Lundi, une vidéo a fait le tour des réseaux sociaux. Dans celle-ci, on peut voir une enseignante porter un coup brutal au dos d’une fillette en pleurs, dans une école maternelle située dans le 15e arrondissement de Paris. Cet incident a suscité de vives réactions. En conséquence, l’institutrice impliquée a été mise à pied.
Les scènes capturées ont suscité une vague d’indignation. Une enquête préliminaire a été ouverte, mardi 10 septembre, après qu’une plainte a été déposée par les parents d’une fillette de 3 ans. Dans une vidéo diffusée lundi sur les réseaux sociaux, on peut voir l’enfant en pleurs, frappée et aspergée d’un liquide par sa maîtresse dans une école maternelle du 15e arrondissement de Paris. L’affaire est remontée jusqu’au plus haut niveau, avec la ministre démissionnaire de l’Éducation nationale, Nicole Belloubet, qui a qualifié les images de « honte pour notre école ». L’enseignante a été suspendue à titre préventif.
Par qui cette vidéo a-t-elle été filmée et diffusée ?
La vidéo a été publiée sur le réseau social X lundi en début d’après-midi par Vanessa Edberg, une avocate du barreau de Paris, qui se dit « spécialisée dans les droits de l’homme et des étrangers » et adjointe au maire du 16e arrondissement pour les questions de voirie, de transports et de sécurité routière. Dans sa publication, elle annonce qu’une plainte a été déposée et qu’elle représente la famille de la jeune victime. Les images, visionnées 1,7 million de fois mercredi matin, montrent la maîtresse frapper l’enfant dans le dos pendant une crise de pleurs. La petite tombe par terre avant de courir se réfugier près de la porte. La maîtresse prend alors un verre apparemment rempli d’eau, jette son contenu sur l’enfant et lance : « Voilà ! Ça fait du bien là ? » Elle ajoute en la pointant du doigt : « Tu vas voir quand papa va revenir ce que je vais lui dire. »
Une Maîtresse violente une petite fille de petite section et lui asperge un liquide sur la tête dans une école du 15 ème arrondissement de Paris. Une plainte a été déposée. En tant qu’avocate je mènerai ce combat main dans la main avec la famille, en tant que maman mon cœur… pic.twitter.com/5LQ6O6XP5f
— Vanessa EDBERG (@EdbergVanessa) September 9, 2024
D’après Vanessa Edberg, qui s’est exprimée auprès de l’AFP, la scène filmée date du 5 septembre, soit trois jours après la rentrée scolaire, et s’est déroulée dans une classe de petite section de maternelle de l’école des Frères-Voisin, située dans le 15e arrondissement de Paris. « La vidéo a été prise alors qu’une autre maman était présente, on sent que l’enseignante se contrôle », a expliqué l’avocate.
Quels faits vise la plainte déposée le soir même ?
Sollicité par France Bleu Paris, le parquet de Nanterre a confirmé « l’existence d’un dépôt de plainte à Issy-les-Moulineaux le 5 septembre en début de soirée par la mère d’une enfant de 3 ans habitant à Paris ». La plainte concerne « des faits qualifiés à ce stade de violences sur mineur de moins de 15 ans sans incapacité ». Une enquête préliminaire a été ouverte et confiée au commissariat d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). Le parquet de Nanterre précise qu’il « devrait se dessaisir une fois les mesures conservatoires réalisées concernant la victime pour évaluer une éventuelle incapacité, au profit du parquet du lieu des faits (Paris 15e) ».
D’après Vanessa Edberg, citée par l’AFP, la plainte inclut également d’autres faits survenus le 3 septembre. La fillette de 3 ans, qui venait de faire sa première rentrée scolaire, aurait également mentionné « des coups » de la part de l’enseignante à sa mère.
Que sait-on de cette enseignante ?
Selon les informations obtenues par 42mag.fr, l’institutrice est une enseignante expérimentée, titulaire depuis vingt ans, dont dix passés dans cette école. Comme l’a souligné Philippe Goujon, maire Les Républicains du 15e arrondissement, « elle connaît bien l’école, les parents, les élèves, et c’est une enseignante environ dans la cinquantaine », « qui normalement ne se laisse pas emporter par ses émotions ».
Le rectorat confirme que le dossier de cette enseignante est vierge. Toutefois, Vanessa Edberg a déclaré à 42mag.fr que « d’autres parents se sont manifestés pour dire que cette histoire a libéré la parole et que d’autres incidents similaires ont été rapportés ». Plusieurs parents d’élèves de l’école envisageraient donc de déposer plainte.
« On essaye de ressortir une ancienne affaire » datant de 2012, dénonce de son côté auprès de 42mag.fr l’avocat de l’enseignante, Laurent Hazan. Selon lui, sa cliente avait fait l’objet d’un signalement en 2012 pour des faits similaires dans la même école. « Je précise qu’il n’y a jamais eu d’enquête sur ces faits. Simplement un courrier de dénonciation au rectorat, et c’est tout », ajoute-t-il.
Concernant les faits du 5 septembre, l’enseignante « est en état de choc » et « regrette profondément son geste et a une pensée émue pour la jeune élève », affirme son avocat. Selon le rectorat, elle a immédiatement reconnu les faits, présenté ses excuses et mentionné une classe surchargée – 26 élèves ce matin-là – dans un contexte difficile.
Que risque-t-elle sur le plan professionnel et judiciaire ?
La ministre démissionnaire de l’Éducation, Nicole Belloubet, a annoncé dès lundi soir sur X avoir demandé « le lancement immédiat d’une procédure disciplinaire, avec suspension de la professeure sans délai ». L’enseignante doit être reçue par le rectorat dans les jours à venir. « J’ai signé ce [mardi] matin l’arrêté de suspension de cette enseignante, ce qui n’est pas une sanction mais une mesure de protection », a déclaré lors d’un point presse le recteur de l’académie de Paris, Bernard Beignier. L’enquête administrative ouverte pourrait « probablement mener à un conseil de discipline, voire à des sanctions pouvant aller du blâme à la révocation », a précisé le recteur.
Sur le plan judiciaire, les violences « n’ayant causé aucune incapacité de travail » sont passibles de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elles sont commises sur un mineur ou une personne vulnérable par une personne exerçant une mission de service public, précise le Code pénal.
Comment va la fillette depuis ?
D’après sa mère, interrogée par France Télévisions, la petite est prostrée depuis quatre jours chez elle, terrifiée à l’idée de retourner à l’école. « Elle me dit : ‘Non, je ne retourne pas dans cette école, elle est toujours là-bas la maîtresse' », rapporte-t-elle, précisant qu’elle parle publiquement non seulement pour sa fille mais aussi pour les autres élèves de l’école.
L’avocate Vanessa Edberg a expliqué à l’AFP que la fillette a été vue par un médecin qui évaluera son ITT (incapacité temporaire de travail). Le premier médecin a qualifié son préjudice psychologique de ‘sévère’ car l’enfant évite le regard des autres et refuse de parler de sa maîtresse.
Comment réagissent les parents d’élèves ?
Une cellule d’écoute a été mise en place pour les parents des élèves de l’école par la mairie du 15e arrondissement. Ceux qui ont pris connaissance de la vidéo se disent choqués. « Elle est toujours souriante, cette maîtresse. Je n’ai jamais remarqué qu’elle pouvait faire ça, je suis un peu choquée », témoigne une mère d’élève interrogée par France Télévisions. « Ça aurait pu être ma fille », ajoute une autre mère dont l’enfant est en petite section dans la classe de l’enseignante suspendue. « J’ai déjà entendu dire que la maîtresse était un peu dure avec les autres enfants. Moi, je n’ai pas eu de problème. Mon fils a 11 ans aujourd’hui, il a été en petite section avec elle et tout s’est très bien passé. Mais ça m’a vraiment choquée et déçue surtout », a-t-elle poursuivi auprès de 42mag.fr.
Interrogée par 42mag.fr, une Atsem (agent territorial spécialisé des écoles maternelles) de l’école a d’abord refusé de commenter : « C’est ma classe, mais pas de commentaire. » Avant de confier n’avoir « jamais vu ça ».