Un grand nombre de sympathisants de gauche ont réagi à une sollicitation de 42mag.fr, en exprimant leur perplexité suite à la nomination, jeudi dernier, d’une personnalité emblématique des Républicains en tant que Premier ministre. Plusieurs d’entre eux ressentent le sentiment d’avoir « été dépossédés » du résultat des élections législatives.
« Je crois qu’on nous a escamoté une victoire », fulmine Christophe, un Normand de 66 ans, militant socialiste. À l’instar de nombreux autres citoyens, il a réagi à l’appel à témoignages de 42mag.fr, après la nomination de Michel Barnier à Matignon le jeudi 5 septembre. Tandis que certains lecteurs saluent le choix d’une personnalité « consensuelle », comme le dit Vincent, et dotée d’une « grande expérience », comme le précise Michel, un grand nombre de témoignages en provenance des soutiens du Nouveau Front populaire (NFP) témoignent de leur colère. Ce mécontentement est corroboré par un sondage Elabe pour BFMTV publié vendredi, selon lequel trois Français sur quatre pensent qu’Emmanuel Macron n’a pas pris en considération les résultats des élections législatives.
« Personne n’a réellement gagné, mais certains ont moins perdu que d’autres et étant donné que le NFP a le plus grand nombre de députés, la tradition républicaine voulait qu’on choisisse au sein du groupe vainqueur », poursuit Christophe, un retraité de l’Éducation nationale, exprimant son « désarroi ». Beaucoup estiment qu’Emmanuel Macron n’a pas respecté le front républicain en choisissant l’ancien ministre RPR (le prédécesseur de LR) et en demandant l’avis de Marine Le Pen pour le choix de son Premier ministre. « Aujourd’hui, la barrière républicaine est clairement tombée », déclare Emmanuel, 38 ans, sympathisant LFI de Rennes. « Notre jeunesse s’est mobilisée pour voter. Et au final, on passe d’un jeune Premier ministre à un vieux monsieur qui n’est compris par personne. Le signal est catastrophique », ajoute-t-il.
« Si le but était de décourager les gens de voter, on ne s’y prendrait pas mieux. »
Emmanuel, sympathisant LFIà 42mag.fr
« Je suis assez consterné par cette décision. Michel Barnier est issu de LR, un groupe assez minoritaire à l’Assemblée [47 députés sur 577]. Des élections sont organisées, le NFP gagne, mais aucun effort n’est fait pour nommer une personne de gauche », commente Alexandre, étudiant en droit à Besançon. L’alliance de gauche avait proposé Lucie Castets comme Premier ministre. « On a voté et c’est le parti perdant qui est nommé ? », s’interroge également Valérie, une sympathisante de Jean-Luc Mélenchon. « Les gens vont dire que ça ne sert à rien de voter. Après sept ans de Macron, la même politique indésirable persiste, c’est choquant », détaille cette Varoise de 53 ans.
« Surprise, consternée, furieuse »
« Tout ça pour ça, je suis déçu », enchaîne Barnabé, un Breton de 19 ans, votant pour la première fois cette année en faveur du NFP. Cet étudiant est surtout surpris par le profil de l’ancien député savoyard, âgé de 73 ans, élu pour la première fois à l’Assemblée en 1978. « Il ne représente ni la population active ni la jeunesse », estime-t-il.
« Je suis très surprise, consternée, furieuse… » Léa, sympathisante écologiste, ne mâche pas ses mots face au choix d’Emmanuel Macron. « On écarte une candidate lesbienne pour choisir un Premier ministre ayant voté contre la dépénalisation de l’homosexualité… Quel est le message ? Quel intérêt de voter maintenant ? », se demande cette Parisienne de 31 ans.
« Je crains que les prochaines élections voient une abstention massive, ce qui serait favorable au RN. »
Léa, 31 ans, sympathisante écologisteà 42mag.fr
« Michel Barnier, c’est la droite réactionnaire, compatible avec le RN », critique également Aurélie, 38 ans. « Je ne vois pas comment un politicien ancien comme Barnier pourra gouverner paisiblement », estime Yoann, un Grenoblois de 29 ans. « Sa priorité est la lutte contre l’immigration », craint Timothée, un Parisien de 35 ans. « Michel Barnier appartient au groupe ayant refusé le front républicain », remarque Abdel, 62 ans. Il critique particulièrement le fait que Michel Barnier ait mis sur le même pied LFI et l’extrême droite entre les deux tours des dernières législatives.
« Un candidat accepté par le RN »
Les électeurs de gauche sont outrés qu’Emmanuel Macron ait opté pour un chef de gouvernement non rejeté par le Rassemblement national. « C’est une manœuvre politique, loin des attentes des Français », confie Kilian, sympathisant écologiste. Après l’ère du Front républicain, Emmanuel Macron en vient à choisir un candidat accepté par le RN », regrette ce Nantais de 40 ans.
« Le président maintient une ligne floue avec le RN, son meilleur ennemi. »
Kilian, 40 ans, sympathisant écologisteà 42mag.fr
« Je ne comprends pas sa stratégie actuelle. Quel intérêt a-t-il à nommer quelqu’un hors de l’Assemblée nationale, sauf pour séduire l’extrême droite et lui tendre le pouvoir à la prochaine élection ? », s’interroge aussi Léa. En 2017, Emmanuel Macron s’était engagé à ce qu’il n’y ait « plus aucune raison de voter pour les extrêmes » à la fin de son mandat. « J’ai six fois voté pour Macron depuis ma majorité pour barrer la route au RN. Voir aujourd’hui une alliance implicite entre Macron et Le Pen pour bloquer la proposition du NFP me fait craindre pour notre démocratie », témoigne Quentin, résident de Saint-Denis de La Réunion.
« Nous avons fait bloc contre le RN en votant, et désormais, on a l’impression qu’il y a une barrière anti-gauche à l’Assemblée, alors que la gauche reste républicaine », déplore Grégoire. Une partie du camp présidentiel a affirmé ces derniers mois que LFI n’était pas intégrée dans « l’arc républicain ». Ce Clermontois de 29 ans compte manifester samedi mais regrette le faible suivi de la protestation, notamment par les syndicats. « Je suis très en colère, mais je reste mobilisé et je participerai aux prochaines manifestations. Je pense que l’histoire est loin d’être terminée », ajoute Augustin, Grenoblois de 27 ans.
Barnabé, quant à lui, doute de l’efficacité des manifestations. « On a l’impression que ça ne sert plus à grand-chose, on a vu que le mouvement contre les retraites n’a rien donné », soupire l’étudiant. « Je mise plutôt sur une motion de censure ou les prochaines élections », ajoute-t-il. Vincent, Parisien de 30 ans, espère également une réaction des parlementaires dans les semaines à venir : « Certains députés Renaissance ont pris leurs distances avec le président Macron. Il serait souhaitable qu’ils prennent leurs responsabilités et se joignent au NFP pour censurer un gouvernement Barnier. »