Cet automne, les comédies musicales font un retour remarqué au cinéma avec deux films significatifs : « Emilia Pérez » de Jacques Audiard, choisi pour porter les couleurs de la France aux Oscars, et « Joker 2 » dont la bande sonore est signée par Lady Gaga. Après avoir été délaissée pendant un certain temps, la comédie musicale semble revivre une nouvelle jeunesse. Est-ce le prélude à une véritable renaissance pour ce genre cinématographique anciennement démodé ?
Joker: Folie à deux est-il véritablement une comédie musicale ? « Je n’irais pas jusqu’à dire que c’en est une typique, » a clarifié Lady Gaga, experte en films musicaux, lors du Festival de Venise. Cette icône de la pop, déjà bien établie sur scène, s’est fait connaître au cinéma grâce au film A Star is Born de Bradley Cooper, sorti en 2018, où elle jouait une chanteuse en herbe.
Dans cette nouvelle aventure du Joker, la musique joue un rôle central dans la relation entre son personnage et l’anti-héros interprété par Joaquin Phoenix. « Nous nous servons de la musique pour donner aux personnages une manière d’exprimer leurs sentiments, car le dialogue seul ne suffit pas, » a-t-elle expliqué.
Quand Lady Gaga réapprend à chanter
Néanmoins, contrairement aux standards du genre, ce film privilégie une approche plus authentique : les morceaux ont été performés en direct durant le tournage, et Lady Gaga a confié qu’elle avait dû « réapprendre à chanter, à oublier comment respirer ». L’objectif était d’incarner cette imperfection à l’écran.
De même, le réalisateur Jacques Audiard détourne les codes de la comédie musicale dans son film Emilia Pérez, rythmé par du reggaeton et des chorégraphies dignes de clips. Ce film représentera la France aux Oscars le 2 mars 2025.
Comédie musicale ou opéra ?
Le film, qui raconte la transformation d’un baron de la drogue mexicain en femme, a été couronné du Prix du jury à Cannes et a valu à ses trois actrices principales—Zoe Saldaña, la pop star Selena Gomez et l’actrice transgenre Karla Sofía Gascón—un prix d’interprétation collectif.
Jacques Audiard a admis qu’il ne savait pas s’il réalisait une comédie musicale ou un opéra lorsqu’il écrivait le scénario. « Nous avons voulu éviter les codes traditionnels de la comédie musicale, » a ajouté le chorégraphe Damien Jalet.
Un genre parfois perçu comme démodé
Hollywood continue de produire régulièrement des films musicaux, avec des succès variables au box-office : de Mamma Mia ! à La La Land, en passant par l’échec financier du remake de West Side Story par Steven Spielberg en 2021.
Produire un film musical coûte cher en temps et en argent. « Il y a beaucoup d’enregistrements, de réenregistrements, et de playbacks. De nombreuses chansons sont finalement écartées, » expliquait Jacques Audiard.
Parmi les succès, le film Wonka, inspiré de Charlie et la chocolaterie, a révélé les talents de chanteur de Timothée Chalamet et a attiré beaucoup de spectateurs. La fin d’année verra la sortie très attendue de Wicked, une adaptation d’un succès de Broadway avec Ariana Grande, Cynthia Erivo et Jeff Goldblum.
Alexis Lormeau, auteur de Chante et danse au cinéma, remarque qu’on est encore loin de l’âge d’or des comédies musicales des années 1930 à 1950, où des centaines de films du genre étaient produits. « Aujourd’hui, c’est une exception, mais parfaite pour mettre en lumière des personnages hors du commun, » a-t-il déclaré à l’AFP.
« La Haine » version comédie musicale
En fin de compte, « peu de films » sont de véritables comédies musicales, où les chansons sont intégrées à l’intrigue et accompagnées de scènes de danse, commente Isabelle Wolgust, auteure du Dictionnaire de la comédie musicale.
Le public est-il réfractaire au genre ? Pas nécessairement, assure l’experte, notant que des séries comme Glee ont changé les habitudes de consommation. Le réalisateur français Mathieu Kassovitz reste convaincu que les adaptations peuvent fonctionner, en promettant que sa transposition de La Haine sur scène, prévue pour le 10 octobre 2024, ne sera pas « ringarde ». « Nous cherchons à rompre avec les traditions de ce format, » a-t-il confié à l’AFP.