D’après un ouvrage à venir rédigé par un journaliste de « Libération », le dirigeant actuel du Rassemblement national faisait partie des employés fictifs. Ceux-ci étaient rémunérés par l’Union européenne mais travaillaient effectivement pour le parti politique. Le procès, où Marine Le Pen est attendue comme prévenue, commencera à la fin du mois de septembre.
Bien qu’il ne soit pas parmi les accusés, Jordan Bardella se trouve néanmoins au centre d’une polémique grandissante. Dans un ouvrage qui doit être publié le 13 septembre, l’actuel président du Rassemblement national (RN) est accusé d’avoir participé à la création de « fausses preuves de travail » pour « tromper la justice et justifier » son poste d’assistant parlementaire européen. Selon le journaliste Tristan Berteloot, auteur du livre et journaliste pour Libération, « le jeune partisan de Le Pen était payé par l’Union européenne mais employé par le Rassemblement national ».
Marine Le Pen devra répondre à la justice à partir du 30 septembre, aux côtés de 26 autres individus, ainsi que du RN en tant que personne morale. Le but est d’élucider des soupçons de détournements de fonds européens entre 2004 et 2016. Les accusés sont soupçonnés d’avoir mis en place un système où l’UE rémunérait des assistants de députés européens qui travaillaient en réalité pour le parti endetté. Marine Le Pen, qui nie toujours ces accusations, se voit visée pour détournement de fonds publics et complicité, pouvant entraîner une peine de cinq ans d’inéligibilité.
Jordan Bardella n’est pas inclus parmi les anciens assistants parlementaires poursuivis dans cette affaire. Cependant, dans l’enquête intitulée La Machine à gagner, son nom apparaît dans l’organigramme du Front national de février 2015, ce qui a « poussé le Parlement européen à alerter la justice française ». Le dirigeant actuel du RN y est décrit comme « chargé de mission » auprès de Florian Philippot, alors vice-président du parti, pendant qu’il était censé être l’assistant parlementaire de l’eurodéputé Jean-François Jalkh.
« Un salaire de 1 200 euros net par mois »
Pour cette mission de « quatre mois et demi », Jordan Bardella a « reçu un salaire mensuel de 1 200 euros nets », soit un total de « 10 444 euros » financé par l’Union européenne, d’après le journaliste de Libération. Selon l’ancien député européen Aymeric Chauprade, désormais en désaccord avec le RN, Jordan Bardella n’a jamais réellement « exercé ses fonctions » d’assistant parlementaire, rapporte le journal.
À la fin de 2017, deux ans après que l’enquête a été ouverte par le parquet français, l’équipe de Jordan Bardella, alors porte-parole du RN et futur candidat aux européennes de 2019, aurait « préparé un dossier de preuves fictives, antidaté à la période où il était employé comme assistant », écrit Tristan Berteloot. Ce dossier comprend une revue de presse régionale « couvrant la période du contrat » d’assistant parlementaire de février à juin 2015, destinée à informer Jean-François Jalkh des événements régionaux. Toutefois, selon Libération, « la date de recherche » sur ces documents a été masquée avec de « la correction fluide ». Bardella y aurait inscrit à la main des mots comme « politique locale », « divers », « société », ajoute le journal.
Libération cite également un message d’un stagiaire travaillant pour l’avocat belge Ghislain Dubois, qui aurait confessé lors d’une conversation électronique avec d’anciens membres du parti qu’il avait « créé de faux dossiers pour des assistants n’ayant jamais travaillé pour le Parlement européen ». Ghislain Dubois n’a pas pu être joint immédiatement pour réagir, selon l’AFP.
Jordan Bardella réagit et dénonçe des « accusations mensongères »
Dans un communiqué publié lundi par le RN, « Jordan Bardella rejette catégoriquement » ces « accusations mensongères ». Le parti défend en affirmant qu’« alors qu’il était encore étudiant, Jordan Bardella a été employé à mi-temps, du 16 février au 30 juin 2015, pour un salaire de 1 200 euros nets, comme assistant parlementaire local pour l’eurodéputé Jean-François Jalkh, et a accompli ses tâches sans aucune irrégularité, conformément aux règles du Parlement européen et à la législation française ».
Le RN précise en outre que « ni le Parlement européen, ni l’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF), ni la justice française, n’ont trouvé d’éléments à reprocher après avoir interrogé Jean-François Jalkh. Aucun justificatif n’a été demandé, et a fortiori, aucun document n’a été transmis à la justice ». Le parti conclut en soulignant que « nul ne sera dupé par cette tentative grossière de déstabilisation » à trois semaines de l’ouverture du procès. En 2018, le Parlement européen a estimé son préjudice à 6,8 millions d’euros.