Le parti d’extrême droite, ainsi que son allié À droite (le groupe d’Éric Ciotti), prévoit également de censurer tout gouvernement dirigé par Xavier Bertrand ou Bernard Cazeneuve. « Le président se trompe en recevant des anciens qui ont échoué », a commenté Sébastien Chenu, vice-président du RN, sur franceinfo.
Le RN est cependant favorable à un gouvernement technique qui gérerait les affaires courantes tout en visant à instaurer la proportionnelle aux élections législatives, selon franceinfo.