Voici les nouvelles productions cinématographiques abordées cette semaine par Thierry Fiorile et Matteu Maestracci : « Les Graines du figuier sauvage » réalisé par Mohammad Rasoulof, ainsi que « Ma vie, ma gueule » dirigé par Sophie Fillières.
Les Graines du figuier sauvage réalisé par Mohammad Rasoulof est un vibrant hommage aux femmes iraniennes qui, depuis l’année 2022, s’élèvent contre le régime islamiste au pouvoir. Ce mouvement, appelé « Femme, Vie, Liberté », a émergé spontanément suite au décès de Jina Mahsa Amini, victime de la police pour ne pas avoir porté son voile correctement. Lorsque les protestations éclatent, Mohammad Rasoulof se trouve en prison. À sa libération, malgré une surveillance étroite, il parvient à tourner en secret un drame familial, symbolisant la société iranienne.
Le père, un juge inflexible, passe ses journées à condamner les opposants du régime. La mère, fière de la réussite sociale de son époux, et en contraste, les filles, deux adolescentes, sont scandalisées par ce qui se déroule dans les rues et en sont témoins à travers les réseaux sociaux. Cette opposition de générations est décrite par le réalisateur comme une rencontre inévitable avec l’histoire du peuple iranien. Le film est poignant, rappelant un thriller, mêlant des images réelles de la répression visibles sur les réseaux sociaux à une mise en scène quasi fantastique.
Présenté à Cannes à la dernière minute, Mohammad Rasoulof n’a reçu qu’un prix spécial ; le jury ne reconnaissant que l’aspect politique de l’œuvre, négligeant sa grande qualité artistique, magnifiée par trois actrices talentueuses ayant elles-mêmes dû quitter l’Iran.
Ma vie, ma gueule de Sophie Fillières
Ici aussi, l’histoire de la création du film est marquante. La cinéaste Sophie Fillières est décédée en juillet 2023, peu de temps après avoir terminé le tournage. Avant de partir, elle a confié à ses enfants, Agathe et Adam Bonitzer, la tâche de finaliser le montage avec l’aide de François Quiqueré, un monteur professionnel.
Cette anecdote émouvante a contribué à l’atmosphère chargée d’émotion lors du festival de Cannes, où Ma vie, ma gueule a été projeté lors de l’ouverture de la Quinzaine des Cinéastes. Et ce film, de quoi parle-t-il ? Eh bien, il est totalement représentatif du style unique de Sophie Fillières, inclassable et indescriptible, difficile à résumer en quelques mots. On y découvre Barberie Bichette (incarnée par Agnès Jaoui), une auteure contrariée qui travaille sans grande conviction dans le domaine de la publicité, qui peine à communiquer avec ses enfants, traverse une profonde dépression, et se voit en plus diagnostiquer une maladie grave. C’est une œuvre qui reflète aussi une partie de la vie de la réalisatrice.
Le film est peuplé de personnages déroutants, avec des surnoms farfelus, des dialogues brillants et inédits, et met en lumière une Agnès Jaoui exceptionnelle dans un registre comique difficile à maîtriser. Le spectateur se retrouve autant à rire qu’à pleurer, dans un mélange d’émotions intenses.