Chaque jour, un invité de marque fait son apparition dans l’univers d’Élodie Suigo. Ce mercredi 4 septembre 2024, c’est au tour de l’actrice et réalisatrice iranienne Zar Amir. Son dernier long-métrage, dans lequel elle a collaboré avec le réalisateur israélien Guy Nattiv, intitulé « Tatami », est lancé sur les écrans aujourd’hui.
Zar Amir Ebrahimi, une Figure Éclatante du Cinéma
Zar Amir Ebrahimi est une actrice de renommée internationale. Originaire de Téhéran en Iran, elle a remporté le prix d’interprétation à Cannes en 2022 pour son rôle dans le film Les nuits de Mashhad d’Ali Abbasi. En 2008, elle a pris la décision de s’exiler en France après avoir été condamnée à une peine de prison et à recevoir 100 coups de fouet en Iran à cause du vol d’une vidéo personnelle. Quitter son pays fut pour elle un acte de résistance, une question de survie. Aujourd’hui, Zar Amir évolue devant et derrière la caméra avec Tatami, une réalisation qu’elle a co-dirigée avec l’Israélien Guy Nattiv. Ce film est un véritable coup de poing, magnifique et douloureux, exprimant à la fois un cri du cœur et un message d’espoir. Il raconte l’histoire poignante d’une judokate et de sa coach participant aux championnats du monde. Leila, l’athlète, et Maryam, la coach, se voient contraintes, sous la menace, d’abandonner la compétition pour éviter d’affronter une concurrente israélienne.
Un Film au Réalisme Brut et Déchirant
franceinfo : Tatami est un film qui frappe très, très fort. C’est un regard qui est violent, qui est réaliste sur les conditions des femmes iraniennes dans le cadre de compétitions sportives. Vous l’avez réalisé avec un réalisateur israélien. Comment avez-vous eu envie de collaborer, de proposer cette image qui est tirée de plusieurs histoires vraies ?
Zar Amir : L’idée initiale vient de Guy. Au départ, j’étais seulement impliquée en tant qu’actrice pour interpréter la coach. Cependant, mes nombreuses suggestions ont fini par enrichir le projet, et Guy et moi sommes devenus proches. Un soir, il m’a proposé cette collaboration. J’ai pris le temps de réfléchir à comment deux réalisateurs avec leurs égos et visions respectives pouvaient travailler ensemble. Une Iranienne et un Israélien, c’était une collaboration historique. Je ne connaissais pas vraiment Guy, ses idées derrière ce projet. Nous étions en phase artistiquement et esthétiquement, ainsi que sur nos visions politiques, surtout concernant le Moyen-Orient et nos expériences personnelles.
Le Poids de l’Héritage Iranien
Comment vous y retrouvez-vous dans ce film qui traite des femmes iraniennes ? Vous êtes née à Téhéran, vous avez dû quitter votre pays, mais que représente l’Iran aujourd’hui et quelle est votre vision des femmes et de l’empêchement qu’elles ont au quotidien ?
Depuis près de 17 ans, je vis en France. Chaque jour, je me sens de plus en plus française, tout en restant profondément iranienne. J’éprouve une grande fierté envers la nouvelle génération de personnes, et je pense surtout aux femmes. Elles sont une véritable source d’inspiration pour le monde entier et pour moi. Elles ont subi tant d’oppressions et de pressions de la part du gouvernement que, désormais, elles incarnent l’espoir. Je crois qu’elles ont le pouvoir de changer leurs vies grâce à leur détermination.
« Il y a des femmes iraniennes qui souffrent en prison, mais elles continuent de se battre pour leur liberté. Elles m’inspirent énormément et je suis très fière d’elles. »
Zar Amirà franceinfo
Un Exil Douloureux mais Nécessaire
Vous êtes arrivée en France en 2008. On vous avait volé une vidéo intime. Vous avez été condamnée à une peine de prison et à 100 coups de fouet. C’était un acte fort de venir en France ? C’était aussi une façon de lutter contre ça ?
Absolument. La vérité, c’est que je ne voulais pas partir. J’aurais pu quitter l’Iran le soir même de cette décision, mais j’ai choisi de rester et de me battre pour ma vie, ma carrière, mes amis, mes collègues, mes parents, pour tout le monde. Après un an, j’ai compris que je ne pouvais plus travailler à cause des poursuites judiciaires. Je risquais la prison et des coups de fouet, une punition si archaïque que je ne pouvais l’envisager. Pour tous ceux qui s’exilent pour chercher la liberté de s’exprimer et de se battre, il y a souvent un sentiment de regret. On se dit qu’on aurait dû rester et essayer de lutter sur place, mais parfois, c’est impossible. Finir en prison n’aiderait en rien ; il faut parfois partir pour protéger sa voix. Mon travail aujourd’hui, ainsi que celui de nombreux cinéastes, consiste à donner une voix à ceux qui sont restés.
« Nous devons cultiver la paix, chercher à nous comprendre, à nous découvrir, et laisser de l’espace pour cela. »
Zar Amirà franceinfo
Le Cinéma et le Sport comme Vecteurs de Changement
C’est une solution, le sport ou même le cinéma pour faire avancer les choses ?
Il est crucial d’unir nos forces et de ne pas être manipulés par les pouvoirs en place. Si le conflit entre Maryam et Leila n’existait pas dans Tatami, comment ce pouvoir pourrait-il se maintenir ? C’est cela l’histoire du Moyen-Orient. Je ne me considère pas politicienne, mais avec l’expérience que j’ai à 40 ans, je pense que ces pouvoirs ont besoin de conflits pour exister. Nous devons être sages et unis. Je n’aime pas imposer des messages dans mes films, mais cette coopération avec Guy Nattiv, qui vit aux États-Unis, montre que nous sommes tous deux critiques envers nos gouvernements respectifs.