Le futur chef du gouvernement, désigné par Emmanuel Macron, disposera d’un laps de temps très court pour soumettre un projet de loi au Parlement et obtenir le soutien nécessaire à son approbation.
Dès sa formation, le prochain gouvernement devra immédiatement faire face à une situation critique. Bien qu’Emmanuel Macron n’ait pas encore désigné le nouveau Premier ministre, ce mardi 3 septembre, presque deux mois après les législatives anticipées qu’il a déclenchées suite aux élections européennes, les avertissements autour du budget de 2025 de la France se multiplient. En plus d’une dégradation imprévue des comptes pour 2024, le prochain gouvernement disposera de très peu de temps pour présenter son Projet de loi de finances au Parlement. Franceinfo vous explique les raisons pour lesquelles le futur budget pourrait ressembler à un véritable piège.
Parce que le déficit est plus important que prévu
Dans une lettre envoyée aux parlementaires lundi et consultée par franceinfo, le ministre des Finances démissionnaire, Bruno Le Maire, s’inquiète de l’explosion inattendue des dépenses des collectivités, estimée à 16 milliards d’euros pour l’année 2024. Par ailleurs, les prévisions de recettes fiscales, déjà réduites de « près de 30 milliards d’euros » au printemps, pourraient ne pas être atteintes en raison d’une croissance « moins dynamique » qu’anticipé, selon le locataire de Bercy.
En conséquence, le déficit public pourrait atteindre 5,6% du produit intérieur brut (PIB) cette année, au lieu des 5,1% initialement prévus. Pire encore, il pourrait se creuser jusqu’à 6,2% du PIB en 2025, au lieu des 4,1%, à moins que 60 milliards d’euros d’économies ne soient réalisées l’année prochaine, selon les données du ministère des Finances. Le nouveau gouvernement devra donc rapidement trouver cette somme pour boucler le budget de 2025, soit en réduisant les dépenses, soit en augmentant les recettes de l’État.
Sans action du prochain exécutif, le déficit augmentera inévitablement, risquant de susciter les critiques de l’Union européenne, déjà en désaccord avec Paris sur ce point.
Parce que la France doit redresser ses finances
Une autre épreuve attend celui qui prendra les rênes de Bercy. La France doit soumettre, d’ici au 20 septembre, son plan de redressement financier à l’Union européenne pour la période allant jusqu’à 2027. La Commission européenne a en effet adressé un avertissement à Paris pour déficit excessif le 26 juillet dernier.
Avec six autres pays, la France a dépassé la limite de déficit public fixée à 3% du PIB par le Pacte de stabilité, qui impose également une limite de dette à 60% du PIB. Selon les traités européens, ces États doivent donc réduire leur déficit de 0,5 point de PIB par an. Ainsi, l’UE demande à la France de ramener son déficit sous les 3% d’ici 2027.
Si le nouveau gouvernement soumet son plan à la Commission européenne dans les délais, cette dernière fournira une évaluation détaillée en novembre, incluant des recommandations aux États membres pour corriger leurs déficits. Les engagements du futur gouvernement seront également scrutés par les marchés financiers.
Parce que le budget doit être voté avant la fin de l’année
Le Projet de loi de finances doit normalement être transmis aux parlementaires « au plus tard le premier mardi d’octobre de l’année précédant celle de l’exécution du budget », soit le 1er octobre 2024. L’Assemblée nationale et le Sénat devront ensuite débattre et adopter la loi, qui doit être promulguée le 1er janvier suivant. Ce document volumineux (416 pages pour la version de 2024), nécessite un long travail de préparation par Bercy et concerne tous les ministères.
Néanmoins, le futur ministre des Finances ne partira pas de zéro. Le gouvernement démissionnaire a déjà travaillé sur un budget prévisionnel, basé sur celui de 2024 et incluant 10 milliards d’euros d’économies. Il a même envoyé des lettres plafonds le 20 août, avec un mois de retard sur le calendrier habituel. Ces lettres, transmises aux ministères, définissent les plafonds de crédits disponibles pour le prochain budget.
Parce que les débats à l’Assemblée s’annoncent explosifs
Une fois le projet de loi de finances préparé et transmis, le texte sera débattu à l’Assemblée nationale et au Sénat. Une tâche particulièrement complexe au Palais Bourbon, étant donné qu’aucun bloc politique n’y détient la majorité des sièges. Obtenir l’accord des deux tiers des députés sera un défi majeur, tant les visions divergent sur la trajectoire budgétaire de la France.
Alors que le gouvernement sortant propose 10 milliards d’économies, les parlementaires du Nouveau Front populaire (NFP) préconisent d’augmenter les recettes de l’État en taxant davantage les plus riches. Une proposition difficilement acceptable pour le camp macroniste, qui avait promis de ne pas augmenter les impôts durant la campagne des législatives.
Le PLF pourrait être adopté sans discussions grâce à l’article 49.3 de la Constitution. Cette disposition a été utilisée à plusieurs reprises à l’automne 2023 par l’ancienne Première ministre Elisabeth Borne, qui avait échoué à trouver une majorité pour approuver son budget. Si le futur gouvernement opte pour cette stratégie, il pourrait en retour faire face à une motion de censure… ce qui annulerait par la même occasion le texte voté.