À l’époque où il n’était encore qu’un jeune député affilié à la droite, le premier ministre actuel s’était effectivement opposé à la loi qui a été adoptée il y a 43 ans. Aujourd’hui, l’Inter-LGBT exprime ses craintes face à ce qu’elle perçoit comme un gouvernement « antagoniste » à sa cause.
A peine nommé, et déjà objet de critiques. Plusieurs associations de lutte contre l’homophobie ont reproché, le jeudi 5 septembre, au nouveau Premier ministre, Michel Barnier, d’avoir voté contre la dépénalisation de l’homosexualité en 1981. À cette époque, avant que s’envole sa carrière politique (ministre sous Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, commissaire européen, négociateur en chef du Brexit…), cet élu de droite âgé de 30 ans en était à son premier mandat de député RPR pour la Savoie.
À peine la nomination de Michel Barnier annoncée, l’Inter-LGBT a exprimé sa consternation sur X, affirmant avec regret « être abasourdie par la désignation de Michel Barnier comme Premier ministre, car il s’était opposé à la dépénalisation de l’homosexualité en 1981. Un signal très clair que ce gouvernement sera hostile à nos droits et existences ! »
De même, l’Association des familles homoparentales a décrié cette nomination, qualifiant sur X, de « choix plus que discutable ». Divers députés du Nouveau Front populaire, tels que Louis Boyard (LFI) et Léa Balage El Mariky (Ecologiste), ont également critiqué cette nomination, en faisant référence au vote passé de Michel Barnier.
« L’homosexualité en soi n’était pas répréhensible »
Que s’est-il passé exactement ? Revenons 43 ans en arrière. Le 20 décembre 1981, l’Assemblée nationale débattait de la proposition de loi déposée par Raymond Forni et plusieurs députés socialistes, dont la célèbre avocate Gisèle Halimi. Ce texte visait à supprimer le second alinéa de l’article 331 du Code pénal, qui criminalisait « tout acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe mineur », même lorsque l’âge de la majorité sexuelle, fixé à 15 ans, était dépassé.
« L’homosexualité en elle-même n’était pas sanctionnée » en 1981, précise Thierry Pastorello, auteur du livre Sodome à Paris, dans un article de Libération paru en 2018. Ce vote marquait « la fin de cette distinction d’âge pour la ‘majorité sexuelle’ entre les relations de personnes de sexe opposé (15 ans) et celles entre personnes du même sexe (21 ans jusqu’en 1974, 18 ans depuis 1974) », explique Régis Revenin, chercheur en histoire du genre et des homosexualités à l’université Paris-7, dans cet article. Plus que de dépénalisation de l’homosexualité, il s’agissait donc de « retablir une égalité d’âge pour la ‘majorité sexuelle’ pour tous ». En pratique, cette proposition de loi a conduit à la dépénalisation complète des relations homosexuelles.
À la tribune, le garde des Sceaux, Robert Badinter, s’insurge contre « une incrimination d’exception dont rien, pas même la tradition historique, ne justifie le maintien ». « Cette disposition répressive est contraire à deux principes fondamentaux du droit : le principe de non-discrimination et celui du respect de l’intimité de la vie privée », ajoute le ministre, décédé depuis.
Chirac, Fillon et Chaban-Delmas ont aussi voté contre
La proposition de loi est adoptée par 327 voix contre 155. Michel Barnier fait bien partie des députés qui ont voté contre, tout comme Jacques Chirac, François Fillon et Jacques Chaban-Delmas, d’après le compte-rendu du vote, disponible sur le site des archives de l’Assemblée nationale. Sollicitée par franceinfo, jeudi, l’entourage du nouveau Premier ministre n’a pas encore répondu.
Michel Barnier n’est pas le seul à voir un vote ancien ressurgir. En 2022, le vote de Catherine Vautrin contre le mariage pour tous avait été mis en avant alors qu’elle était pressentie pour Matignon. Cependant, cela n’a pas empêché l’ancienne présidente du Grand Reims de devenir ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités deux ans plus tard, remarque un cadre du parti Renaissance.