Chaque samedi, l’historien Fabrice d’Almeida nous offre une nouvelle perspective sur l’actualité.
La déclaration de politique générale est une pratique parlementaire ancienne qui, sous la IIIe et la IVe Républiques, portait le nom d’investiture. Un nouveau chef de gouvernement, nommé par le président, devait se présenter devant la Chambre des députés pour exposer son programme et obtenir une majorité de voix. La Ve République a conservé l’idée de cette présentation, mais le gouvernement n’est plus tenu de mettre sa responsabilité en jeu. Il peut rester en fonction sans passer par un vote, comme ce sera le cas le mardi 1er octobre pour l’administration de Michel Barnier.
Certaines de ces déclarations de politique générale de la Ve République ont laissé une trace durable : la première, avec Michel Debré, qui a inauguré cet exercice en 1959. Mais je souhaite mettre en lumière un moment particulièrement émouvant, survenu dix ans plus tard, lorsque Jacques Chaban-Delmas apparaît devant l’Assemblée en 1969. Il rappelle alors qu’il a présidé cette assemblée pendant dix ans, recevant des signes d’amitié des députés.
Le « renouveau » de Mauroy, le rêve de Rocard, la voix d’Édith Cresson…
Le sentiment d’un changement important est palpable après la victoire de François Mitterrand lors de l’élection présidentielle de 1981. En juillet, devant les députés, Pierre Mauroy parle d’une nouvelle ère de « renouveau ». Toujours sous la présidence de François Mitterrand, Jacques Chirac, en 1986, engage aisément la responsabilité de son gouvernement avec sa nouvelle majorité. Quant à Michel Rocard, en 1988, il se conçoit comme un nouveau Martin Luther King et commence son discours en déclamant : « Je rêve d’un pays… »
En 1991, Edith Cresson, première femme à être nommée Première ministre et donc à effectuer cet exercice de déclaration de politique générale, se voit critiquée (avec une touche de misogynie) pour sa voix et la qualité sonore de l’Assemblée.
Plus récemment, la déclaration d’Édouard Philippe en 2017 est parmi les rares à faire référence à celles de ses prédécesseurs. Michel Barnier, mardi, s’inscrira dans cette longue tradition. Malgré l’absence d’une majorité, il visera probablement la continuité en proposant des mesures clés et tentera de convaincre l’opinion publique au-delà du Parlement.