Est-ce que le cabinet de Michel Barnier inclura un ministère consacré à l’Immigration ? Aucune décision définitive n’a été prise pour le moment, mais cette proposition a suscité une vive réaction au sein de l’ancienne majorité présidentielle.
Lorsque 42mag.fr a révélé, le lundi 9 septembre, que des préfets de départements directement impliqués dans les questions migratoires étaient sollicités pour potentiellement former le cabinet d’un futur ministère de l’Immigration, une onde de choc a traversé les rangs de la macronie. « Si jamais Barnier lance cela, le groupe parlementaire à l’Assemblée nationale sera sous forte pression, avertit un conseiller de l’exécutif, cela pourrait même provoquer une rupture rapide ». En clair, le groupe de Gabriel Attal court le risque d’éclater, tant cette question de l’immigration reste un sujet extrêmement sensible au sein de la majorité présidentielle.
Réactions épidermiques
En décembre, presque 60 députés avaient refusé de voter la loi Darmanin. Dès lors, la simple idée de créer un ministère centré sur cette thématique refait surgir de nombreuses oppositions. « Voilà une idée qui ne peut que rassembler… l’extrême droite », s’insurge la députée de l’aile gauche, Stella Dupont. « C’est ridicule et déprimant », déplore une ministre, tandis qu’une de ses collègues pointe le défi pour Michel Barnier de « se positionner sur des thèmes d’autorité pour contrer le Rassemblement National sans provoquer une levée de boucliers à gauche ». Les critiques fusent rapidement. Un ministre recommande donc au chef du gouvernement d’éviter une telle initiative, affirmant que « je doute fortement que cela permette d’élargir notre majorité à des députés socialistes ».
Les réactions ne sont pas unanimes. Tout dépend de l’interprétation du terme « ministère de l’Immigration ». « Si c’est un ministère de l’Intégration, je suis prêt à examiner l’idée, mais s’il s’agit d’un ministère de l’Immigration, c’est un non catégorique », confie un membre influent du groupe macroniste. Une opinion partagée par le ministre de l’Industrie démissionnaire, Roland Lescure : « Si c’est une résurgence du ministère de l’Identité nationale, c’est sans moi, mais s’il s’agit d’instaurer des discussions sereines sur un sujet qui le mérite, pourquoi pas ».
Matignon opte pour la prudence
Face à l’émotion déclenchée, Matignon appelle au calme. Un conseiller du Premier ministre explique à l’Agence France Presse que l’approche privilégiée est de « traiter ce dossier avec sérieux et d’examiner les moyens les plus adéquats pour obtenir des résultats concrets », sans pour autant passer par la création d’un ministère « spécifiquement » consacré à l’immigration. Ce message de prudence rassure immédiatement dans les rangs de la macronie, même si un député met en garde : « Restons vigilants… Hortefeux n’est jamais loin ! » C’est en effet Nicolas Sarkozy qui avait instauré en 2007 le « ministère de l’Immigration, de l’intégration et de l’identité nationale », avec Brice Hortefeux à sa tête. Puis, l’ancien socialiste Éric Besson avait engagé un débat sur l’identité nationale, accusé de libérer une parole raciste et vivement critiqué par la droite modérée et les centristes, qui soutenaient alors Nicolas Sarkozy. Finalement, ce ministère avait été supprimé en 2010, et les dossiers relatifs à l’immigration avaient été réattribués au ministère de l’Intérieur.