Au moment où la région du Proche-Orient traverse une période de crise et alors que viennent de se terminer les événements olympiques et paralympiques, le récit du film prend une signification particulièrement remarquable.
Un partenariat des plus surprenants : le film Tatami, réalisé par Guy Nattiv et Zar Amir Ebrahimi, sort dans les salles le mercredi 4 septembre. Ce projet cinématographique est le résultat d’une coopération sans précédent entre deux réalisateurs provenant de nations historiquement ennemies : l’Iran et Israël.
Ce film en noir et blanc, rappelant le style de Raging Bull de Martin Scorsese (1980), dépeint le parcours d’une judoka iranienne nommée Leila. Au cours des championnats du monde en Géorgie, elle se prépare à remporter la médaille d’or. Cependant, face à l’injonction de son gouvernement de se retirer de la compétition pour éviter de combattre une athlète israélienne, Leila refuse de se soumettre. Son entraîneuse, Maryam, une ancienne championne qui a déjà affronté de telles pressions politiques, se retrouve elle-même déchirée et incapable de convaincre Leila. En pleine crise au proche-Orient et dans le sillage des événements olympiques et paralympiques, le récit du film prend une résonance particulière.
L’interdiction pour une athlète iranienne de combattre une Israélienne découle de la politique stricte du régime iranien. « À l’école, j’ai appris qu’Israël n’existait pas », raconte Zar Amir, actrice iranienne et coréalisatrice du film, lors d’un entretien avec l’AFP. « Ainsi, nous n’avons pas le droit de collaborer, de nous rencontrer, de nous lier d’amitié ou de rivaliser avec cet ennemi imaginaire », explique-t-elle.
À l’origine de ce projet, Guy Nattiv, réalisateur israélien connu pour Skin (2018) et Golda (2023) avec Helen Mirren, porte seul le projet. Il propose à Zar Amir, récompensée à Cannes en 2022 pour son rôle de journaliste acharnée dans le thriller d’Ali Abbasi, Les nuits de Mashhad, de jouer l’entraîneuse. Après des discussions fructueuses, ils décident qu’elle codirigera également le film.
Une « dimension politique » en Iran et en Israël
Née à Téhéran et aujourd’hui en exil en France, Zar Amir se sent « libre de choisir ces sujets » qu’elle a la « responsabilité » de raconter. Elle précise que le film aura « une dimension politique, mais cela ne m’importe pas ». Elle constate qu’en Iran, « les réalisateurs ne peuvent pas vraiment dire la vérité. Ils peuvent aborder ces sujets, mais ce sera toujours une vérité partielle ». Elle déplore que des cinéastes à Téhéran soient déjà incarcérés pour propagande anti-régime, tels que Jafar Panahi et Mohammad Rasoulof, ce dernier ayant fui en Europe avant le dernier Festival de Cannes.
Guy Nattiv, de son côté, évoque que ce film a suscité de nombreuses réactions en Israël car « les citoyens, pas le gouvernement, perçoivent cette collaboration comme quelque chose de révolutionnaire ». Il espère que « ce film ouvrira la voie à d’autres collaborations entre Israéliens et Iraniens, que ce soit dans la musique ou d’autres domaines ». C’est ce qu’il déclarait lors d’une interview en septembre 2023, alors que le film était présenté à la Mostra de Venise.