La réalisatrice belge Chantal Akerman, qui nous a quittés en 2015, est célébrée à Paris avec une exposition au Jeu de Paume et une rétrospective de ses films restaurés, projetés dans diverses salles de cinéma de la capitale.
À l’intersection du cinéma, de l’art conceptuel et de l’écriture, cette réalisatrice, née en 1950, a incarné un renouveau du cinéma des années 70, apportant une note de modernité. Autonome, autodidacte et globe-trotter, elle est souvent vue comme une pionnière du féminisme, bien qu’elle ait toujours rejeté cette étiquette, même après le récent triomphe de la réédition en salle de son film Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles.
Rétrospective en 16 films
Produit en 1975 avec Delphine Seyrig en tête d’affiche, ce film capture avec une minutie contemplative le quotidien d’une femme d’âge mûr de l’époque. Une scène mémorable impliquant l’épluchage de pommes de terre a laissé une trace indélébile, symbolisant une tension mêlée de séduction qui prélude à une fin tragique. Le British Film Institute l’a hissé au sommet de son plus récent classement décennal des meilleurs films de tous les temps. À Bruxelles, un hommage mural a vu le jour en septembre 2023 sur le quai du Commerce, lieu de tournage du film, et cette section du trottoir a été rebaptisée Allée Chantal Akerman.
La société de production Capricci organise une rétrospective de 16 de ses films, tous restaurés, dans plusieurs cinémas parisiens, de Je tu il elle de 1974 à No Home Movie de 2015. C’est la première rétrospective de cette ampleur en France. En parallèle, le Centre d’art du Jeu de Paume, qui célèbre ses 20 ans cette année, propose une exposition intitulée Travelling. Conçue par le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (Bozar), la Fondation Chantal Akerman et Cinetek, cette exposition présente une sélection d’installations vidéos et d’archives, en plus de plusieurs de ses films. Des lectures, performances et rencontres viennent compléter ce programme.
De la comédie au drame
En un peu plus de quatre décennies, Chantal Akerman a bâti une œuvre diffusée dans les principaux festivals de cinéma internationaux. Son travail l’a conduite de Bruxelles à New York, de l’Europe de l’Est à Paris, et des espaces domestiques les plus ordinaires aux vastes étendues du désert mexicain, passant de l’autofiction à l’exploration de l’altérité du monde (D’Est, De l’autre côté).
Ses créations varient de la comédie musicale (Golden Eighties) aux drames littéraires (La captive, La Folie Almayer), en passant par la comédie familiale (Demain on déménage) et romantique (Un divan à New York), le drame sentimental (Toute une nuit) ou la théâtralité (Letters home, Histoires d’Amérique).
Les thématiques récurrentes dans son œuvre incluent la Shoah, l’identité juive, la sexualité et la féminité, l’exil, et la passion dans un monde en perpétuelle agitation. Ayant combattu des troubles maniaco-dépressifs, elle a mis fin à ses jours en 2015, à l’âge de 65 ans.