Cet homme de 73 ans, ancien ministre et ancien commissaire européen, a accumulé une riche carrière en politique en tant que figure de droite. Sa grande capacité à créer des consensus a été particulièrement mise en lumière lorsqu’il a dirigé les discussions relatives au Brexit pour le compte de l’Union européenne.
Le négociateur du Brexit parviendra-t-il à résoudre la crise politique qui secoue la France ? Emmanuel Macron a décidé de désigner Michel Barnier comme Premier ministre ce jeudi 5 septembre, après cinquante-cinq jours sans gouvernement. Ancien commissaire européen et homme politique de droite âgé de 73 ans, il devra naviguer au sein d’une Assemblée nationale fragmentée en trois blocs principaux. Alors que les noms de Bernard Cazeneuve et Xavier Bertrand circulaient encore la veille, c’est finalement l’ancien candidat à la primaire de droite de 2021 que le président a nommé pour constituer un nouveau gouvernement.
« Adversaire politique d’Emmanuel Macron, Michel Barnier a démontré sa capacité à dépasser les clivages partisans et à former des coalitions », explique l’entourage du président après l’annonce de la nomination. Un proche d’Emmanuel Macron ajoute que le nouveau Premier ministre répond aux critères de stabilité institutionnelle fixés par l’Élysée, c’est-à-dire que le futur gouvernement ne sera pas censuré par les députés. Franceinfo analyse les raisons pour lesquelles Michel Barnier s’est imposé.
Parce que le RN n’a pas posé son veto
C’est un facteur déterminant dans ce choix. En optant pour un Premier ministre de droite, Emmanuel Macron devait s’assurer que le Rassemblement national, avec ses 126 députés, ne cherche pas à censurer immédiatement le nouveau gouvernement. « Puisque le PS refuse de soutenir quiconque, le Premier ministre reste en place tant que ni le centre, ni la droite, ni l’extrême droite ne le censurent », souligne un conseiller de l’exécutif.
Marine Le Pen avait rejeté l’option Bernard Cazeneuve et s’opposait également à Xavier Bertrand, avec qui elle a des relations tendues dues à leur confrontation électorale dans les Hauts-de-France. Le président de la région risquait ainsi une censure immédiate par l’Assemblée, ce qui a poussé l’Élysée à écarter ce choix.
Le cercle proche d’Emmanuel Macron a donc surveillé les réactions du Rassemblement national. Ce dernier n’a pas mis de veto immédiat à Michel Barnier. « Ce n’est pas du tout notre ligne politique, mais comme le Premier ministre à venir ne sera pas sur notre ligne, il faut en prendre acte. (…) Ça ne fait pas rêver, mais j’attends d’écouter », a déclaré le député Sébastien Chenu, vice-président du Rassemblement national, sur BFMTV.
« Pas d’enthousiasme a priori. À voir ce qu’il propose », a aussi commenté Julien Odoul, député RN, à franceinfo. Peu avant l’annonce officielle, le groupe RN a fait savoir qu’il attendrait la déclaration de politique générale de Michel Barnier « pour se positionner ». Jordan Bardella, président du parti d’extrême droite, a confirmé cette position via un message sur le réseau social X.
Le Rassemblement national laisse donc la possibilité à un gouvernement dirigé par Barnier, suscitant des interrogations au sein du camp présidentiel. « Je ne comprends pas pourquoi nous avons formé un front républicain anti-RN si c’est pour obtenir la bénédiction de Marine Le Pen pour le Premier ministre », s’interroge une conseillère ministérielle.
Parce qu’il n’a pas d’ambitions pour 2027
À 73 ans, celui qui a échoué lors de la primaire de la droite pour l’élection présidentielle de 2022 ne semble pas ambitionner la présidence de la République en 2027. Or, avec les rumeurs persistantes de démission anticipée d’Emmanuel Macron – régulièrement démenties –, cette donnée est capitale à moins de trois ans de l’échéance.
Dans son propre camp, il ne conteste pas les ambitions de Laurent Wauquiez, président du groupe LR à l’Assemblée, ni celles de Xavier Bertrand, souvent pressenti pour le poste de Premier ministre. Il ne contrecarre pas non plus la candidature officielle de l’ancien Premier ministre Edouard Philippe. « Nommer quelqu’un sans ambitions personnelles, c’est un atout, souligne un ancien ministre. Il a cette liberté depuis qu’il a raté la primaire LR. »
Cependant, il faut rester prudent, prévient le député LR Fabien Di Filippo. « Si le pays coule, toutes les ambitions seront vaines ! » affirme-t-il à franceinfo. Et qui sait, ajoute le politologue Mathieu Gallard de chez Ipsos, « ça a une infime chance de bien se passer, ce qui était inespéré. » En somme, il ne faut pas enterrer trop tôt une éventuelle candidature de Barnier à l’Élysée.
Parce qu’il est compatible avec Emmanuel Macron
Bien qu’appartenant aux Républicains, Michel Barnier est en partie aligné politiquement avec Emmanuel Macron. L’ex-député ne propose ni d’annuler la réforme des retraites ni de revenir sur la loi asile-immigration, contrairement à la gauche. Ce partisan du gaullisme avait appelé à voter pour le président sortant après la défaite de Valérie Pécresse au premier tour en 2022. « Je vais voter pour Emmanuel Macron sans hésitation car je ne pourrais jamais me retrouver dans les thèses de l’extrême droite », déclarait-il sur France Inter à l’époque.
Bien que qualifié d’« adversaire politique » par l’Élysée, Barnier partage avec Macron certaines perspectives, notamment son engagement en faveur de l’Union européenne. Macron a fait de l’Europe une priorité de ses mandats, et Barnier a occupé de nombreux postes de haut niveau au sein de l’UE. Sur le plan économique, les deux hommes devraient également s’entendre. En 2021, Barnier promettait de relancer l’économie française en allégeant les charges des entreprises, un engagement en phase avec les promesses de Macron durant les législatives.
Parce qu’il a une longue expérience de la vie politique
En ces temps de crise politique sans précédent, l’expérience de Michel Barnier joue en sa faveur. Ancien député et sénateur, il a été ministre à quatre reprises : à l’Environnement sous Édouard Balladur, aux Affaires européennes sous Alain Juppé, aux Affaires étrangères sous François Fillon, et à l’Agriculture et la Pêche sous Nicolas Sarkozy.
Michel Barnier est aussi reconnu pour son expertise européenne : deux fois commissaire européen, il a géré des portefeuilles tels que la politique régionale et le marché intérieur. Mais il est surtout connu pour avoir dirigé les négociations du Brexit pour l’Union européenne entre 2016 et 2021.
Ce parcours impressionnant pourrait l’aider à Matignon. Reconnu comme « flegmatique » par La Croix, « flexible dans les détails » par Le Monde, et « fin négociateur » par ses pairs, Barnier devra naviguer dans une Assemblée nationale divisée. Son expérience européenne pourrait être précieuse pour cet homme de consensus.